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Nos disparus
Jean-Louis Sallaberremborde, franciscain à Saint-Palais
Jean-Louis Sallaberremborde, franciscain à Saint-Palais
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| J.F.Esponde 1234 mots

Jean-Louis Sallaberremborde, franciscain à Saint-Palais

Des générations d’enfants se souviennent de Jean Louis Sallaberremborde, frère Gabriel en religion, frère mineur de la communauté des Franciscains de Saint Palais, avenue de Gibraltar. L’histoire de cette maison se rapporte au XIXème siècle, avant sa réouverture après la Révolution Française et l’expulsion des frères franciscains de la ville et leur retour avec le Père Arezo, franciscain venu de Navarre pour leur restauration dans la cité, en 1850. Changement de site du premier couvent au centre ville, construction du nouveau couvent et une vie religieuse retrouvée pour les familles de Saint Palais, attachées à leur présence.
L’histoire apportant son lot d’avatars continus, en 1904-05 une nouvelle expulsion se fit encore, sous la conduite de la gendarmerie. Un tableau peint par un artiste de l’époque représente le départ sous bonne garde de ces quelques moines dans une voiture cellulaire, emprisonnés tout d’abord et priés de quitter leur couvent bâti avec les subsides de familles influentes de la ville. Confisqué, acheté par un bienfaiteur, il retrouvera sa fonction première et sa mission spirituelle.
Ces mêmes familles citées par les archives de la province Saint Louis d’Anjou à laquelle appartenait la maison de Saint-Palais mentionnent les noms des d’Arthez, de Castelbajac, Canitrot, Diriart, Hourcade, Campagne, Barbaste, Morbieu et bien des anonymes qui tout d’abord prirent soin des objets du culte, des biens du couvent, principalement de la bibliothèque confiée à un ami de la maison et restituée lors de sa réouverture.
En ces années le tiers ordre franciscain influent et rayonnant dans les familles permettait d’élargir le réseau conventuel des moines à un cercle d’amitié bien plus large qui fut pour ces religieux un filtre de protection et de survie.
La réouverture se fera dans les années trente, dans un espace abîmé, ayant servi d’entrepôt, dans une pauvreté première du couvent d’antan qu’il fallut restaurer en ses murs et ses membres.
Les premiers noms figurent dans les souvenirs du temps passé, le frère Benoît Lay qui partira ensuite vers l’amérique latine, frère Marie Gabriel  et un frère habitué Louis Daniel.
Jean Louis Sallaberremborde, connu comme Frère Marie Gabriel, était né à Moncayolle en Soule, il grandit à Pagolle dans la famille Sallaberremborde.
Garçon de ferme, il sera placé dans des propriétés ou les élevages sont légion, au service des troupeaux et des éleveurs d’agneaux qu’il affectionnait tant.
Sa vie spirituelle est fascinée par Michel Garicoitz à qui il voua une dévotion personnelle. Mais le choix ultime de sa vie sera celui de François d’Assise dont il pratiquait l'amour des oiseaux, des animaux domestiques et de la nature. Le couvent était ainsi le recueil de lapins, de poules, de canards, d’écureuil et d ‘un agneau emblématique qui faisait le bonheur des enfants.
Très jeune, il frappa à la porte des franciscains du côté de Pau, pour une première avant guerre, où on dirigea le jeune postulant à la vie franciscaine vers Saint Palais.
Les amis des franciscains de Saint-Palais ayant hâte de rouvrir leur maison, il est dit que les bienfaiteurs le firent le 11 février 1938 autour du père Hilaire, du père Amé, et d’un tout jeune basque souletin, Jean Louis Sallaberremborde, dont la mission fut de dégager l’atelier de menuiserie installé par un voisin, et d’y ouvrir un cinéma paroissial. Car l’accueil primait pour Gabriel, celui des enfants dictait l’implication et l’engagement au coeur des familles.
Les Allemands occuperont le site pendant la période 40-45, mais leur présence n’interrompit pas la place réservée aux religieux confinés dans une aile de la maison. Et les plus assidus des cinéphiles étaient les jeunes soldats d’occupation qui ne se privaient de fréquenter le cinéma et la jeunesse prompte à le fréquenter !
La vie communautaire prend corps dès la fin de la guerre. Et la chapelle accueillit à nouveau le voisinage et les familiers de la maison : elle était toujours ouverte aux visiteurs sous la férule du plus accueillant des hommes, Marie Gabriel, portier, jardinier, cuisinier, hospitalier qui reçoit, et donne à chacun le soin attentionné qu’il mérite. Saint Palais et les franciscains de l’autre versant des Pyrénées de la province de Cantabrie entretiennent des relations continues.
Saint Palais n’est pas un couvent exclusivement basque, mais les religieux basques y trouvent leur gîte d’accueil selon une tradition de reconnaissance historique entretenue, car ce furent les franciscains navarrais qui permirent le retour des franciscains en France à Saint Palais.
Avec le frère Gabriel la maison prit un essor éducatif dans la ville. On  cherchait un internat pour recevoir des pensionnaires, assurer une cantine scolaire, et développer à Saint Palais la capacité des écoles au recrutement. Pères franciscains et pères de Bétharam se donneront la main. Aux uns l’enseignement, aux autres l’hospitalité.
Le couvent constituera dès lors le hâvre du repas de midi des externes, celui du repos le soir pour les internes.
Un groupe de franciscains, le père Sauveur Bellemur, Gabriel, Albert Bessagnier, un gascon venu d’Auch, assurent le suivi de la vie commune.
Une maitresse d’internat, Augusta Boehler alsacienne assure la lingerie, Lili la cuisinière est au poste, et la vie communautaire s’en suit.
Avec les moyens spartiates de l’époque, pas ou peu de chauffage, l’exercice physique dans le cloître de la maison pour se réchauffer au lever du jour, et une vie scolaire des plus habituelles pour les enfants scolarisés.
Frère Gabriel est partout.
Levé tôt pour les exercices spirituels, présent à la cuisine, aux études, et dans les animations extra scolaires, sa fonction éducative est unique.
Le religieux entretient l’espace et le vivre ensemble et propose des extras, comme ces voyages scolaires - en avance sur son - du côté d’Aranzazu, en bus, en train... Il y est accueilli avec chaleur et admiration par les franciscains du lieu, et jouit d’une sympathie active, car l’été, le frère reçoit à Saint-Palais ses autres frères en religion venus depuis l’Espagne.
Pendant soixante ans, il fut "le frère Gabriel de Saint Palais" et il ajouta à son cercle habituel le gîte des pèlerins de Saint-Jacques dans une aile aménagée pour les visiteurs qui ne trouvaient pas de lieu d’hébergement dans la ville.
Ses dernières années se passeront à Arditeya, à Cambo, au milieu des pensionnaires de la maison. Jusqu’à ce jour du 18 juin 2002  où dans sa 81ème année, après 61 ans de vie franciscaine, il rejoignit l’Eternel dans sa lumière qui portait pour lui le visage de François d’Assise, son ermitage, sa compagnie du jardin d’Eden, et la voix intérieure, “va rebâtir mon église, et apaiser la rumeur des réfractaires...” qui n’a guère perdu de sa valeur. Gabriel laissa à des générations d’enfants désormais adultes, à ses frères en religion, et à Saint Palais, un souvenir indélébile.
Il fut écologue avant notre temps : la qualité des espaces et des humains lui fut donnée et il l'expérimenta de par ses racines souletines d’homme enraciné  et profondément attaché à ses origines.
Homme au grand coeur, à la foi lumineuse, au regard limpide sur la vie ! En ce 18 juin, dix sept ans après son adieu, nous ne l’oublions pas !
François-Xavier Esponde
P.S. : les Bénédictines d’Urt ont réagi : « Merci beaucoup pour ce beau témoignage : c'est bien Frère Gabriel  que nous allions saluer à Saint Palais les jours de marché ! Les écureuils dans le carré intérieur  du cloître qui faisaient tourner une roue munie d'une clochette ! les fleurs partout ! que de beaux souvenirs, le tout illuminé par le sourire du Fr.Gabriel. Tout cela nous a construits. Goazen aintzina beraz. Soeur M.Noëlle

 

 

 

 

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Denimal | 28/08/2020 01:23

Que de bons souvenirs avec le Frère Gabriel dans les années 90, je garde le souvenir d’un homme de foi, d’un confident d’une confiance exemplaire.

richard regraffe | 22/06/2021 10:11

Bonjour C'est avec surprise et émotion que j'ai lu votre témoignage sur le frère Gabriel . J'ai été pensionnaire pendant deux années, dans les années 60 et 61 dans cette communauté. Que de bons souvenirs ,j'ai des photos de cette époque ,du groupe avec qui j'étais et le père Sauveur. Le père Sauveur que j'ai revu quelques années après, a bordeaux ,rue de pessac . Il y a quelques années, je voulais revoir St Palais et surtout l'ancien couvent que j'avais connu . J'ai été reçu par une dame qui m'a fait revoir les lieux gentiment ,le dortoir ,le cloître ,la cuisine du frère Gabriel etc ... Merci a cette dame, merci a vous de votre témoignage . Regraffe Richard

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