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L'Esprit Basque
La "Albadaka", vieille tradition carnavalesque en Soule
La "Albadaka", vieille tradition carnavalesque en Soule

| Rodney A. Galop & ALC 1560 mots

La "Albadaka", vieille tradition carnavalesque en Soule

Dans le temps, les années où les mascarades n'avaient pas lieu en Soule, les jeunes allaient de maison en maison le dernier samedi de janvier selon une coutume appelée albadaka.

Cette année, les mascarades ont bien lieu (données par les jeunes de Pagolle, les prochaines en ce mois de mars auront lieu ce samedi 2 mars à SaintJust-Ibarre, le 10 à Licq, le 17 à Idaux, le 23 mars à Alos). 
Cependant, à Licq-Athérey, Lichans-Sunhar, Laguinge-Restoue, Etchebar et Haux, plusieurs associations de Haute-Soule (Ligiko dantza alkartea, Elgebarrena et Txinka) organisent ce samedi 2 mars un nouvel événement festif en référence aux albadakak, pour soutenir les jeunes de l’école de danse, avec des barricades dans chaque village, accompagnées par des danseurs, des musiciens et des chants, suivies d’un repas le soir.
Le programme de ce samedi débutera par une barricade à la place d’Etchebar à 15h30, puis au fronton de Lichans à 16h30, à la place de l’église d’Atherey à 17h30, au fronton de Haux à 18h30 et une dernière au fronton de Laguinge à 19h30. Comme pour la mascarade, il sera demandé aux villageois d’apporter de quoi manger et boire. Pour le repas du soir, qui aura lieu à la salle de Laguinge-Restoue, s’inscrire au plus vite aux tél. 06 01 29 97 16 ou au 06 37 96 62 52.

L’Albadaka de Larrau par Rodney A. Gallop dans « Gure Herria » (1930)

Dans le magazine « Gure Herria » (n°5 de 1930) le folkloriste anglais Rodney A. Gallop qui s’était beaucoup intéressé aux coutumes basques observait que dans la plupart des pays d’Europe subsistait une coutume remontant à la plus haute antiquité et dont il fallait chercher l’origine dans les cultes pré-chrétiens. Une bande d’enfants ou de jeunes gens effectuait la ronde des maisons en donnant à chacune l’aubade. Ayant frappé à la porte, ils demandaient au maître de céans la permission d’observer la coutume traditionnelle.
Puis ils chantaient une série de couplets renfermant des compliments et exprimant l’espoir que l’année ou la récolte soit bonne et que les gens de la maison jouissent de la richesse, de la bonne santé et de la paix. On les récompensait avec des œufs, du jambon, des saucisses. 
Quoique cette coutume, comme tous les usages populaires, avait beaucoup perdu au cours du siècle passé, elle était encore pratiquée (dans les années 20/30) d’un bout de l’Europe à l’autre, tant en Russie ou en Grèce que dans les Iles Britanniques et le Pays Basque. En Navarre, par exemple, à l’aube du Jour de l’An, les enfants entraieent dans les maisons en portant de l’eau fraîche et en chantant :

Ur goiena, ur barrena !
Urte berri egun ona
Etche onetan sar dediia
Pakearekin ondasuna
Onarekin osasuna
Gure baratzean belar ona
Jainkoak digula egun ona (1).
Eau au-dessus, eau au-dessous!
Le Jour de l’An est un bon jour.
Dans cette maison qu’entre
Avec la paix la richesse,
Avec la bonté la bonne santé,
Dans notre jardin (que) l’herbe (soit) bonne.
Que Dieu nous donne une bonne journée.

Une coutume identique subsiste dans certain village du Pays de Galles.
Parfois les chanteurs étaient accompagnés par un mannequin de paille qu’ils brûlaient à la tombée du soir, tel le Guy Faulkes britannique ou l’Olentzero guipuzcoan, ou par des figurants déguisés. Selon le grand folkloriste Sir James Frazer, auteur du « Golden Bough », le mannequin représentait primitivement le Génie de l’Arbre tandis que les figurants se masquaient pour épouvanter, de cette façon, les mauvais esprits. La fête que l’on célèbre de la sorte varie selon l’endroit, mais elle a lieu presque toujours en hiver ou au printemps, ce qui démontre qu’elle remonte au primitif Sacre du Printemps, dont l’objet était de chasser l’hiver et d’assurer par la « magie sympathique » la prospérité agricole. En ce qui concerne le Pays Basque on peut grouper sous ce chef les chansons biscaïennes de Santa Ageda, les « Urtats » de Guipuzcoa, les « Dios te Salve » du littoral labourdin, les visites muettes de la Haute-Soule (e. g. Laguinge) et les chansons de Santibat, chantée à l’époque du Carnaval (lequel, il ne faut pas l’oublier, a été identifié avec les Saturnalia de la vieille Rome) par les bohémiens de la Basse-Navarre.

Il serait impossible de ne pas rattacher à cette longue série de manifestations traditionnelles une coutume pratiquée aujourd’hui (dans les années 20/30) rien qu’à Larrau où il était d’usage, le soir du dernier samedi de janvier,
que les jeunes gens se réunissent en bande et fassent la ronde de la commune en donnant devant chaque maison l’aubade qui suit et que l’on nomme Albadafca.
L’air et les dix-huit couplets que je donne, je les dois au cordier Pierre Landabürü, dont la mémoire fut rafraîchie par quelques petits garçons qui se trouvaient dans sa boutique, bonne, preuve que la nouvelle génération n’a guère l’intention de laisser tomber en désuétude cette jolie coutume. L’un d’eux m’assura que la chanson complète comptait trente-cinq couplets.

Et Rodney Galop d’observer encore que plusieurs de ces couplets sont semblables à ceux que l’on chante dans les autres provinces basques en pareilles occasions. Il ne manque même pas quelques couplets orduriers (à l’adresse de ceux qui ne donnent pas le cadeau habituel) dont je fais grâce à mes lecteurs. Quelques couplets, cependant, sont très curieux, en particulier le sixième qui semble démontrer que la chanson est originaire du versant espagnol de la frontière, car ce n’est qu’en Espagne que les Grands de la cour avaient le droit de se couvrir devant le roi.

Parise eta Baiona !
Orai girade gü huna.
Etcheko jauna kumpaniarekin,
Jinkoak deiziela gau huna.
Paris et Bayonne !
Nous voici maintenant.
Maître la maison avec la compagnie,
Que Dieu vous donne une bonne nuit.


Etcheko jauna, entzün zük,
Zük bardin plazer badüzü
Bi koblaren emaiteko
Lizenzia emagüzü.
Maître de la maison, écoutez,
Si du moins vous le voulez ;
De faire deux couplets
Donnez-nous la permission,

Emaiten badü badügü,
Eta ezpadü ezdügü :
Emaiten badü eta ezbadü,
Koblatüren ja batügü.
S’il la donne, nous l’avons,
S’il ne la donne pas, nous ne l’avons pas.
Qu’il la donne ou qu’il ne la donne pas
Nous chanterons tout de même.

Hurra hun da jateko,
Erbindolia hütsako.
Etche hortako etcbeko jauna
Zaldiz elizalako.
La noisette est bonne à manger,
La belette bonne à chasser :
Le maître de cette maison
S’en va à l’église à cheval,

Zaldiz elizalako,
Han ürhez omendatüko :
Handik etchera jin denian,
Zilar kaideran jarriko.
S’en va à l'église à cheval
Pour se présenter (vêtu) tout en or :
Quand il rentrera à la maison
Il s’assoiera sur une chaise d'argent.

Etcheko jauna bidean
Urhez kana bat eskian :
Errege mintzeraziia
Bere buneta bürian.
Le maître de la maison est en route
Une canne d'or à la main :
Pour parler au Roi
Il garde le chapeau sur la tête.

Ardi beltchak achuri,
Etchekandere larru cburi.
Zü plazala jelkitzen zira
Printsesa bat üdüri.
La brebis noire (a un) agneau :
La maîtresse de la maison a la peau blanche.
Quand vous sortez à la place,
On dirait une princesse.

Etchean eijer gerrena ;
Etchekandere lerdena,
Zure ehiko ürhe eraztünaz
Eros litezü Baiona.
Dans la maison la broche est belle,
La maîtresse de la maison est svelte,
Avec la bague d’or de Votre doigt
Vous pourriez acheter Bayonne.

Balbarichko
Urrünian da San Frantzisko
Etche hortako zahartto hori
lesu Kristi belharriko.
Balbarichko !
Saint-François est loin.
Cette vieille femme de cette maison
Est à genoux devant Jésus-Christ.

Pimpirineta, pimpirineta
Etche hortako frinichteta
Ehün zezen toléra niro
Zure ezteietako.
Papillonette, papillonette,
Jeune mariée (?) de cette maison,
Je combattrais cent taureaux,
Pour pouvoir assister à vos noces.

Charlatchak eijer lilia ;
Erliak hara lehia :
Etche hortako ttipitto hori
Amaren üda lilia.
Le thym a une belle fleur ;
Les abeilles s’empressent vers elle :
Ce petit enfant de cette maison
Est la fleur printanière de sa mère.

Opila hun da labeko,
Erre ondoan jateko :
Etche hortako X...
Bi besuan arteko.
La tarte de maïs est bonne à rôtir
Et ensuite à manger :
Un tel de cette maison
(Est bon) à prendre entre les deux bras.

Alanua tsanpare
Behi churia chankari
Etche hortako X...
Plazetan eijer dantzari.
Le chien de garde aboie,
La vache blanche beugle :
Un tel de cette maison
Est beau danseur sur les places

Ezpata eijer gerrian,
Bunet gorria bürian :
Etche hortako X...
Eztü parerik mündian.
L’épée est belle à la ceinture
Le chapeau rouge sur la tête :
Un tel de cette maison
N’a pas de pair au monde.

Ezdügü nahi altharria
Ez eta ere erdia :
Ujantchagatik, legiagatik
Liberatako chinkora.
Nous ne voulons pas un flanchet
Ni même la moitié :
Selon les usages, selon les coutumes,
Une livre de jambon.

Emaitekoz emazü :
Heben haidürü gütuzü :
Mutil gazteak gira eta
Doten bilha gatoz.
Donnez, si vous voulez donner
Nous sommes ici à attendre : ♦
Nous sommes des jeunes gens et
Nous sommes en train de réunir notre dot.

Emandüzia uneski
Kumpaniak ere badaki.
Paradüsian sartüren zide
Hamabi aingürüekin.
Vous avez donné honnêtement,
Toute la compagnie le sait,
Vous entrerez au Paradis
Avec douze anges.

Baratzean belhar Hun
Gaurko gaia güretzat hun
Orai gü bagoazie eta
Jainkoak deiziela gai hun.
Dans le jardin l’herbe est bonne
Ce soir est bon pour nous,
Maintenant nous nous en allons
Que Dieu vous donne une bonne nuit.

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