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Globe trotteur de la Foi, le cardinal basque s’est endormi dans la paix et la sérénité à Cambo
Globe trotteur de la Foi, le cardinal basque s’est endormi dans la paix et la sérénité à Cambo
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| Alexandre de La Cerda 1562 mots

Globe trotteur de la Foi, le cardinal basque s’est endormi dans la paix et la sérénité à Cambo

Il y a trois mois, le cardinal Roger Etchegaray avait célébré le 50ème anniversaire de son ordination épiscopale le 27 mai 1969 en la maison Arditeya de Cambo où il s’était retiré et où ce « globe trotteur de la Foi » qui a « bourlingué pour le Christ » s’est endormi, muni des derniers sacrements, dans la paix et la sérénité. Le corps du défunt est exposé à la maison de retraite Arditeya (47, avenue d'Espagne à Cambo). Les funérailles auront lieu lundi 9 septembre à 10h30 en la cathédrale Sainte-Marie de Bayonne. Ce même jour, l'inhumation aura lieu dans son village natal d’Espelette après un hommage à 16h en l'église Saint-Etienne.

Le cardinal était né le 25 septembre 1922 à Espelette où il était revenu, pendant des années, passer le mois d’août avant de retrouver son appartement à Rome. Car, son village natal d’Espelette lui avait toujours tenu à cœur, avant qu'il ne jouisse, en compagnie de sa chère sœur (dont le décès l'avait beaucoup affecté), du calme - mérité – de maison de repos Arditeya à Cambo où lui avaient rendu visite le Cardinal Parolin, Secrétaire d’Etat du Vatican, et l’évêque de Bayonne, Mgr Aillet.

Je me souviens qu’il y a quatre ans encore, beaucoup d’Ezpeletar avaient profité, comme à l’accoutumée, du traditionnel séjour estival du cardinal Etchegaray dans sa maison « Choko maitea » pour lui rendre visite ou le voir présider le Forum annuel à l’église Saint-Etienne d’Espelette et le retrouver lors du pot convivial qui a suivi au restaurant d’Euskadi, chez ses amis Darraïdou.

Aussi, lorsque j’avais échangé quelques mots avec lui, la veille, au téléphone, c’est en priorité à ses compatriotes ezpeletar et basques qu’il avait voulu adresser ses saluts les plus chaleureux à travers ma chronique dans la presse locale : « Izarra kopetan, selon la formule paternelle, au nom de cette étoile despérance qui a guidé les Mages, qui indiquait le chemin, en signe de fraternité et damitié » (sa sœur Maïté m’avait indiqué que leur père Jean-Baptiste les embrassait, enfants, chaque soir sur le front en utilisant cette image de l’étoile, izarra, en guise de baiser).

Pourtant, ce jour-là, le cardinal ne suivait-il pas encore à la télévision – avec une attention soutenue – les échanges de discours entre le président américain et le pape François qu’il recevait alors à la Maison Blanche : « un sentiment de fraternité se dégageait de cette rencontre avec le pape, ambassadeur de la tendresse humaine - nous sommes tous humains et Dieu le Père nous aime - et de la Foi qui doit saffirmer », me commentait au téléphone celui qui s’affirmait « un vieux cardinal bien enraciné, tel le bon piment »… Pensait-il, notre cardinal « euskaldun, fededun ta biperdun » à ce « moment critique de l'histoire de notre civilisation » à propos du mariage et de la famille qu'il importait de « soutenir », tel qu’affirmé par le souverain pontife devant le président des États-Unis ? Ou encore à « la joie que le chrétien expérimentait dans la mission » telle qu’exprimée dans l'homélie du Pape pour la canonisation de saint Junipero Serra : « Allez vers ceux qui vivent avec le poids de la douleur, de l’échec, du sentiment dune vie tronquée et annoncez la folie dun Père qui cherche à les oindre avec lhuile de lespérance, du salut. Allez annoncer que lerreur, les illusions trompeuses, les faux pas nont pas le dernier mot dans la vie dune personne. Allez avec lhuile qui calme les blessures et restaure le cœur ».

 L'aumônier de la planète

Ces missions « avec lhuile qui calme les blessures et restaure le cœur » me reportaient une dizaine d’années en arrière, lorsque j’assistais à Bilbao à l’attribution au cardinal Etchegaray du prix annuel de la Fondation Sabino Arana qui honorait en lui « toute une vie consacrée à l'action en faveur du dialogue et de la tolérance. Comme messager de la paix, homme de mission et constant serviteur de la justice dans le monde entier, le jury avait distingué chez le Cardinal Etchegaray le talent de favoriser des accords et l'habileté pour limer les différences qui divisent les peuples ».

Alors âgé de 86 ans, le vice doyen du Sacré-Collège (il était le « numéro quatre » du Vatican, après le Pape, le Secrétaire d’Etat et le doyen des cardinaux) s’était rendu au Palais Euskalduna pour recevoir son prix, en présence des lauréats des éditions précédentes.

J’avais entendu le cardinal se réjouir que ce prix « ne se limitait pas au Pays Basque puisquil avait été également décerné aux associations des victimes du terrorisme, en particulier un père qui a perdu son fils de dix-huit ans lors de lattentat new-yorkais en 2001, et quil se soit déroulé dans une excellente ambiance humaine et de fraternité ».

A peine revenu à Rome de son « escapade » à Bilbao, notre cardinal était déjà en partance pour le Burkina Faso et le Niger où, 25 ans auparavant, il avait établi la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel qui lutte contre la désertification et ses causes et vient au secours des victimes de la sécheresse. Des centaines de projets financés grâce à des fonds attribués directement par le Pape, à travers le Conseil pontifical « Cor Unum » dont le cardinal reste président émérite après l’avoir dirigé de 1984 à 1995.

Un prélat basque à Rome

Malgré son emploi du temps très chargé, le cardinal m’avait reçu, avec Anne, il y a une douzaine d'années, dans son appartement de l’édifice San Callisto, cette enclave de l’Etat du Vatican sur les hauteurs du populaire quartier du Trastevere parcouru de petites ruelles bruyantes et encore peuplées, paraît-il, de « vrais » Romains… Depuis la galerie couverte qui borde l’étage, la vue est magnifique sur la colline du Vatican couronnée de la coupole de Saint-Pierre conçue par Michel-Ange.

Dès l’entrée, une chistera et un makila évoquaient le pays natal du maître des lieux.

Grande silhouette et visage aux yeux bleus qu’éclaire à l’occasion un large sourire juvénile, dans son costume « clergyman » noir, à peine courbée par le poids des ans et son col du fémur brisé l’année précédente au cours d’une « bousculade » à Saint-Pierre, je me souviens de son accueil : « je passe mon temps à recevoir, des religieux, de simples fidèles, également des chefs de gouvernement. Depuis que jai été appelé au Vatican par Jean-Paul II, jai beaucoup bourlingué et des hommes dEtat de passage à Rome viennent me voir, mais ça peut être une femme de ménage, et japprends toujours beaucoup »

Une photo avec Fidel Castro rappellait que Roger Etchegaray avait préparé les voyages des papes à Cuba : « Jai passé des soirées, jusqu’à deux heures du matin, avec Castro. Cest un être complexe, il a été baptisé et na jamais expulsé le nonce (ambassadeur du Saint-Siège, ndlr.), dans le fond il est croyant, mais il vieillit mal et sa visite au Vatican fut son chant du cygne ». Premier évêque catholique entré dans la Chine de Mao il y a trente ans, « tous les pays mintéressent, mais la Russie où je suis allé plus de vingt fois reste mon centre dintérêt ».

Ami très proche du patriarche de Russie qu’il avait, en tant que responsable de la Conférence épiscopale d’Europe, rencontré dès 1969 à l’Escurial près de Madrid, le cardinal Etchegaray avait représenté le pape Benoît XVI aux obsèques d’Alexis II puis au sacre de son successeur Cyrille qu’il connaissait également très bien. Il avait même reçu chez lui, à Espelette, le père Alexandre Siniakov, alors responsable des relations publiques et œcuméniques de l'église orthodoxe russe en France qui avait assisté à l’ordination de Mgr Aillet. Dans sa pourpre cardinalice dont la tonalité s’apparentait à l’éclat vif des solanacées de son village natal, coiffé d’une mitre arborant sur ses deux rubans arrière le lauburu (croix) basque, le cardinal s’était alors enthousiasmé : « Cest un évêque qui est vraiment pasteur. Jai senti, dès son premier contact, quil a conquis les cœurs, le peuple de mon diocèse. Le diocèse est entre de bonnes mains ».

Son Pays Basque natal ? « Jusqu’à 80 ans, mes tours du monde ne me laissaient que huit jours par an à Espelette Je suis toujours allé dans les pays pauvres : quand on a une vie pour les autres, on ne calcule pas » ! Et de réaffirmer « quil était urgent de travailler à donner aux populations lespoir quici aussi on peut vivre sans sexiler ». Un message et une ligne de conduite particulièrement d’actualité !

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