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Histoire
Le chanoine Pierre Lopez de La Vega (1869 - 1961)
Le chanoine Pierre Lopez de La Vega (1869 - 1961)

| François Xavier Esponde 1445 mots

Le chanoine Pierre Lopez de La Vega (1869 - 1961)

1 – Pierre Lopez de la Vega

La destinée de Pierre Lopez de la Vega est liée à l’histoire des Missionnaires d’Hasparren et à la recontruction de la Chapelle des Missionnaires dite du Sacré Coeur à Hasparren, “Cité basque du Sacré-Coeur, gardienne du sanctuaire”, selon ses termes.
La première chapelle datait de 1824, victime d’un incendie en 1858, de toute probabilité des origines de l’usage de la Maison des Missionnaires à Hasparren connue pour son rayonnement religieux dans tout le Pays Basque.

D’illustres noms figurent dans le panel de ces hommes qui, depuis l’abbé J.-B. Garat, son premier supérieur, ont essaimé en terre basque. Cet abbé Garat était d’ailleurs un personnage haut en couleur et qui illustrait bien l’ardeur missionnaire de ses engagements.

Quant au Chanoine Pierre Lopez de La Vega, il fut le sixième de la lignée des supérieurs de cette institution et son nom est cité comme le bâtisseur de la chapelle dans les années 1928-31.

L’historique en est connu : pose de la première pierre par Mgr Gieure, fervent bâtisseur des séminaires d’Ustaritz et de Bayonne sous son règne ardent et engagé, pour réhabiliter l’église catholique assez malmenée lors des débats anticléricaux de l’époque sur la place des croyants dans la société en France.
La dite chapelle est dotée d’une riche décoration spirituelle, les verrières en 1935, les peintures murales ou fresques de 1935 à 1940.
Elle sera consacrée en 1936 et classée parmi les Monuments Historiques en 2008 comme édifice  art déco / néo-renaissance très apprécié en ces années...

Une souscription ouverte le 1er Mai 1921 par Pierre Lopez de La Vega en quête de soutien financier pour un projet aussi coûteux qu’exceptionnel pour l’avenir.
Jacques Coumet, conseiller général d’Hasparren, y était attaché et se consacra à cette reconnaissance publique pour la cité et le Pays Basque au cours de son mandat...
La collecte de fonds auprès des 73 paroisses basques fut nécessaire pour réaliser le projet du Sacré-Coeur, soit 5000 souscripteurs paroissiaux auxquels s’ajoutèrent des fortunes industrielles d’Hasparren, des emprunts contractés à 4 % remboursables à des particuliers, et “des aides demandées par Lopez de La Vega à sa propre famille”. On y parvint dans des délais assez courts. Les chiffres comptables des dépenses engagées sont détaillés. Les recettes des dons adressés à Lopez de La Vega étaient variables, mais qu’importe, en 1942, les paiements des contractants sont assurés, et Pierre Lopez de La Vega peut dire “Deo gracias”, nous y sommes arrivés ! Ces généreux donateurs étaient bien souvent anonymes, et les informations manquent.

La personnalité de Pierre Lopez de La Vega, son origine, son engagement résolu dans le projet, ont laissé peu d’informations biographiques le concernant.
Etait-il issu d’une souche carliste navarraise ? Ses parents avaient-ils connu le parcours de la seconde guerre carliste de 1870 ? Avait-il des raisons historiques et familiales pour asseoir ce projet dans une histoire navarraise des deux versants pyrénéens, à laquelle ses coreligionnaires apportèrent aussi leur concours ?

2 – L’aventure carliste en France.

On connaît par le récit historique l’exil de Don Carlos et de ses fidèles en France, en 1876, lors de la seconde guerre carliste navarraise. Bayonne, Pau, Bordeaux, Saint-Jean-Pied-de-Port, Saint-Jean-de-Luz et bien d’autres communes du département des Basses-Pyrénées et de la région avaient vu déferler l’arrivée de “ces Espagnols” de l’époque par milliers de sujets, avec femmes et enfants, établis parfois à Bayonne sur les Allées Marines.

On les accusa des maux attribués aux étrangers, « inspirateurs, intrigants, conspirateurs » dans les rapports établis par les Consuls d’Espagne qui fulminaient contre ces ennemis de l’intérieur, si bien accueillis dans notre région où ils comptaient en cette seconde partie du XIXème siècle des soutiens fervents de comtes landais, de marquis basques, de l’Administration publique, qui préférèrent se tenir à distance, sans intervenir par la force, pour demander un jour le renvoi vers la Navarre, de ces importuns du moment.

On citera le chanoine Manterola et l’abbé Santa Cruz, acteurs ardents de la communauté carliste,  inquiétés, mis en prison, expulsé pour le premier vers la Belgique mais qui revint en catimini sous le regard complaisant des autorités préfectorales du département des Basses-Pyrénées,   accueilli comme un héros par les royalistes dans les Landes et notre département.

Les royalistes et familles issues des monarchies des deux versants leur ouvrent leurs châteaux et leurs domaines pour accueillir ces hôtes qualifiés de “légitimistes“ protégés par ces derniers.

Carmel, couvent capucin de Bayonne, cathédrale canoniale, Missionnaires d’Hasparren, donnent l’asile, et la tribune au chanoine Mantérola qui, de Saint Jean de Luz, se rendait quasi quotidiennement à la cathédrale de Bayonne “pour soutenir ses troupes, dans la foi et dans l’engagement, pour recouvrer leur place en Espagne.”

La nécessité de lever les troupes, d’assurer des armes, d’organiser la résistance s’imposent. On ne lésine donc pas sur les méthodes pour une cause jugée juste par les fidèles de DonCarlos.
- Ainhoa, Arnéguy, Baigorry, sont des lieux de passage des hommes et de leur armement rudimentaire, sous le regard d’une autorité publique qui laisse faire.

Somme toute tout cela concerne l’Espagne, alors on temporise.

- La presse prête son concours.

La « Semaine de Bayonne », le « Mémorial des Pyrénées » de Pau, sont acquis aux légitimistes de Don Carlos.

La « Croisade espagnole » était un bulletin bilingue, la « Voix de la Patrie » sont imprimés à Bayonne.

On croit à l’issue d’une révolte jugée légitime, mais les moyens font défaut.

Les escarmouches et confrontations navarraises continues entretiennent le différent, mais chacun campe sur ses forces.

- La débâcle du 28 février 1876 sonnera le glas des hostilités portées sur le versant espagnol.

Des milliers de soldats carlistes basques et catalans fuient vers la France.

 

- Arnéguy et Saint Jean Pied de port voient ces hommes désorientés chercher refuge dans ce département français.

 

Les églises vont se soucier de la misère de ces soldats démunis.

Faute de mieux, les congrégations religieuses prêtent leur concours, mais les moyens manquent face à leur nombre.

En France on cherche à les éloigner des Pyrénées, l’exil est le chemin de leur avenir vers les terres du centre et du nord du pays.

En guenille, affamés, quémandant le pain et quelque nourriture, ces hommes s’ajoutent dans le paysage basco-français de l’Aquitaine vers l’Ouest de la France.

Ils savent que leur sort est scellé pour l’heure en France, en exil, et sur les chemins de l’exode.

Don Carlos fuit vers l’Angleterre avec ses proches.

Des critiques dans ses rangs lui prêtent une motivation tempérée par les épreuves et les échecs supportés par ses hommes.

Il préférait la bonne vie, et les agréments de charmantes compagnies, disait-on, aux récits chevaleresques de ses soldats...

Il faudra créer un service à l’Hôpital de Bayonne pour soulager les malades, les blessés qu’on soupçonnait d’être porteurs de maladie, de la diphtérie, par suite de manque de soin et de la faim.

Un argument constant au cours du temps pour tenter d’enrayer des arrivées étrangères imprévues.

Basques et Navarrais, Basques et Catalans, ils en subiront les infortunes.

Les carlistes étaient pour l’heure en France. Mais jusqu’à quand ?

Les diplomates s’activeront, sous la pression de la France, pour réclamer une amnistie à l’Espagne, moyennant quelques dividendes en retour.

Les récits de violences commises en outre à Perpignan contre ces sujets accusés de vols, rapines et exactions soulèvent la population locale.

Une bonne partie de cette histoire souvent confondue avec la Guerre civile de 1936 s’est ainsi déroulée en France, on l’a oublié.

On racontait en effet que les réunions de la soldatesque se faisaient à ciel ouvert à Bayonne, base militaire française, mais à présent carliste, par le recrutement de ces mercenaires, pour l’engagement en Navarre.

Cependant, les Navarrais issus d’origines basques d’Espagne,  choisiront pour nombre d’entre eux le retour.

Mais d’autres s’établiront ici, à Bayonne, Pau, Hasparren, Saint-Jean-de-Luz, Oloron et au-delà : les familles Zabalo, Tellechea, Garcia Larreche, seront du nombre..

La construction de la chapelle du Sacré-Coeur après ces récits historiques douloureux pour la Navarre des deux versants avait-elle quelque rapport avec le choix ciblé du Sacré-Coeur à Hasparren ?

Il n’est sans doute pas anodin, ni insignifiant que Pierre Lopez de La Vega fut désigné par Mgr Gieure pour réaliser cette œuvre imposante, au coeur du Pays Basque.
Avait-elle quelque rapport avec le passé navarrais de ces sujets historiques au tempérament avéré, qui choisirent le Sacré Coeur comme signe vivifiant de leur croisade ?

Une telle hypothèse est bâtie sur l’inconnu. Les sources manqueraient, disent les chroniqueurs.

Dépositaires d’informations, seuls les descendants des familles carlistes pourraient le dire, le prouver, l’affirmer avec assurance ! Joseph Zabalo n’étant plus là depuis un an, d’aucuns pourraient le dire, un jour pour lui, Noizbait !

(à suivre)

 

François-Xavier Esponde et  ALC

 

Légende : l’inauguration de la Chapelle des Missionnaires du Sacré-Coeur à Hasparren

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