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Conférence
Musée Basque : redécouvrir le volet basque de Pierre Loti
Musée Basque : redécouvrir le volet basque de Pierre Loti
© DR – Pierre Loti et sa maison « Bakhar etchea » (la solitude)

| Alexandre de La Cerda 973 mots

Musée Basque : redécouvrir le volet basque de Pierre Loti

La Société des Amis du Musée Basque organise une conférence qui promet d’être intéressante jeudi 5 mars prochain à 18 h au Musée Basque : "Pierre Loti au Pays Basque, nouvelle approche" par Jean-Louis Marçot. Le conférencier avait créé à Hendaye, en septembre dernier, une « Association des amis de Pierre Loti » afin de mieux « faire connaître le volet basque de la vie et de l’œuvre de l’écrivain », envisageant entre autres de faire traduire en basque « Ramuntcho », ce qui n’avait jamais été fait. Le Musée Basque et de l’histoire de Bayonne, dont Loti est considéré comme un des fondateurs, en témoigne par la place qu’il continue de lui garder dans ses collections permanentes depuis 1947. Mais au dire des organisateurs, « l’étoile de l’académicien épris de la terre et du peuple d’« Euskalleria » a généralement pâli et sa part basque n’est certes pas celle qui a le mieux résisté à ce progressif désamour ». Jean-Louis Marçot s’attache à documenter ce volet basque de Loti par un retour à des sources aujourd'hui plus dispersées mais paradoxalement plus accessibles, telle la correspondance de l’écrivain.
Il pointe également l’influence des lectures réductrices appliquées à son œuvre et à titre d’exemple, le conférencier se livrera à « une reconstitution décapante de l’arrivée de Pierre Loti à Hendaye, à une étude détaillée de son portrait par Lévy-Dhurmer exposé dans la salle "Le Pays Basque de France au XIXème siècle" et à l’amorce d’une relecture de son roman « Ramuntcho ».
Jean-Louis Marçot espère par cette nouvelle approche contribuer à la redécouverte de dans sa richesse et sa complexité de Julien Viaud, plus connu sous son nom d’écrivain Pierre Loti, qui fut officier de marine et commandant de la station navale de la Bidassoa de 1891 à 1893 et de 1896 à 1898.
De Pasajes à Isturitz avec Loti
Dans mon livre "Nathalie de Serbie, la reine errante" je relate comment "Pierre Loti, dans son bel uniforme d'officier de marine, sensible aux honneurs, se rendait volontiers aux invitations qui le flattaient", en l'occurrence une vente de charité organisée par la souveraine exilée à Bidart. 
On trouve également beaucoup d'anecdotes sur Loti dans les mémoires de Gheusi : le directeur de l'Opéra Comique avait acquis un des pavillons au bas du château du baron de l'Espée à Ilbarritz, ce qui lui avait donné l'opportunité de faire des randonnées au Pays Basque avec Déroulède (exilé hors de France), l'écrivain Juliette Adam dont le salon parisien constituait le rendez-vous obligé des "gloires" de la IIIème république... et Loti ! Ils visitèrent en particulier Pasajes pour retrouver les traces de Victor Hugo. Avisant "un robuste grison, la barbe drue poivre et sel, le cheveu ras, l'oeil cerclé de marbrures, qui battait du tambour avec violence :
- Loti, cria Juliette Adam, regardez cet homme !
- Eh quoi ? fit le doux rêveur, séparé soudain de ses songes.
- Regardez-le ! insistait Juliette Adam. Je vous en prie : à qui ressemble-t-il ? Dîtes-le ! Allons donc ! Mais vous êtes aveugle : c'est Hugo ! C'est lui, tout craché. Je vous dis que c'est son fils ! 
Ma foi, murmura un de leur compagnon de randonnée, c'est fort étrange, il faut en convenir... Enfant d'une batelière, une fille-mère, peut-être une de celles dont Hugo parle avec admiration. On sait bien ce qu'il était, le séducteur !"
Gheusi décrit encore un Loti "victime de nombreuses jalousies, surnommé « animal musqué » car il se fardait pour cacher son teint blême (...) distant en apparence, parce qu'il était timide : Loti, l'excellent officier Viaud, était trop au-dessus des camaraderies banales du métier pour être compris ailleurs que parmi des coeurs d'élite, émerveillés de son génie particulier"…
On connaît son amitié avec le pilotari azkaindar Jean-Pierre Borda « Otharre ». Amateur de virées nocturnes de « gauasko lana » avec les contrebandiers « maritimes » de la baie de Txingudi, Pierre Loti a également laissé de très nombreux écrits sur ses « pérégrinations » en Pays Basque, telle cette description des grottes d’Isturitz :
« Nous voici dans la grande nef. Au milieu, malgré cette obscurité de rêve où tremblent nos petites lumières, on distingue vaguement quelque chose de gigantesque, qui se dresse dans une pose presque humaine ; c'est tout blanc et laiteux, cela semble un colosse en albâtre, qui essaierait de toucher la voûte avec sa tête ...
Notre guide nous emmène dans plusieurs galeries latérales où sont pétrifiées toutes les variétés de ces êtres qui hantent les cauchemars. Les stalactites (..), sont groupées là par familles, par formes à peu près semblables, comme si les Génies de la grotte avaient pris la peine de les classer. Telle galerie est consacrée plus spécialement aux franges légères, si fines quelquefois qu'on les briserait en les touchant ; elles descendent de partout comme une pluie figée, elles pendent de la voûte en guirlandes innombrables...
Ailleurs, ce sont comme de longs doigts de cadavres, tantôt ouverts, tantôt crispés en griffe ; on dirait des collections de bras et de mains, les uns absolument géants, qui seraient appliqués, enchevêtrés, superposés à profusion contre les parois froides ... Quand nous revenons dans la première nef, notre guide allume un feu de paille, et l'obscurité lourde s'en va, se recule dans les bas-côtés, dans les couloirs profonds d'où nous venons de sortir. À la lueur de cette flamme rouge, la haute voûte de cathédrale se révèle, apparaît toute festonnée et frangée ; le colossal spectre blanc, entrevu tout à l'heure à l'arrivée, semble tout à fait une femme drapée dans des voiles, et son immense ombre monte, descend sur les parois de ce lieu un peu effroyable... Alors on reste confondu devant la raison des choses, devant l'énigme des formes, devant le pourquoi de cette magnificence étrange, édifiée dans le silence et les ténèbres, sans but, au hasard, à force de centaines et de millions d'années, par d'imperceptibles suintements de pierre ».   
Jeudi 5 mars à 18 h au Musée Basque, Auditorium Xokoa (entrée gratuite).

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