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Cinéma
Les Banshees d’Inisherin (109’) - Film irlando-américano-britannique de Martin McDonagh
Les Banshees d’Inisherin (109’) - Film irlando-américano-britannique de Martin McDonagh

| Jean-Louis Requena 764 mots

Les Banshees d’Inisherin (109’) - Film irlando-américano-britannique de Martin McDonagh

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Printemps 1923. Une petite île au large de la côte ouest de l’Irlande. Padraic (Colin Farrell) est un simple paysan vivant chichement, sur la lande, en bordure de mer, avec sa sœur Siobhan (Kerry Condon). C’est un homme droit, pas compliqué, peu instruit, qui aime la nature et ses animaux en particulier son ânesse naine. Sa situation lui plait, ne lui pose aucune interrogation existentielle. A contrario, sa sœur grande lectrice, cultivée, s’ennuie à mourir dans leur maisonnée battue par les vents.

Tous les jours à 14 heures tapante, Padraic va au pub du village pour y retrouver son grand ami Colm (Brendan Gleeson), musicien amateur, afin de partager une pinte tout discutant de la pluie et du beau temps. A sa grande surprise Colm est absent. Padraic s’inquiète, Colm n’a jamais raté jusqu'à ce jour ce rendez-vous journalier. Padraic va frapper à l’huis de la maison de Colm. Celle-ci est fermé. Par une fenêtre, Padraic aperçoit Colm assis dans son fauteuil, paisible, près de la cheminée, fumant sa pipe en compagnie de son chien. Il ignore les appels de son ami …

Padraic est déconcerté par l’attitude soudaine, incompréhensible, de Colm. Qu’a-t-il fait pour qu’il l’ignore à ce point, évite de le rencontrer… Les habitués du pub s’interrogent aussi. Que se passe-t-il entre ces deux compagnons hier inséparables ? Padraic veut une explication.

Colm mutique, s’obstine à esquiver tout contact avec Padraic …

Les Banshees d’Inisherin est un long métrage surprenant tant l’histoire est simple, linéaire, contée sans effet, dans un développement implacable. Deux hommes très proches se séparent brusquement par la farouche volonté, de l’un des deux, laissant l’autre meurtri. Harcelé, pour se dédouaner de cette rupture soudaine, Colm affirme sans autre commentaire : « Je crois que je ne t’aime plus. Tout ce que tu dis n’a aucun intérêt ». Est-ce une parabole de la Guerre civile irlandaise (juin 1922/mai 1923) qui se déroule non loin, sur la grande île, où les indépendantistes divisés en deux factions fratricides, se déchirent ? De la côte de leur île l’on peut apercevoir les explosions, les panaches de fumées, de ce conflit qui ne semble pas affecter les insulaires. La petite communauté villageoise n’est intéressée que par la rupture inattendue entre Padraic et Colm.

Martin McDonagh (52 ans) est un dramaturge irlandais (il a écrit de nombreuses pièces de théâtre) et réalisateur depuis Bons baisers de Bruges (2008), histoire de deux gangsters en cavale interprétée, déjà, par Colin Farrell et Brendan Gleeson (deux irlandais !). Son opus suivant Three Bill board : Les Panneaux de la vengeance (2017) a raflé de nombreux prix internationaux : Mostra de Venise 2017 (meilleur scénario), Oscar 2018 (meilleur film et meilleur scénario original), auxquels s’ajoutent des récompenses de moindre importance. La qualité de l’écriture est de toute évidence le point fort du dramaturge. Les dialogues sont percutants, amusants, toujours en situation : on rit aux reparties qui claquent dans une langue « colorée » par l’accent irlandais.

Comme lors de ses précédents longs métrages, le réalisateur porte une attention aux images (écran large) qui magnifient la lande insulaire aux routes bordées de longs murets de pierres délimitant les parcelles de terrain. Ses plans larges, par leurs cadres soignés, rappellent sans contexte ceux de John Ford (1894/1973), irlandais d’Amérique (L’Homme tranquille – 1952). Les intérieurs, sobres, sombres sont réchauffés par la chaleur d’un âtre toujours actif même en ces temps printaniers ou la pluie vient s’inviter de temps à autre. Le chef opérateur Ben Davis, déjà présent dans Three Bill board : Les Panneaux de la vengeance, maitrise parfaitement la lumière de deux univers contraires : les intérieurs obscurs (maisons, étable, pub), les extérieurs lumineux (lande, la plage).

Outre les trois acteurs principaux remarquables dans leurs rôles, Colin Farrell (Padraic), Brendan Gleeson (Colm), Kerry Condon (Siobhan), viennent se greffer des personnages détonnants qui enrichissent le récit, le fait rebondir, par leurs comportements saugrenus : Dominic (Barry Keoghan) trublion libidineux que son père Peadar (Gary Lydon) policier de son état, martyrise ; Jonjo (Pat Shortt) le placide patron du pub ; Mrs McCormick (Sheila Flitton) la boutiquière pipelette sans gêne. Tous forment une communauté truculente, ou tout se sait, rien n’échappant aux regards des autres.

A la Mostra de Venise 2022, le film Les Banshees d’Inisherin, en sélection officielle, a été récompensé par le prix du meilleur scénario et le prix d’interprétation masculine (Coupe Volpi) pour Colin Farrell. Les jurés du festival auraient dû associer au palmarès Brendan Gleeson.
Et aux Golden Globes à Los Angeles mardi dernier, le film a remporté  le globe de la meilleure comédie, du meilleur acteur - Colin Farrell - dans une comédie, et celui du meilleur scénario pour Martin McDonagh.

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