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Société
Liberté de conscience à l'heure de l'euthanasie
Liberté de conscience à l'heure de l'euthanasie

| François-Xavier Esponde 658 mots

Liberté de conscience à l'heure de l'euthanasie

L’article 9 du projet de loi sur le suicide assisté stipulait « aucun professionnel de santé n’est tenu de concourir à la mise en œuvre d’une aide à mourir rappelant la clause de conscience des soignants, médecins, infirmiers, excepté les pharmaciens hospitaliers, exclus de ce droit ».

Dans le préambule de la Constitution de 1946, en droit français, la clause de conscience figure « nul ne peut être lésé dans son travail, son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances »

Les lois de la république en 2001 réitèrent le droit à la liberté de conscience pour les médecins, les sage-femmes et les infirmiers. Le code de santé publique précise que le médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles.

Il est cependant un vide juridique concernant les établissements sanitaires. Aucun ne peut faire obstacle à l’accès d’une personne malade à l’aide à mourir ! Un rapport élargi au patient embrasse les agents d’accueil et les personnels administratifs médicaux.

La loi définit la liberté du patient et du médecin, mais, de fait, les institutions et leurs collaborateurs se heurtent à un vide juridique.

En 2010, le Conseil de l’Europe avait voté un recours non réglementé à l’objection de conscience, estimant que nul hôpital, établissement sanitaire ou personne ne peut faire l’objet de pression pour son refus de réaliser, d’accueillir ou d’assister un avortement, une euthanasie, ou de s’y soumettre.

Mais la résolution du Conseil de l’Europe n’ayant que valeur consultative, le sujet demeurait en l’état.

Dans les pays qui ont autorisé l’aide à mourir, cette liberté s’est muée en obligation administrative pour des établissements de santé, comme ce fut le cas en Belgique : aucune clause écrite ou non écrite ne peut empêcher un médecin de pratiquer une euthanasie dans les conditions légales, les subsides de l’État venant à décider in fine de leur destination. Aucune structure ne peut empêcher que la loi soit appliquée, comme un droit, quelques soient les arguments en faveur de la liberté de conscience engagée.

Toujours en Belgique, l’année dernière, la décision juridique portée par l’institution, prévalant sur tout autre argumentaire excluant l’aide médicale à mourir des soins est entrée dans les usages.

En Suisse, au nom des fonds publics que reçoivent les établissements de santé, la même règle s’applique.

Dans ce débat juridique en cours se pose la question de savoir si l’autodétermination de la décision prise par les institutions est – ou non – supérieure à la conscience ?

Au Québec, le 1er mars dernier, la Cour Supérieure du Québec en a décidé ainsi en rapportant que le droit des Québécois de choisir leurs soins médicaux, y compris l’aide médicale à mourir, l’emportait sur toute atteinte à la liberté de religion.

La crainte naît d’une pression de l’opinion publique pour les praticiens de santé.

La loi de fraternité voulue pour « aider à mourir », en marge de toute considération religieuse ou morale, ouvre un rapport aux autres compliqué, et pour le moins, équivoque. De telles décisions demeurent graves, définitives pour le patient, le soignant, et le monde de la santé en tous ses attributs, et les politiques tenus à prendre des décisions justes, de justice et de justesse morale.

Il conviendrait de définir toute civilisation en fonction de ses valeurs, de ses codes et de la protection de la vie humaine exposée à des objectifs ou des défis concurrentiels de la durée, de la rentabilité, de l’utilité ou de l’extinction de la vie.

Un débat interne en chaque discipline convoqué à cet échange médical, éthique ou moral, religieux ou spirituel, matériel ou scientifique, psychique ou physiologique, en somme relationnel et ultime avec tout patient.

Apprendre à bien vivre serait selon la sagesse antique l’apprentissage du savoir bien mourir. Quelques millénaires de la philosophie grecque ne nous semblent pas totalement épargnés du défi majeur de ce temps présent. Il n’est pas simple dès lors de mourir, ni d’aider un tiers à trouver sa mort, sans épargner la nôtre.

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