0
Patrimoine
La Fuite en Egypte d’après l’évangéliste saint Matthieu, un épisode marqué au Pays Basque
La Fuite en Egypte d’après l’évangéliste saint Matthieu, un épisode marqué au Pays Basque

| Alexandre de La Cerda 1176 mots

La Fuite en Egypte d’après l’évangéliste saint Matthieu, un épisode marqué au Pays Basque

zFuite en Egypte de Nicolas-Guy Brenet (1728-1792).jpg
La "Fuite en Egypte" de Nicolas-Guy Brenet (1728-1792) ©
zFuite en Egypte de Nicolas-Guy Brenet (1728-1792).jpg
zLa Fuite en Egypte figurée à Lazcano.jpg
La Fuite en Egypte figurée à Lazcano ©
zLa Fuite en Egypte figurée à Lazcano.jpg

L’évangéliste Matthieu relate qu’à Bethléem, sous le règne du roi Hérode (mis en place par les Romains), Marie, femme de Joseph, mit au monde son fils Jésus, conçu de l’Esprit Saint, et que « les mages d’Orient » reconnurent en lui « le roi des Juifs ». Ils vinrent alors l’adorer et lui offrir des présents, non sans avoir prévenu Hérode de la naissance d'un envoyé de Dieu, Jésus, un nouveau roi des Juifs (Matthieu 1, 18-2, 12).

L’évangéliste poursuit : Les rois mages sont partis et après leur départ, voici que l’Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte ; restes-y jusqu’à nouvel ordre, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. » Joseph se leva, prit avec lui l’Enfant et sa Mère, de nuit, et se retira en Egypte. Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode (Matthieu, 2, 13-15).

Le roi Hérode comprit qu’il avait été trompé et craignant pour son pouvoir, il ordonna de tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous qui étaient à Bethléhem et dans les alentours. Joseph et sa famille restèrent alors en Egypte, jusqu’à ce que l’ange lui ordonnât, après la mort d’Hérode : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et mets-toi en route pour la terre d’Israël » (…) Joseph se leva, prit avec lui l’Enfant et sa Mère, et il entra dans la terre d’Israël. (Matthieu 2, 20-21)

Guipuzcoa : Lazcano annule ses traditionnelles fêtes populaires et religieuses

En relation avec cet épisode biblique, l'« Astotxo Eguna » ou « journée des ânes » (astoa veut dire l’âne en basque) est le premier événement important de l'année à être généralement célébré à Lazkao (Lazcano en castillan) le dimanche qui suit la fête des Rois. Hélas, pour la deuxième année consécutive, la municipalité de la petite ville guipuzcoane s’est résignée à annuler cette tradition séculaire !

Sur la route de Saint-Sébastien à Vitoria/Gazteiz, à une vingtaine de km au sud de Tolosa, Lazkao a conservé son magnifique palais Renaissance construit vers 1638 par l’épouse de l’amiral Oquendo (le commandant de l’« Invincible Armada » dont la statue sépare l’hôtel Maria Cristina du théâtre Victoria Eugenia à Saint-Sébastien). L'origine de l'Astotxo Eguna remonte à l'année 1652, lorsque les religieuses du couvent cistercien avaient placé des images de la fuite de la Sainte Famille en Égypte dans le presbytère de l'église. S’y sont ajoutées depuis une quarantaine d’années diverses festivités populaires s’étendant au cœur de ville depuis le couvent jusqu’au palais où les habitants, mettent en scène le passage biblique sous forme d’une véritable pièce de théâtre qui transforme le palais du duc d'Infantado en palais d'Hérode et en centre historique de la municipalité de Judée !

Et Lazkao/Lazcano ne verra pas non plus la traditionnelle foire aux ânes avec concours provincial au son des txistu et des trikitixa, en partenariat avec l’association « Giasel, Gipuzkoako Astozaleen Elkartea », qui œuvre au maintien de la race d’âne autochtone dont la plupart vivent au caserío (ferme) Urkolazahar de Olaberria.

A Bayonne, deux œuvres d’art

Si la cathédrale de Bayonne garde en sa « chapelle paroissiale » un tableau de Nicolas-Guy Brenet (1728-1792) consacré à « La fuite en Egypte » qui se distingue par la vigueur de son mouvement, c’est dans le quartier Saint-Esprit, face à la gare de chemin de fer où les allées et venues pressées des voyageurs ne laissent guère le temps de s’arrêter sur les particularités architecturales du lieu, que la collégiale Saint-Esprit recèle un véritable « trésor » : le groupe sculpté dit « l'âne de saint Bernard » en chêne peint et doré (notre photo de couverture)
Représentant la « fuite en Egypte », les monuments historiques qui l’ont classé en 1906 le datent du début du XVIe siècle. D’une envergure conséquente (1 m 70 de hauteur sur 1 m 30 de largeur), la sculpture représentant la Vierge assise en amazone, qui serre sur sa poitrine l'Enfant Jésus, vêtu d'une chemisette et portant autour du cou un collier de perles (de l'ambre, sans doute) et un cœur en pendentif ; il tient un oiseau dans sa main gauche. La Vierge a la tête légèrement penchée, les yeux baissés. Son large manteau  laisse voir ses pieds chaussés de souliers à bout rond, des souliers de voyageur. Le groupe a été taillé dans un seul tronc de chêne, à l'exception de la tête et du cou de l'animal.
Dans ses « Annales archéologiques » de 1848, Didron (qui se passionnait pour les « Mystères » et autres représentations théâtrales du Moyen-Age) datait ce groupe de 1360 - ou même de 1300 - indiquant qu’il avait été relégué dans une sombre sacristie de Saint-Esprit après avoir joui d’extraordinaires manifestations de piété lorsqu’il était exposé au couvent de Saint-Bernard (après l’avoir été aux Jacobins) : « à Noël, aux Saints-Innocents, à la Circoncision ou à l’Epiphanie, on habillait Marie et l’Enfant de riches atours (voile blanc, robe rouge et manteau bleu pour la Vierge, chemise blanche pour l'Enfant, ndlr.) ; on les coiffait de couronnes royales, on leur jetait des fleurs dans les bras, on harnachait de neuf leur monture »

L’autel du Seigneur en Egypte

« Ce jour-là, il y aura un autel dédié à l'Eternel au milieu du pays d'Egypte, et près de la frontière une stèle dédiée à l'Eternel. Ce sera un signe et un témoin de l'Eternel des armées au pays d'Egypte... Et l'Eternel se fera connaître des Egyptiens, et les Egyptiens connaîtront l'Eternel, en ce jour-là. Ils offriront sacrifices et oblations » (Isaïe 19 :19-21). Et la prophétie s’est réalisée à Deir el Moharraq, le grand monastère copte au centre de l’Egypte, avec ses églises – dont la plus vieille date du Ier siècle ! – groupées autour d’un « donjon ».
Réunissant près de 150 moines, ce monastère de la Haute-Égypte a été bâti à l'endroit où la Sainte Famille avait séjourné pendant six mois, et où le Divin Enfant avait couché sur la pierre qui sert à présent d'autel. La tradition copte y voit le lieu où l'ange apparut à Joseph pour lui annoncer la mort d'Hérode. Et dans le quartier de Mataria au Caire, des touristes venus du monde entier contemplent un arbre réputé dater de la visite historique de la Sainte Vierge avec son enfant et Joseph. En réalité, l’arbre (qui avait été endommagé à dessein par des islamistes en octobre 2013) avait germé à partir des racines de celui qui abritait la Sainte Famille lors de la fuite en Egypte. Il se serait agi d'un sycomore dont le tronc - selon la légende - aurait ouvert son écorce miraculeusement pour les protéger des brigands à leur poursuite. Une source d'eau miraculeuse se mit à jaillir pour donner de l'eau à boire à l'Enfant, et dans son bassin pousse un balsamier à ce jour. Depuis le IVème siècle, de très nombreux pèlerins sont venus voir cet arbre dans l'espoir d'une vision de la Vierge Marie et pour recueillir l'écorce de l'arbre qui posséderait des vertus médicinales. Ce baume, une huile sainte qui a été consacrée depuis les temps apostoliques, est également utilisé dans la préparation de parfums et à Noël.

Astotxo Eguna la représentation de la Fuite en Egypte.jpg
Lazcano/Lazkao : le défilé de l'Astotxo Eguna ©
Astotxo Eguna la représentation de la Fuite en Egypte.jpg

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription