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Histoire
Il y a 345 ans, chez les Tréville, au château de Trois-Villes, en Soule…
Il y a 345 ans, chez les Tréville, au château de Trois-Villes, en Soule…
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| Alexandre de La Cerda 1237 mots

Il y a 345 ans, chez les Tréville, au château de Trois-Villes, en Soule…

Le 8 mai 1672, décédait M. de Tréville, Lieutenant Capitaine de la compagnie des Mousquetaires.

Qui ne connaît les hommes qui servirent leur souverain Louis XIII dans la Compagnie des Mousquetaires du Roi, et dont la légende fut portée aux quatre coins de la Terre par le roman d’Alexandre Dumas ? Ils combattirent sous le commandement du fameux capitaine Jean-Arnaud du Peyrer, devenu comte de Trois-Villes (ou Tréville) en 1643 par la grâce d’Anne d’Autriche.

Le Château d’Elizabia, cette belle maison noble qu’il éleva sur une terrasse dominant le gave du Saison, aurait bénéficié de plans dus au célèbre architecte Mansart.

Son architecture « Grand Siècle » porte témoignage du bon goût de l’époque non sans avoir conservé quelques archaïsmes chers aux constructions basques, tels ces meneaux enlevés au XIXe siècle puis reconstitués à nouveau en pierre d’Arudy. Ce matériau avait déjà servi à construire le bel escalier intérieur, de l’époque du célèbre capitaine.

Sa parfaite ordonnance classique se partage entre un magnifique parc aux imposants magnolias plus que centenaires et un petit jardin à la française qui se détache harmonieusement sur les montagnes souletines. Depuis quelques années, il prête le bel écrin et l’intimité de ses salons aux récitals de talentueux musiciens de chambre.

L’histoire de Jean-Arnaud du Peyrer débute à Oloron où il naquit en 1598 dans une famille vouée jusque-là au négoce. En octobre 1607, son père Jean du Peyrer achètera à Bernard d’Echauz (qui l’avait reçu de sa mère Hélionor d’Ahetze, héritière d’Ordiarp de Tardets et de Trois-Villes) le domaine noble d’Eliçabia en Haute-Soule, ce qui lui permit de siéger parmi les gentilshommes de sa province en vertu du droit attaché à la terre en Pays Basque.

Quant à sa mère, Marie d’Aramitz, elle était issue d’une famille noble de huguenots béarnais. Son frère Charles servira le premier dans la compagnie de mousquetaires commandée par son oncle Tréville, mais c’est le fils de Charles qui inspirera le fameux Aramits du roman de Dumas.

Comment Jean-Arnaud du Peyrer devint-il mousquetaire ?

En 1616, à l'âge de dix-sept ans, notre héros renonça au négoce de laine et de drap qui avait fait la prospérité de sa famille et partit pour Paris où il s’engagea comme cadet dans les Gardes-Françaises. Remarqué pour sa bravoure lors des guerres franco-espagnoles en Flandre, c’est en qualité de mousquetaire que notre souletin prit part en 1627 au siège de la Rochelle où il reçut des blessures. Obtenant la confiance du roi Louis XIII, il devint officier de la compagnie des Mousquetaires avant de la commander à partir de 1634.

Conseiller d’Etat, maréchal de Camp, gouverneur et sénéchal de Marsan, Tursan et Gabardan, notre vaillant capitaine entreprit à cette époque d’arrondir son domaine d’Eliçabia : le 30 novembre 1638, il racheta au Duc de Gramont la Baronnie de Montory « au pays et vescomtat de Sola » (vicomté de Soule) dont Louis XI avait promulgué en 1464 les lettres patentes en faveur de son « amé et féal chambellan » Gracian de Gramont, fils de Berdot de Gramont et

de Gracianne de Haux, Dame de Haux et Olhaïby. A ces terres s’attachaient encore des droits sur Haux, Laguinge, Restoue et Atherey.

En réalité, cette demeure (ou Salle de Montory) qui était accompagnée de ses moulins devait être en fort piteux état si l’on en juge par sa description lors de sa vente aux enchères (sans doute infructueuse) qui s’était déroulée quatre ans auparavant devant la porte de l’église de Montory : « Maison à deux planchers, lesquels et les fenestres, sont toutes rompues par le long usage du temps. La tour aussi toute ruinée, sans planchers, ni escaliers, couverte d’un toit en bardeaux fort usés ».

La cause de cette ruine apparente résidait sans doute dans les conflits religieux qui embrasaient la région dans la deuxième moitié du XVIe siècle. Le protestantisme comptait précisément parmi ses chefs Antoine de Gramont, fidèle à Jeanne d’Albret protectrice (et instigatrice zélée) des Réformés alors que Bas-Navarrais et Souletins s’étaient prononcés à une écrasante majorité en faveur du catholicisme traditionnel. Or, à la suite d’une victoire des troupes protestantes de Gramont sur les Bas-Navarrais catholiques, les alliés souletins de ces derniers vinrent saccager le village en représailles contre Gramont, alors propriétaire de la Baronnie.

Comme si Montory et Trois-Villes ne lui suffisaient pas, notre Jean-Arnaud du Peyrer profita de la vente par Louis XIII, à court de ressources financières, du domaine royal (auxquelles avaient été jointes les terres communes de Soule et la justice du pays) pour acquérir l’ensemble et exercer les droits afférents à cet achat. Ainsi, en 1642, réclame-t-il le château-fort de Mauléon en parvenant à évincer son gouverneur Belsunce, avant de nommer un juge : mais là il s’opposa aux magistrats de Licharre. Des procès interminables avec les représentants de la Soule et à propos du démantèlement puis de la reconstruction du château de Mauléon avec leurs conséquences fiscales sur la population provoquèrent des révoltes menées par le curé de Moncayolle, Bertrand de Goyheneche surnommé « Matalas ». C’est à ce moment que les insurgés occupèrent Montory afin d’exercer des pressions contre les protestants. Ainsi, en 1661, Montory fut à nouveau ravagée, sans doute autant à cause des protestants que pour nuire à son nouveau baron, Jean-Arnaud du Peyrer, que d’aucuns rendaient responsables des tracas financiers des Souletins.

Au XXe siècle, les derniers restes de la maison noble de Montory acquise par du Peyrer-Tréville disparurent pour céder la place à un bâtiment construit en 1921 pour abriter un bureau de poste et, au dessus, celui de la mairie.

Cependant, à une situation locale tourmentée, notre héros ajouta bientôt les soucis inhérents à sa carrière à la cour royale.

En effet, bien que le roman de Dumas corresponde en gros à l’histoire véritable de notre capitaine des mousquetaires aux prises avec les gardes du cardinal, ce ne fut pas tant à propos des fameux ferrets de la reine Anne d’Autriche mais à cause, entre autres, de la conspiration de Cinq-Mars destinée à obtenir le renvoi (ou la liquidation) de Richelieu assorti d’un traité de paix avec l’Espagne.

Or, Louis XIII supportait Richelieu non sans mal, et la fidélité à son roi de Jean-Arnaud du Peyrer lui faisait partager ces sentiments. Il s’abstint toutefois de participer au complot de Cinq-Mars contre le cardinal lequel, nourrissant quelque suspicion à son égard, exigea l’exil immédiat de Tréville. Après avoir cédé, Louis XIII rappela son fidèle capitaine des mousquetaires à la faveur de la mort de Richelieu en 1642. Il lui rendit le commandement de sa compagnie mais quelques mois plus tard, le souverain disparut à son tour.

En conclusion d’une vie si aventureuse, Anne d’Autriche profita de sa régence en attendant de proclamer la majorité de son fils, le futur Roi-Soleil, pour récompenser le fidèle serviteur de son mari. En octobre 1643, la reine érigea la terre de Trois-Villes en comté.

Cependant, entre le capitaine des mousquetaires et le nouveau ministre Mazarin, le courant ne passa pas mieux qu’avec Richelieu et notre héros finit par se retirer dans son domaine souletin de Trois-Villes pour bâtir sa belle demeure. Il y mourra en 1672. Son fils, Joseph-Henry, n’ayant pas d’alliance, le comté passa à son neveu de Montréal de Monein dont un descendant céda le château au XIXe siècle à une branche de la famille d’Andurain à laquelle il appartient toujours.

(Extraits du livre d’Alexandre de La Cerda « Histoires extraordinaires du Pays Basque »)

 Alexandre de La Cerda

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