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Cinéma
Décision to Leave (138’) - Film Sud-Coréen de Park Chan-wook
Décision to Leave (138’) - Film Sud-Coréen de Park Chan-wook

| Jean-Marie 750 mots

Décision to Leave (138’) - Film Sud-Coréen de Park Chan-wook

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Tapis rouge à Cannes pour Park Chan-wook et les acteurs Park Hae-il (à gauche) et Tang Wei ©
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Park Hae-il "Décision to Leave" ©
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Busan, Corée du Sud. Un alpiniste chevronné fortuné, d’une cinquantaine d’années, gît mort au pied d’une falaise. A-t-il fait une chute ou a-t-il été poussé dans le vide ? Accident ou assassinat ? La police lance une enquête. Un policier aguerri Hae-joon (Park Hae-il) élégant, poli, impeccablement habillé est responsable des investigations. Lors d’un premier interrogatoire dans son commissariat, il fait la connaissance de la jeune veuve de l’alpiniste Seo-rae (Tang Wei) qui ne semble pas très affectée par la mort soudaine de son mari. Seo-rae est d’autant plus intrigante, pour son interlocuteur, qu’elle parle mal le coréen : elle est chinoise d’origine, immigrée en Corée du Sud. Pour mieux se faire comprendre elle use, par moment, d’une application numérique sur son téléphone portable qui traduit instantanément ses propos du chinois en coréen. Hae-joon est subjugué par cette jeune femme, au visage lisse, impénétrable, que rien ne semble troubler. Son interrogatoire ne donne rien de tangible auquel le policier puisse se raccrocher. Elle demeure calme, placide, et répond sans difficulté à toutes sortes de questions, y compris intimes. Son comportement mystérieux exerce une fascination sur son interrogateur. Qui est-elle réellement ?

Hae-joon est un policier qui souffre d’insomnies. Dans sa maison, un mur entier est tapissé de photos d’affaires criminelles non résolues. Celle là vient s’ajouter aux autres. La nuit dans sa voiture, ne pouvant dormir, il surveille les comportements de suspects. Très vite après plusieurs interrogatoires de Seo-rae, où il se montre attentionné, il « planque » près de chez elle ou sur son lieu de travail où elle exerce en qualité d’infirmière … Elle demeure le suspect principal …

Hae-joon est troublé par Seo-rae … Il éprouve un sentiment amoureux diffus pour cette énigmatique jeune femme.

Décision to Leave est un long métrage (138’) qui mêle un drame policier et une histoire d’amour dans la veine de Sueurs Froides (Vertigo – 1958) film américain d’Alfred Hitchcock (1899/1980). Le réalisateur Park Chan-wook affirme que le visionnage de ce chef d’œuvre dans son adolescence avait décidé de sa vocation : devenir un cinéaste sud-coréen ! 
Certes, il y a des similitudes entre ces deux œuvres en deux parties. Première partie : le policier est sous l’emprise de la jeune femme, l’épie et finit par la perdre ; deuxième partie : suite à une rencontre fortuite, il renoue avec elle jusqu'à une fin dramatique. 
Mais là ou le grand Alfred, pour nous narrer un récit complexe, use du langage cinématographique (et des artifices) de son temps (caméra fixe, images uniformément éclairée, transparence, musique inquiétante de Bernard Hermann), Park Chan-wook emploi le registre des « images-pensées » et des associations d’idées. 
Deux exemples parmi d’autres : l’image du visage de Seo-rae se superpose à celui de sa femme lorsque Hae-joon fait l’amour ; de sa planque en voiture, il se « téléporte » en pensée dans l’appartement de Seo-rae qu’il surveille et dialogue avec elle, etc.

La complexité émotionnelle qui bouleverse Hae-joon est traduite visuellement sur l’écran par des images fluides, composées, d’une grande beauté, soutenues par une musique originale ou par de la musique « classique » (l’adagietto de la 5ème symphonie de Gustav Mahler à plusieurs reprises). L’espace et le temps, distincts par nature (au cinéma), sont abolis par son obsession qui les confond dans la même image avec un son commun. Cela n’en rajoute pas en clarté, mais renforce en mystère. Étrangeté du désordre amoureux !

Pour son onzième long métrage Park Chan-wook (58 ans), scénariste, producteur, réalisateur de cinéma et même homme politique, met en scène avec virtuosité Décision to Leave ou la violence physique est bannie. Trait inhabituel chez lui au regard de ses précédents opus : Old Boy (2003), Thirst, ceci est mon sang (2009), Mademoiselle (2016). Entouré de ses collaborateurs habituels, Jeong Seo-kyeong au scénario, Kim Ji-yong à la photo, et Jo Yeong-wook à la musique originale, il nous livre un film policier mystérieux, labyrinthique, au final détonnant. Certes, en une projection tout n’est pas compréhensible (l’usage intempestif des téléphones portables dans le film y est pour quelque chose !) mais le résultat est incontestable : la fluidité du récit, l’élégance de sa mise en image nous envoûte et gomme le « trou d’air » du scénario (comme dans Vertigo !).

Décision to Leave a été sélectionné au Festival de Cannes 2022. Il a obtenu le prix (mérité) de la mise en scène.

A nouveau, saluons le dynamisme de l’industrie cinématographique sud-coréenne (Hallyuwood), protégée par son gouvernement, et capable de produire des œuvres d’une telle qualité (scénaristique, visuelle, etc.) avec des réalisateurs de renommée mondiale (Park Chan-wook, Kim Jee-woon, Bong Joon-ho, etc.), lesquels trustent les récompenses dans les festivals de cinéma.

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