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Histoire
Les mystères de Christophe Colomb : les trois caravelles
Les mystères de Christophe Colomb : les trois caravelles

| Jacques de Cauna 935 mots

Les mystères de Christophe Colomb : les trois caravelles

Nous souscrivons tous sans y penser davantage à la représentation traditionnelle des trois caravelles de Christophe Colomb arborant dans leur course transatlantique vers le Nouveau-Monde leurs voiles frappées de larges croix pattées rouges dites communément templières. Comme tout ce qui touche au Grand Amiral de la Mer Océane, du lieu de sa naissance aux noms que l’on a retenus pour ses bateaux, la Pinta, la Niña et la Santa-Maria, sans parler du voyage lui-même, des interprétations de toutes sortes ont été données d’une entreprise devenue légendaire pour avoir littéralement changé la face du monde en 1492. 

On doit déjà rappeler que si le nom de « caravelle » peut bien s’appliquer aux deux premiers navires du premier voyage commandés par les frères Pinzon (qui étaient trois en réalité et non deux), du port andalou de Moguer immortalisé par le célèbre vers de José Mara de Heredia « De Palos, de Moguer, routiers et capitaines partaient... » (Palos étant le port de départ en aval sur le Rio Tinto), il conviendrait plutôt pour le dernier, le navire-amiral, de parler d’une « nef » (du portuguais nao), bâtiment de plus gros tonnage et plus rond. Rien ne prouve d’ailleurs que Colomb n’ait pas considéré ces bâtiments tout simplement comme trois grosses caraques, nom générique d’origine arabe de la plupart des vaisseaux de l’époque. 

Certains avancent que les deux autres caravelles se seraient nommées la Santa Clara et la Santa Anna, mais on n’a retenu d’elles que des surnoms évocateurs : la « Peinte » et la « Petite ». Quant au nom de la plus fameuse de ces trois caravelles dont le mythe s’est emparé et qui trône dans tous les livres d’histoire, la Santa Maria, il n’est jamais rapporté sous cette forme chez les premiers chroniqueurs, qu’il s’agisse de Bartolomé de La Casas, de Colomb lui-même dans son Journal ou de ses fils Diego et Fernando dans leurs écrits. Colomb lui-même distingue bien des deux caravelles la nef, qu’il appelle ainsi, ou encore « le vaisseau amiral », et Las Casas emploie souvent le terme de la Capitana. Elle appartenait à Juan de La Cosa, le pilote, cartographe et armateur cantabre qui accompagnait Colomb, et son véritable nom aurait été la Gallega, parce qu’elle aurait été construite en Gallice, à Pontevedra, ce qui est contesté par certains alors qu’on sait bien que son équipage était composé de Basques et Galiciens. On peut ainsi avancer sans trop d’hésitations qu’en dehors de la volonté d’hommage par l’Amiral à la Sainte Vierge, ce dernier lui avait substitué le nom de Santa Maria à partir d’un autre port de ce nom plus au Sud, aujourd’hui ville d’El Puerto de Santa Maria, au fond de la baie de Cadix. 

On sait en effet que Colomb s'était adressé au départ pour financer son entreprise au seigneur propriétaire de ce port de Santa Maria, don Luis de la Cerda, duc de Medina-Celi, marquis de Cogolludo, de sang royal de France et de Castille, comte d’El Puerto de Santa Maria, descendant direct de Gaston III "Febus" de Béarn par son fils (naturel, mais reconnu par bref pontifical) Bernard (Bernalt) de Béarn qui avait épousé Isabelle, fille de l'Amiral Louis de La Cerda, comte de Clermont et de Talmont, lui-même arrière-petit-fils de saint Louis (nota : Bernard de Béarn adopta le nom et les armoiries de son épouse en recevant également le comté de Medina-Celi, transformé en duché pour son descendant à la cinquième génération, don Luis, dont il est question ici)
Les revenus de ce premier duc de Medina Celi étaient considérables. Il hébergeait Colomb et avait investi mille ducats mis à sa disposition pour commencer la construction de trois caravelles. Mais voici ce que nous en dit Las Casas et qu’avait relevé en 1987 pour la Société Haïtienne d’Histoire notre regretté confrère et ami l’architecte Christian Goguet : 

« La Divine Providence avait arrêté dans ses décrets que ces terres fertiles seraient découvertes par la bonne fortune de nos excellents rois et non par la faveur et l'aide de leurs sujets. Leurs Altesses, et notamment la sérénissime Isabelle, qui s'intéressait plus particulièrement à cela, ayant pris connaissance de la requête du duc de Medina-Celi qui demandait et réclamait comme une faveur, le soin d'équiper cette modeste flottille, l'illustre Reine dis-je, comprenant que cette affaire pouvait amener quelque chose de grand et de glorieux.... fit écrire au dit duc, qu'elle tenait sa proposition et son projet comme important service et qu'elle se réjouissait d'avoir, dans son royaume, un homme assez généreux et assez riche pour entreprendre une œuvre aussi considérable, car la grandeur et la magnificence des vaisseaux rehaussent la gloire et l'autorité des princes suzerains, mais qu'elle le priait de trouver bon qu'elle dirigeât elle même cette affaire, que sa volonté était de s'en occuper efficacement, d'en faire les frais sur sa cassette, attendu qu'une pareille entreprise ne pouvait être que de la compétence des souverains ».

Quant aux grandes croix rouges des voiles, elles ont bien existé de manière indubitable, comme on le voit sur la quasi-totalité des représentations, mais on pourrait objecter qu’elles sont de manière quasi générale la marque de fabrique de toutes les grandes caraques portugaises en circulation à l’époque, celle des grands découvreurs qui s’élancent vers le Sud le long des côtes africaines après s’être arrêtés dans l’Ouest aux Açores.

N’oublions pas toutefois que Colomb ne naviguait pas pour le roi du Portugal mais pour les souverains espagnols, Ferdinand d’Aragon, et surtout Isabelle de Castille son épouse, qu’il avait su convaincre. La question resterait donc entière si certaines réponses ne commençaient à se dessiner à l’issue de plus amples investigations : pourquoi ces grandes croix pattées rouges des Templiers sur « les trois caravelles » ? 

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