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Cinéma
Une histoire d’amour et de désir (102’) - Film français de Leyla Bouzid
Une histoire d’amour et de désir (102’) - Film français de Leyla Bouzid

| Jean-Louis Requena 705 mots

Une histoire d’amour et de désir (102’) - Film français de Leyla Bouzid

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Une histoire d'amour et de desir ©
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Un jeune homme prend une douche. Son corps nu, vigoureux, est observé à travers une vitre dépolie : c’est Ahmed (Sami Outalbali), un étudiant de 18 ans né en France d’origine maghrébine, qui s’apprête à partir pour son premier cours à la prestigieuse faculté de la Sorbonne (Paris V ème). Avec ses parents, il habite une cité banlieusarde à la périphérie de la capitale. Après un voyage en train, il assiste à la première réunion de la section lettres dans un grand amphithéâtre. Une jeune étudiante à l’habillement tapageur, à la chevelure abondante, vient s’assoir près de lui : c’est Farah (Zbeida Belhajamor), une tunisienne récemment arrivée en France. Peu de temps après Ahmed et Farah se retrouvent dans la classe de la professeure Morel (Aurélia Petit) qui enseigne la poésie érotique arabe du XII ème siècle.

Ahmed est un jeune homme introverti, réservé, comme prisonnier de rets vaguement religieux, de contraintes éthiques, morales, perpétuées dans sa cité où il est surnommé « le Parisien » car il est le seul à poursuivre des études supérieures à Paris. Sa sœur adolescente, Dalila (Mahia Zrouki) est plus délurée que lui : elle a déjà un petit ami au grand dam des « grands frères » de la cité. Ahmed fait des petits boulots avec ses copains Saidou (Diong-Keba Tacu) et Hakim (Samir Elhakim) pour avoir quelque argent de poche. Son père Karim (Bellamine Abdelmalek) journaliste algérien au chômage campe, désabusé, sur le canapé du salon. Sa mère Faouzia (Khemissa Zarouel), femme discrète mais efficace, veille sur la bonne tenue de la maisonnée. C’est une famille discrète, intégrée dans le tissu social français.

Les cours du professeur, Mme Morel, sur la poésie érotique arabe troublent Ahmed d’autant que Farah, au physique attrayant, est, durant ceux-ci, à ses côtés. Pour ajouter à sa confusion, elle lui offre un exemplaire du livre Le Jardin parfumé du cheikh Nefzaoui (XV ème siècle) manuel d’érotologie arabe !

Les deux jeunes gens complices, décident de faire une virée nocturne dans Paris que Farah, nouvellement arrivée, ne connaît pas …

Une histoire d’amour et de désir est le deuxième long métrage de la réalisatrice et scénariste tunisienne Leyla Bouzid (36 ans) ancienne élève de la FEMIS (section réalisation). Après quelques courts métrages d’apprentissage, son premier long métrage A peine j’ouvre les yeux (2015), reçoit le Prix du public au Festival International du Film de Saint Jean-de-Luz (2016). Récompensé dans d’autres festivals (Carthage, Mostra de Venise, Namur, Dubaï) nous avons perçu l’éclosion d’une réalisatrice de grand talent. Dans son précédent opus c’était l’histoire de Farah (déjà !), une jeune fille de 18 ans qui s’émancipait en chantant dans un groupe arabo-rock à Tunis, quelques mois avant la révolution tunisienne (décembre 2010 : révolution du jasmin). Son deuxième opus, Une histoire d’amour et de désir, est en quelque sorte le symétrique masculin et négatif du précédent : un jeune homme, inhibé par le poids des coutumes diffuses, de la religion qu’il ne pratique pas, qui n’a jamais connu « le bled », s’interdit de sortir de sa « zone de confort ». Ahmed littéralement fou de désir pour Farah, l’étrangère sensuelle, refoule sa passion et en souffre ... en silence.

Leyla Bouzid et son chef opérateur habituel Sébastien Goepfert (A peine j’ouvre les yeux) filment aux plus près les corps (vêtus ou nus) de Farah (surtout) et d’Ahmed. C’est un concert de sensualité exacerbée mais non aboutie que ce duo nous fait ressentir et des frustrations qui en résultent. Les amis, la famille, les gens de la cité sont en plans moyens ou éloignés comme s’ils ne pouvaient participer au drame qui se joue entre Farah et Ahmed que tout devrait rapprocher pour qu’ils accèdent, l’une pleinement consentante, l’autre réticent vacillant, aux plaisirs charnels. La réalisatrice tunisienne nous invite à « palper » ce tremblement émotionnel qui précède l’acte de chair. Les deux acteurs principaux Sami Outalbali (Ahmed, velléitaire) et Zeida Belhajamor (Farah, déterminée) sont d’une justesse confondante dans l’interprétation de leurs personnages.

Une histoire d’amour et de désir a été sélectionné au Festival de Cannes 2021 dans le cadre de la Semaine de la Critique. Au Festival du Film Francophone d’Angoulême 2021, présidé par la comédienne et réalisatrice Nicole Garcia, le film a remporté le prix du Valois de Diamant (meilleur film) et celui du Valois du meilleur acteur (Sami Outalbali).

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