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Billet d'humeur
Le sens des mots
Le sens des mots

| François-Xavier Esponde 1528 mots

Le sens des mots

1 – L’usage du vocabulaire en cours

 Le propos contemporain évoque avec la guerre en terre d’Israël en cours le vocabulaire situé du sémite, de l’antisémite, du sioniste et de l’antisioniste, et parfois encore du juif et de l’anti juif.

Des définitions parfaitement situées dans le cours de l’histoire du monde et de celle d’Israël.
Il vient à l’esprit cette citation d’Albert Camus à propos de la véracité du langage, “mal nommer un objet c’est ajouter au malheur du monde”. Nous étions en 1944, l’écrivain en mesurait la profondeur.

 Qu’en penser aujourd’hui ?
En France le dispositif juridique sur l’antisionisme est assimilé à celui contre l’antisémitisme, sujet de tant de difficultés judiciaires en cours.
L’antisionisme fait naturellement référence à l’existence de l’Etat d’Israël, depuis l’établissement “du Foyer national juif en Palestine”, terme originel pour désigner le choix de ce lieu, et des rancoeurs contenues dans cet espace contre le retour en terre promise du peuple de l’exode.

Désigner l’antisionisme d’antisémitisme, et à l’inverse la seconde par la première nourrit une haine viscérale des inimitiés qui ont cru ou produisent la pire des pires rancoeurs et haine contre le peuple juif.

On en serait donc encore là !
Discuter la vie  politique d’israël ne serait pas antisioniste, mais remettre en cause son existence même prend une autre dimension. Dans le contexte actuel la nuance disparait dans un halo de violence et d’hostilité !

En critiquant le fonctionnement des Etats modernes, le citoyen contemporain pour le cas dans nos démocraties n’est pas raciste par ce faire. La liberté d’expression marque cependant depuis ces crises récurrentes en Europe, et en terre africaine du nord et du levant, ses propres limites.

Le pire des antagonismes les plus délétères viendrait de ces générations de la non assimilation sur le sol national français qui refusant de choisir entre le pays d’origine de leurs parentés et celui de leur nationalité effective, fluctuent “dans le mal-être” de leur état.
Faut-il les poursuivre comme en d’autres territoires pour insubordination à la règle commune de la nationalité ?
La question se poserait déjà ailleurs.

Une désobéissance civile en Russie, en Israël, en terres d’Arabie en guerre serait-elle passible de sanction pour eux ?
Oui de toute évidence. Chez nous ? Peu ou prou de réponses, car la question engendrant une autre question, quelle nationalité serait prioritaire sur la suivante si par cas on disposait de deux d’entre elles au gré de l’attachement national du moment ?

On connaît en France, terre de liberté des atteintes injurieuses au juif, à l’arabe, et de plus en plus au français autochtone même de la part de ces nouvelles générations .
On le dit et répète à l’infini, “la terre d’Orient est présente chez nous, les questionnements en l’état là-bas sont désormais ici chez nous.
Et la solution encore inachevée à cette heure de leur adhésion est pour eux et nous mêmes une gageure ! En terme juridique on appellerait cela sans doute une absence effective de responsabilité !

Le choix du vocabulaire utilisé en change la définition, qui du juif, du sioniste, à l’hébreu, n’interprète le même sujet ni requiert les mêmes attentes des deux côtés du versant méditerranéen !

2 - Le sionisme, une histoire en elle même.

Il est intéressant à prime abord de dérouler le récit de la construction en Palestine d’un Etat politique et nationaliste appelé juif ou de terre promise pour ce peuple de l’exode habitué à cheminer sur les nations du monde hors de ce lieu depuis des millénaires.

On cite prosaïquement le 14 mai 1948 comme la date historique de la Fondation moderne de l’Etat d’Israël par Ben Gourion 1886-1973. L’objectif sioniste séculaire venait d’être atteint. Mais à quel prix ?

Les historiens juifs rapportent le labeur accompli par Edmond de Rothschild dès 1845 qui avait rejoint en 1870 La Garde Nationale et nourrissait comme mécène et bienfaiteur le projet d’installer en Palestine une partie de la communauté juive étrangère, en achetant en 1882 des terres à l’intention de ses correligionnaires. Le programme se nommait  Palestine Jewish Colonisation Association. Le baron avait 79 ans. Mais le sens de l’histoire fut donné !

En 1896 on évoque sans délai l’ambition “d’un Etat juif” sous la plume de Théodore Herzl .
L’affaire Dreyfus ayant mis le feu aux poudres, la seule solution envisageable demeurait pour les juifs  la création de l’Etat d’Israël mais les populations non juives n’y étaient encore prêts !

En 1897, le Premier Congrès sioniste se tient à Bâle, à l’initiative du banquier Herzl, hongrois d’origine, le même qui créera l’Organisation Sioniste Mondiale avec seule devise, “aider les juifs à trouver un foyer en Palestine”. Sous le profil  de la Déclaration Balfour confirmée plus tard mais déjà en germination.
En 1904 Herzl meurt en Autriche, mais les fidèles de l’homme de culture et d’ambition poursuivent son projet.
En août 1907 le huitième Congrès sioniste se tient à La Haye. Chacune de ces capitales européennes est témoin de cet objectif sioniste en marche. Nous ne sommes pas encore en 1948 et la sombre guerre à venir n’a pas consumé les forces vives du peuple juif.
L’intention avérée de ces pionniers en Palestine est de privilégier l’installation juive et de demander aux ouvriers arabes de ne plus travailler en ces lieux désignés comme des colonies juives.

Le 2 novembre 1917, la Déclaration de Balfour voit désormais le jour au terme d’un enfantement lent.
La Couronne britannique représentée par Balfour et la famille de Rothschild étudient le projet d’établir un foyer national juif en Palestine.
Le sol appartient au sultan d’Istanbul, les difficultés sont encore à venir.

 Les esprits de chaque part ne semblent disposés à quelque concession de terre et de légitimation des propriétaires.
Le souvenir du bâteau Exodus est encore dans les esprits. Le 18 juillet 1947 après guerre il est refoulé de Palestine par les anglais, à Haïfa,
Les 4500 survivants de la shoah  embarqués sur le bateau, sont refoulés vers la France et l’Allemagne !

Incroyable ? Les victimes se comptent, la résistance des hommes se lève, le tumulte des nations horrifiées dans le monde se fait entendre, il faudra attendre quatre mois pour que l’ONU devise et accorde “la création de l’Etat d’Israël en 1948”.  La décision de scinder le territoire en deux parts, juive et arabe est le début in situ des hostilités encore effectives aujourd’hui. L’Egypte, la Syrie, la Jordanie, l’Irak, le Liban s’opposent aux juifs que leur destinée  condamnera au port des armes et à la défense de leur sécurité dès le début de leur retour en terre promise !

3 – Le langage moderne de la guerre.

 La pratique du langage moderne en cours relatif à la guerre et à ses partenaires embrasse celui des réseaux sociaux autant que celui de la presse médiatique conventionnelle du papier, de l’image et de la voix aujourd’hui. On n’est plus surpris de fake news ou falsification de la vérité en cours de propagande actuelle.

A Sciences-Po Paris on a dû créer et enseigner avec des professionnels du numérique une chaire pour analyser le contenu et le langage employé pour qualifier les acteurs des conflits, dont ceux de Palestine Israël,

Aux armes conventionnelles s’ajoutant de nouvelles, à l’information publique et privée se lient des intérêts inattendus qui doublent la confrontation des armes par celle des médias, pour une autre guerre non sans effet direct sur le conflit, par la diffusion d’images qui surajoutent à l’intensité de la confrontation celle de l’influence des opinions publiques manipulées parfois par des professionnels.

La citation d’Hérodote sur la guerre, “en temps de paix les fils ensevelissent leurs pères, en temps de guerre les pères ensevelissent leurs fils” y prend toute sa dimension et son tragique.
Les mots du vocabulaire y trouvent leur vrai sens, et le halo d’une confrontation de terrain embrasse une dimension psychologique, militaire et territoriale. Peu de comparatif entre tous.

Les langues utilisées, les forces en présence, l’avenir d’une population à deux peuples et à deux têtes requalifient les enjeux d’un avenir de paix bien lointain pour l’instant à l’heure où les armes parlent en attendant les réponses suivantes.
L’hydre à plusieurs têtes s’y incarne comme en ce sous sol de la bande de Gaza où "un shéol" existe, celui que la croyance jadis disait être le royaume des morts en espérant le retour à la vie prochaine !

Tout à la fois unit ces peuples de l’Orient, et tout à la fois les sépare !
Qu’en sera-t-il un jour sans doute où juif, palestinien, arabe, israélien, musulman, chrétien viendront à se rejoindre par l’entremise de ...  l’Eternel ?
En cette terre baignée de sang, et de larmes une fois encore, où chacun enterrant les siens voudra regarder Jérusalem, cité de la Paix comme une lueur d’espérance. La guerre actuelle ne mène à rien, la paix demeure la bataille du futur encore à conduire.

La communauté internationale y sera conviée, car de la Terre d’Israël des uns à la Palestine des autres dépend la prophétie du Chema Israël, qui n’a jamais perdu de sa force spirituelle pour les fils d’Abraham ! Avec leur gré et parfois contre !

Photo de couverture : le Premier Congrès sioniste à Bâle avec Herzl, 1897, montage

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