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Cinéma
L’Affaire Collini (123’) - Film allemand de Marco Kreuzpainter
L’Affaire Collini (123’) - Film allemand de Marco Kreuzpainter

| Jean-Louis Requena 730 mots

L’Affaire Collini (123’) - Film allemand de Marco Kreuzpainter

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L'Affaire Collini ©
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L'Affaire Collini ©
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Berlin 2001. Dans un hôtel cossu du centre-ville, un homme âgé avance avec difficulté dans un couloir. Jean-Baptiste Meyer (Manfred Zapatka), un magnat de l’industrie allemande, lui ouvre la porte de sa suite : il est surpris … Quelque temps plus tard l’homme âgé revient dans le hall de l’hôtel : il est hagard, couvert de sang. En bredouillant, il affirme avoir tué Jean-Baptiste Meyer. Il se laisse appréhender par la police sans résistance. C’est un vieil homme mystérieux qui ne répond à aucune question. La police finit par découvrir son identité : il se nomme Fabrizio Collini (Franco Nero) ; il est italien. Il n’a, en apparence, aucun lien avec la victime.

Caspar Leinen (Elyas M’Barek) est un jeune avocat sportif, d’origine turque. Il est commis d’office avocat de la défense de Fabrizio Collini. Ses rencontres avec le détenu dans une prison berlinoise n’aboutissent à rien : l’italien persiste dans son mutisme. Malgré le refus de collaborer du prisonnier, Caspar Leinen tente de monter un dossier de défense contre la partie civile représentée par un ténor du barreau, Richard Mattinger (Heiner Lauterbach), son ancien professeur à la faculté de droit.

L’affaire criminelle semble obscure : un assassinat sauvage sans mobile apparent … 

Dans ses recherches pour étoffer son maigre dossier, Caspar Leine découvre que Jean-Baptiste Meyer s’appelle en réalité Hans Meyer lequel a été, dans sa jeunesse, son protecteur lui permettant ainsi de s’éduquer à la vie allemande et de faire des études supérieures. Son bienfaiteur l’a hébergé dans sa vaste demeure avec ses deux enfants : la belle Johanna (Alexandra Maria Lara) et son frère Philippe (Levi Kichhoff) disparu tragiquement dans un accident de voiture. Caspar et Johanna ont vécu dans cette belle maison, près d’un lac, leur premier amour adolescent.

Lorsque le procès s’ouvre, le novice Caspar qui a choisi, malgré tout, de défendre Fabrizio Collini doit faire face à une redoutable partie civile : maître Richard Mattinger flanqué de Johanna Meyer. L’affaire judiciaire s’annonce ardue …

L’Affaire Collini est un film de prétoire (les séances au tribunal) doublé d’un thriller policier (la recherche de la vérité sur le passé de Hans Meyer). Le scénario écrit à trois mains est l’adaptation du livre éponyme allemand (Der Fall Collini – 2011) de Ferdinand von Schirach (Publié en français sous le titre de L’Affaire Collini – Gallimard – collection « Du monde entier » - 2014). 
Ferdinand von Schirach (58 ans), avocat de droit pénal, est le petit-fils du dirigeant nazi des « Jeunesses hitlériennes » Baldur von Schirach (1907/1974) condamné à vingt ans de prison lors du procès de Nuremberg (novembre 1945 à octobre 1946). L’écrivain allemand bénéficiant d’une forte notoriété dans son pays et dont tous les ouvrages sont traduits dans la prestigieuse collection « Du monde entier » (Gallimard), a déclaré à propos de son roman qu’il n’était pas une transposition de l’histoire de sa famille, mais une interrogation sur les motifs du comportement : « de la justice d’après-guerre, des tribunaux dans la République Fédérale, des jugements éhontés, des juges qui n’ordonnançaient que cinq minutes de prison pour chaque assassinat commis par un criminel nazi ».

Le film de procès ou film de prétoire, est un genre cinématographique très prisé qui consiste à coupler une enquête judiciaire en divers lieux, avec des scènes de tribunal. Les chefs-d’œuvre sur ce modèle narratif abondent : Autopsie d’un meurtre (1959) d’Otto Preminger (1905/1986), Le Verdict (1982) de Sidney Lumet (1924/2011), pour les américains ; La Vérité (1960) d’Henri-Georges Clouzot (1907/1977), Section spéciale (1975) de Constantin Costa-Gavras (1933), etc. L’Affaire Collini de Marco Kreuzpainter ne se situe pas au niveau cinématographique de ces longs métrages. L’exposition du drame est trop longue avec d’inutiles flash-backs sur la jeunesse enchantée du futur avocat d’origine turc dans l’Allemagne fédérale du chancelier Willy Brandt (1913/1992). Les rebondissements sont parfois laborieux et « tirés par les cheveux », mais c’est la loi du genre sauf quelques exceptions. Le metteur en scène filme avec application (un peu trop) les péripéties de l’affaire. Cependant, nous nous laissons finalement happer par cette tragique histoire grâce à deux comédiens : l’allemand Eylyas M’Barek (Caspar Leinen) toujours en alerte ; l’italien Franco Nero (Fabrizio Collini) vu dans de nombreux « westerns spaghetti », ici vieil homme granitique, mutique, aux fameux yeux bleus.

L’Affaire Collini est un film qui se laisse voir sans déplaisir. De surcroit, nous apprenons, si vous ne le saviez pas, le devenir paisible de nombreux notables nazis, criminels de guerre, « recyclés » dans la République Fédérale Allemande durant la « Guerre froide » (1947/1991).

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