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Cinéma

| Jean-Louis Requena 683 mots

Reflet dans un diamant mort (87’) - Film belgo-italo-franco-luxembourgeois d’Hélène Cattet et Bruno Forzani

Sur la plage privée d’un palace de la Côte d’Azur, un vieil homme, John D. (Fabio Testi), sirote son martini tout en observant une naïade alanguie sur son transat. Le septuagénaire est un ancien espion retiré possédant un trésor, des diamants, d’origine inconnue. Il n’a pas réglé la note de sa suite, somptueuse, avec vue sur la Méditerranée. Il est intrigué par les bruits qu’il entend dans la chambre jouxtant la sienne occupée par une mystérieuse jeune femme dont il ne connait pas l’identité. Il l’entrevoie lorsqu’elle quitte précipitamment l’hôtel. Qui est-elle ?

John D. septuagénaire, se remémore son ancienne activité : celle d’un jeune espion (Yannick Renier) à l’allure du héros romanesque de Iam Fleming (1908/1964) : James Bond. Sur la Riviera, John D., trentenaire, rencontre un milliardaire véreux (Koen De Bouw) qui lui propose un marché.

Dans le flux de conscience qui accable John D. âgé, les pensées imagées (ou imaginaires) se brouillent, se chevauchent, lorsque apparait une femme en combinaison noire intégrale : Serpentik (Thi Mai Nguyen ou Barbara Hellemans). Celle-ci est unique et multiple, comme des poupées russes, et d’une extrême violence. Le jeune John D. est son chasseur et … son gibier.

Reflet dans un diamant mort est le quatrième long métrage du couple Hélène Cattet et Bruno Forzani tous deux âgés de 49 ans. Leur premier opus Amer (2010) est un hommage post-moderne au genre Giallo qui a été remarqué, lors de son exploitation, par le cinéaste américain Quentin Tarantino. Reflet dans un diamant mort est à la fois un film Eurospy (film d’espionnage Spaghetti) et Giallo (allusion à la couleur jaune des livres policiers italiens) sorte de sous-genre cinématographique mélangeant trois thèmes : le film policier, le film d’horreur (gore) et l’érotisme soft. Son âge d’or correspond à l’apogée (production, distribution, exploitation) du cinéma transalpin de 1960 à 1980. Près de 400 films de ce sous-genre ont été produits durant ces deux décennies. 

Les scénarii des Gialli sont souvent des déclinaisons cheap (bon marché) des blockbusters anglais ou américains : la saga des James Bond avec Sean Connery (1930/2020) ou celle de Matt Helm avec Dean Martin (1917/1995). Parmi cette intense production avec des metteurs en scène italiens ou étrangers (de second rang), des acteurs italiens ou anglo-saxons, deux réalisateurs émergent : Mario Bava (1914/1980) créateur du sous-genre (Six femmes pour l’assassin - 1964) et son compatriote Dario Argento (L’Oiseau au plumage de cristal - 1965) né en 1940.

Les Gialli se caractérisent par des thèmes psychologiques comprenant la folie, l’aliénation, la sexualité et la paranoïa fondues dans un récit abracadabrantesque nourri par les souvenirs diffractés des personnages. Ainsi le vieux John D. brasse les siens réels ou fantasmés lesquels déclenchent sur l’écran un maelstrom d’images et de sons. Le vrai et le faux sont inextricables. Les co-auteurs (réalisation et scénario) déclarent à ce propos : « On a construit le récit comme un diamant avec de multiples facettes. Ses multiples grilles de lectures, Kaléidoscopiques, changent selon l’angle à travers lequel on les regarde ».

Lors de la projection, suivant son humeur, l’on peut admirer la prouesse du récit ou les images toujours très construites (cadrages, choix des couleurs, partages d’écran, etc.) et la bande son en soulignent les péripéties, non linéaires, avec de surprenants flash-backs. On peut être imperméable à ce film qui abolit la continuité historique et sa vraisemblance. C’est un jeu auquel l’on adhère ou non. Force est de reconnaitre le soin apporté au dispositif cinématographique qui comprend des citations de roman photo (Fumetti neri, bandes dessinés nés en Italie après la Seconde Guerre Mondiale) et des animations stylisées et même des tableaux de peintres célèbres (Le Caravage – 1571/1610). Le long métrage abonde en clins d’œil malicieux à des maîtres du cinéma mondial : Alfred Hitchcock (1899/1980), David Lynch (1946/2025), Sergio Leone (1929/1989), etc.

Le visionnage de Reflet dans un diamant mort est une expérience sensorielle intéressante (ou déroutante). La musique forte souligne les scènes dramatiques à la manière des westerns spaghettis d’où des emprunts à deux compositeurs de ce genre : Ennio Morricone (1928/2020) et Bruno Nicolai (1926/1991).

Reflet dans un diamant mort a été sélectionné en compétition officielle à la Berlinale 2025.

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