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Une association en mémoire du cardinal Etchegaray et son fauteuil d'académicien transmis à H. Gaymard
Une association en mémoire du cardinal Etchegaray et son fauteuil d'académicien transmis à H. Gaymard

| Alexandre de La Cerda 1765 mots

Une association en mémoire du cardinal Etchegaray et son fauteuil d'académicien transmis à H. Gaymard

Son labeur législatif très prenant en tant que député de la côte basque et son active présence sur place, dans sa 6ème circonscription, n'empêchent nullement Vincent Bru de s'intéresser de près à la vie culturelle et spirituelle de notre région, en particulier afin de créer une institution en mémoire du cardinal Etchegaray, tout comme l'ancien maire de Cambo avait fondé l'association des Amis d'Arnaga et d'Edmond Rostand au début du nouveau millénaire.

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Vincent Bru assistait à la réception d'Hervé Gaymard au fauteuil du Cardinal ©
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Il était donc légitime pour Vincent Bru d'assister à la réception sous la Coupole de l’Institut de France de l'élu savoyard Hervé Gaymard qui se voyait remettre son épée d’académicien des Sciences morales et politiques afin d'occuper désormais le fauteuil du cardinal Roger Etchegaray qui, pour sa part, avait été élu le 28 mars 1994 dans la section générale, au fauteuil laissé vacant par le décès de René Brouillet.

Vincent Bru venait d'ailleurs de rencontrer peu auparavant Michel Camdessus, Gouverneur honoraire de la Banque de France, tous deux étant les membres fondateurs de cette nouvelle "Association les Amis du Cardinal Roger Etchegaray" qui aura pour objet "d’honorer et de perpétuer la mémoire de la vie, de la pensée et des œuvres du Cardinal Etchegaray, en partageant avec les jeunes - y compris dans un dialogue œcuménique et interreligieux - les préoccupations sociales de notre temps, en collectant et gérant les publications et archives personnelles du Cardinal et assurant s’il y a lieu leur publication, également en créant et administrant un site internet (domaine : www.cardinalrogeretchegaray.org) et des comptes de réseaux sociaux".

Nous publions ci-dessous des extraits de l'éloge du cardinal prononcé par Hervé Gaymard lors de sa prise de fonction.

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Le cardinal Etchegaray à l'Académie ©
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"Il est un mystère du service de Dieu, peut-être d’une autre nature encore que le mystère de la foi, car il engage toute une vie en s’emparant subitement d’une âme. Florence Delay l’a si bien saisi en écrivant : 
« Tout ce qui vient d’en haut est inexplicable. La lumière qui resplendit soudain sur le chemin de Damas, s’enroule autour de Saül, le fait chuter et le transforme en Paul. La flèche qui traverse un pilier de Notre-Dame et troue le cœur de Claudel ». (...)
Et malgré "la grande pudeur du cardinal sur sa vocation", Hervé Gaymard de citer "le pasteur infatigable qui laissera échapper, dans un détour de conversation, cette confidence, vite ravalée : « un jour, nous avons tout risqué pour Jésus-Christ ».

À l’écouter pourtant, un chemin d’évidence : « Ma vocation, ou plutôt mon désir d’être prêtre, a surgi le jour de ma première communion. J’avais à peine sept ans. Rien de moins miraculeux, rien de plus flou : je voulais simplement devenir comme le prêtre qui me donna, ce jour-là, le « corps du christ ». J’étais incapable de préciser cette sorte d’appel intérieur. […] Toute ma vie (a été) une constante réponse à un constant appel pour accomplir la volonté de Dieu, découverte pas à pas. » 

Troublante simplicité, que l’on retrouve dans la description de son propre parcours : « J’avance, comme l’âne de Jérusalem dont le Messie, un jour des Rameaux, fit une monture royale et pacifique. Je ne sais pas grand-chose, mais je sais que je porte le Christ sur mon dos et j’en suis plus fier que d’être Basque.» 
Il avait fait sien ce secret de conduite de saint François de Sales : « Là où Dieu nous a plantés, il faut savoir fleurir. » Que dire de plus pour évoquer cet « ami des hommes, ami de Dieu » pour reprendre la belle expression de son ami Michel Camdessus ? Tenter de faire son éloge, c’est découvrir pas à pas un beau chemin de vie édifiant de simplicité et de vérité, d’autant plus délicat à parcourir que je n’ai pas eu le privilège de le connaître.

Décrivant chez le cardinal Etchegaray "l’ascendance naturelle que lui conférait sa foi mêlée à une simplicité primordiale, dont l’accent rocailleux et le béret basque n’étaient que la face visible" ainsi que son "regard qui vous saisissait, et un sourire qui vous accueillait. Le vrai sourire, le sourire des yeux, pas celui de la bouche dont il faut toujours se méfier", Hervé Gaymard souligne également le courage dont le religieux fit preuve en maintes circonstances de sa vie.

"Le Pays Basque, Marseille, Rome, furent les ancrages qui lui permirent d’accéder à l’Universel, d’aimer et comprendre les hommes et le monde dans sa quête inextinguible d’en sentir battre le cœur. Basque, bien sûr. « Quand je veux bien connaître quelqu’un, je cherche toujours à découvrir quelles sont ses racines, de quelle terre elles se nourrissent. Telle racine, tel arbre. Tel village natal, tel homme. » 
Il appartenait à ce « peuple tenace gardant, avec l’énigme de sa provenance, la foi, la tradition et le langage des ancêtres », ainsi caractérisé par Pierre Loti. Il faut donc aller à Espelette, où il est né en 1922, remonter Karrika, la rue principale jusqu’à Choko-Maitea, qui signifie le « coin aimé », cette maison où il a grandi, dans une famille aimante venue de la campagne, dans le bruit de l’atelier de son père, pleine d’hôtes de passage, ces gens de rien qui savaient tout, cette religion qui imprégnait les travaux et les jours, des processions rituelles au signe de croix que l’on trace sur le pain avant de l’entamer. 
Où l’on entend parler d’un enfant du pays qui intrigue, saint François-Xavier dont l’épopée en Inde et au Japon fait déjà rêver, et d’un voisin d’outre-Bidassoa qui impressionne, Ignace de Loyola. 

Tant de gloire et d’humilité entrelacées : Roger, puisait dans ses racines pour en tirer cette sagesse basque immémoriale : « Tu sais assez si tu sais vivre »
À douze ans, il entre au petit séminaire d’Ustaritz, il revêt la soutane à seize ans au grand séminaire de Bayonne, il est ordonné prêtre à vingt-quatre ans dans l’église de son village natal, au cours d’une cérémonie en basque et en latin. Ces années de formation sont des années de guerre : la retirada des réfugiés espagnols en 1939, la débâcle de mai-juin 1940, Radio-Londres qu’écoute son père en cachette de l’officier allemand qui occupe une chambre réquisitionnée, la hantise du STO, la morsure de la faim. 
Et l’ivresse aussi que procure la jubilation intellectuelle de découvrir le latin et le grec, la spéculation philosophique, l’étude des Écritures, mais aussi la découverte de Bergson, de Blondel, de Jankélévitch, et de Daniélou et Lubac aussi auquel Jacques de Larosière a rendu le plus beau des hommages. 
Certaines frustrations l’assaillent : la morale réduite à une simple casuistique, une exégèse biblique trop littéraliste, et l’absence de réflexion sur le rôle du prêtre dans un monde nouveau. 

Quand il rentre de Rome en 1949 après deux années d’études supérieures à l’Université pontificale grégorienne, il est nommé secrétaire de Mgr Terrier, le nouvel Évêque de Bayonne. Ce haut-savoyard, Évêque exemplaire de Moûtiers sous l’occupation, sera son premier lien avec la Savoie, et le marquera profondément par ses qualités humaines et spirituelles. Rapidement chargé de l’action catholique, il imagine des chemins nouveaux pour l’évangélisation, à l’écoute d’un pays qui change. Il poursuit et élargit sa mission à partir de 1957 auprès du nouvel Évêque, qui le nomme vicaire général en 1960. 
Dès janvier 1961, il est appelé à Paris auprès du secrétariat des Évêques de France. Il quitte donc son cher Pays basque, où il ne reviendra désormais qu’en vacances et y passer les deux dernières années de sa vie.

Évêque auxiliaire de Paris en mars 1969, le véritable tournant de sa vie est sa nomination comme archevêque de Marseille à l’avant-veille de Noël 1970, avant de rallier le Vatican en 1984, Jean-Paul II lui confiant la charge du dicastère Justice et Paix destiné à promouvoir l’essor des régions pauvres et la justice entre les nations dans l’esprit de la doctrine sociale de l’Église, ainsi que Cor Unum, chargé de l’assistance humanitaire, avec ses deux Fondations pour le Sahel et l’Amérique Latine. C'est là qu'il interpellera quelques "puissants", en particulier Michel Camdessus, alors président du Fonds monétaire international, et qu'il pourra parfaire son talent de diplomate...

"Ouvert à la réforme, il n’a jamais cessé de garder le cap. Son sourire n’était assurément pas celui de la naïveté, ni de la candeur, comme l’illustrent ces propos : 
« Nous devons veiller à ne pas glisser insensiblement, tout en gardant un vocabulaire chrétien, vers une gnose dont l’homme serait le héros et en définitive la 
victime », résonance de la déclaration souvent oubliée de Paul VI à la fin de Vatican II. Méditons aussi cette injonction à lui-même : « Seigneur, apprends-moi à ne pas colmater les brèches, mais à les élargir pour en faire des chemins nouveaux, […]à ne pas bâtir l’Église comme un chantier bien programmé, mais à la laisser pousser comme une plante folle sous le soleil d’un Dieu imprévisible. »

Et s'il mène à la faveur du Concile des réunions fréquentes avec les Épiscopats européens « de l’Atlantique à l’Oural », en développant des relations très étroites avec l'Eglise orthodoxe russe et ses patriarches, il n'en gardera pas moins de fortes attaches avec son pays, déclarant même : « La patrie n'est pas une abstraction ou un préjugé́, mais une réalité́ bien charnelle. […] Il trompe et se trompe celui qui prétend aimer les peuples lointains avec lesquels il ne vit pas et n'aime point son propre pays auquel il se frotte chaque jour. »

Et Hervé Gaymard de conclure : "de son ordination à son dernier souffle, le père Etchegaray aura dit vingt-six mille fois la messe. Vingt-six mille fois, il aura psalmodié devant quelques fidèles, ou proclamé devant des assemblées immenses, ces mots reçus de son Seigneur, « Conduis-nous vers l’unité parfaite » et « Étends au monde entier le salut et la paix. » 
Avait-il en tête cette notation de Jean-Marie Rouart : « Il y a deux chemins en nous : l’un, visible, qui vous conduit à travers les cahots de la vie sociale, à chercher la reconnaissance des autres, le succès ; l’autre, inavoué, c’est la fragile passerelle tendue vers ce but secret, rêve d’unité et de grandeur personnelle mêlées, que nous avons un jour assigné à notre vie et sans laquelle elle n’a pas de sens. Entre les deux, un abîme » ? Avait-il atteint cette unité parfaite que nous quêtons tous désespérément, avait-il comblé son abîme ? 
Peut-être son sourire est-il une réponse. Car il avait étendu au monde entier le salut et la paix. L’homme de Dieu appartient à l’insondable, il demeure un mystère. L’homme de bien nous éclaire, il nous laisse sa lumière". 

Répondre à () :

MARTIN DESMARETZ de MAILLEBOIS | 17/02/2023 13:50

Bien bel hommage, bien belle rétrospective, très intéressants. Mais je ne partage pas du tout cette vision de l’Église de N. S. JÉSUS-CHRIST : "la laisser pousser comme une plante folle sous le soleil d’un Dieu imprévisible". L’Église CATHOLIQUE au sens étymologique, littéral et historique depuis 2000 ans, a pour tâche très claire de transmettre les enseignements de Son fondateur, lesquels sont intangibles. Je la vois donc ferme, solide, dans ce que l'on appelle d'habitude la FOI. Par ailleurs, Dieu ne peut être un soleil. Il est la Lumière, la Vie, la Vérité, dans une intensité et une PAIX éternelle inconnaissable sur la Terre et donc contraire au feu d'une étoile. la Lumière divine baigne les élus d'une PAIX totale que j'ai eu l'honneur de ressentir et de transmettre bien des fois. Voilà ce que je crois devoir dire. Si, vous qui lisez ce commentaire en avez besoin et me la demandez, je vous la transmets.

Betti | 20/02/2023 10:38

Les mots ont un sens ,qui donnent ( devraient ) sens à notre vie. Point besoin de grand discours tout est dit en ces quelques mots. Grand merci à Monsieur Hervé Gaymard .

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