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Spiritualité
Augustin d'Hippone et le pape Léon XIV racontés par des auteurs modernes
Augustin d'Hippone et le pape Léon XIV racontés par des auteurs modernes

| François-Xavier Esponde 1671 mots

Augustin d'Hippone et le pape Léon XIV racontés par des auteurs modernes

1 - Luc Ferry cite le philosophe de l'antiquité Augustin

L'appartenance du pape à la famille augustinienne relie sa vocation à celle d'Augustin d'Hippone dont on retrouve les références auprès de plusieurs auteurs modernes.

Luc Ferry, ancien ministre de l'Education Nationale, commente le propos du théologien de l'Antiquité, "en celui qui est Un, soyons Un", repris par le pape. Au delà des apparences le propos prend son sens dans la pensée même d'Augustin d'Hippone et les Confessions de son auteur. La théologie de l'amour dépasse tous les avis relatés d'un événement spirituel exceptionnel. Elle est mentionnée dans l'encyclique Rerum Novarum en 1891 ou en langage plus contemporains, "les innovations" qui traversent l'histoire actuelle. En relisant cette lettre, dit Luc Ferry, on observe la critique explicite du précédent pape Léon XIII concernant le capitalisme débridé d'un côté et le socialisme totalitaire en cours, en ce début du XXème siècle, Léon XIII reproche aux uns que "les sentiments religieux du passé ont disparu des lois et des institutions publiques, peu à peu les travailleurs isolés et sans défense se sont vu avec le temps , livrer à la merci de maitres inhumains  et à la cupidité d'une concurrence effrénée. Quant aux socialistes, dit le texte encyclique, ils poussent pour guérir ce mal, ils poussent à la haine jalouse les pauvres contre les riches"..."Les préceptes chrétiens invitent les riches à l'humilité, et les pauvres au respect de leurs engagements. On obtiendrait sans peine que des deux côtés on se donnât la main et que les volontés s'unissent dans une même amitié, trop peu cependant, c'est dans l'amour fraternel que s'opérera l'union". Une invite renouvelée par le pape Léon XIV comme l'héritage de la théologie augustinienne  de l'amour de dieu !

"Tout dépérit en ce monde, dit Augustin, tout est sujet à la défaillance et à la mort, Dès qu'il s'agit des créatures mortelles, il faut que mon âme ne s'y attache point par cet amour qui la tient captive, lorsqu'elle s'abandonne aux plaisirs des sens".

Ces propos seront repris par Luc Ferry et le cardinal Ravasi dans le livre écrit par ces deux penseurs à la demande du pape Benoît XVI pour des non croyants, mais des amis de l'esprit partagé de quelque attachement spirituel sans Dieu. Seigneur bienheureux celui qui vous aime et qui aime son ami en vous, Car celui là seul ne perd aucun de ses amis, qui n'en aime aucun que dans Celui qui n'en aime, qui n'en se peut jamais perdre. Et qui est Celui là sinon notre Dieu. Théologie de l'amour, "que si  les âmes te plaisent, aime-les en Dieu parce qu'elles sont errantes et muables en elles mêmes et qu'elles sont fixes et immobiles en Lui, de qui elles tiennent toute la solidité de leur être, et sans qui elles s'écrouleraient et périraient. Attachez vous fortement à lui et vous serez inébranlables".

Un tel regard embrasse la vie de chaque couple, celle du monde diffracté nord et sud actuel, le partage juste entre les riches et les plus pauvres, une connaissance du genre humain dans une unité plus haute qui est de Dieu, et qui relie et la figure pontificale de Léon XIII et celle de Léon XIV, d'un rapport à l'amour divin qui rejette la violence, les avanies de l'histoire conquérante, une philosophie des empires actuels.

2 - Sébastien Lapaque et la coincidence des Léon de l'histoire passée

Dans un monde passé des révolutions industrielles et politiques et le développement des doctrines économiques libérale et marxiste, Léon XIII est l'auteur d'une encyclique qui ouvre la  voie de la doctrine sociale de l'Eglise, dit l'auteur. Une troisième voie que d'autres papes ont suivie, Pie XI et l'encyclique Quadragesimo Anno en 1931, Paul VI avec Populorum Progressio en 1967, Jean-Paul II avec Centesimus Annus en 1991, et François avec Laudato si, en 2015. La troisième voie persiste pour l'Église au vu de l'histoire passée primitivement au temps même d'Augustin 354 - 430, la chute de l'Empire romain en 410 vécue dans son diocèse d'Hippone, au milieu des barbares.

Augustin confronté dans l'Église aux doctrines pélagiennes et manichéennes, qui mettaient à mal la foi chrétienne en minimisant le rôle de la grâce divine  en insistant sur celui du libre arbitre. Des doctrines d'hier qui ont aujourd'hui encore leurs adeptes dans la modernité. Seule la grâce divine pour Augustin sauve l'homme déchu depuis la chute d'Adam et sauve de surcroît le libre arbitre à la fois !

"Le mal de la division ne vaincra pas", avait-il dit, en pensant au passé et au présent, à ceux qui méprisent le corps chez l'humain par des doctrines jansénistes ou le dualisme gnostique. En Orient, on qualifiait ces querelles subtiles de byzantines. Il fallut les reprendre et discuter de la part d'experts au Concile de Chalcédoine en 451 pour adopter la personne du Christ en deux natures humaine et divine.

Ces interrogations demeurent toujours aujourd'hui. Elles questionneront les théologiens, les philosophes et les catéchètes sur ce qui fut au Moyen Âge un thème récurrent, le lien entre la personne et la nature, le souci de soi et celui des autres, l'environnement et le sujet de l'homme. Des thématiques qui ont changé dans la formulation mais sont restées prégnantes et permanentes de la relation surnaturelle ou transcendante de l'homme et de son Créateur ! Reprenons Augustin "En celui qui est Un, nous sommes Un" pour le monde oriental et les sagesses asiatiques, extrêmes-orientales en vue ? De quoi se poser des questions sur ce pape augustinien parlant aux adeptes de Confucius ? Après Jean-Paul II parlant aux communistes, Benoît XVI aux doctes savants rationalistes, François aux nations soucieuses de leur survie économique et sociétale, est venu le temps de Léon XIV et un flambeau de feu d'amour intérieur tourné vers la Foi contre la division, la paix contre la guerre, la justice contre la pauvreté des mal aimés ? Les défis technologiques de la modernité tels l'intelligence artificielle contre la liberté humaine ?

3 - Henri Marrou, les anges dans la pensée d'Augustin, l'oriental et le latin ?

Une légende traverse l'Église depuis le XIIIème siècle. Augustin aurait raconté, méditant la Trinité le récit d'un enfant, devenu par la suite l'Enfant Jésus lui-même, voulant d'un coquillage en bord de mer verser dans un trou de la terre cette quantité d'eau disponible pour l'homme. Cet enfant se révèle être un ange, une histoire plus facile à comprendre que le raisonnement logique De dieu en trois personnes, d'une analogie concrète et imagée.

Tels furent les exemples des prédicateurs du Moyen Âge pour percer le secret de la foi chrétienne. Une histoire anonyme qui très vite sera attribuée à Augustin lui-même. Tous les ingrédients étant réunis, la mer, les coquillages, la terre et le ciel, les anges et à terme, une légende construite et bien perçue.

Récit apocryphe mais bien agréable à partager et à comprendre.

L'histoire eut une postérité dans l'Europe entière par les moines et les prédicateurs, jusque la littérature rabbinique qui s'en inspira. Des sermons en paraboles et par des exemples, des légendes portées par des témoins de renom de l'Antiquité, à l'orientale et confirmées et répétées encore. Autant de récits vivants que les siècles d'antan transmirent aux croyants. On ne saurait oublier que les premiers disciples de saint Augustin furent les ermites du même nom avant même les chanoines réguliers qui suivront le cours de l'histoire de cet ordre.

Parfois irrités par les doctes - docteurs de la loi -, les moines préféraient choisir ces légendes à des emprunts savants et doctrinaux toujours plus loin du peuple. Comme le demandait sans cesse Augustin à ses prédicateurs. Souvent cité par les Pères de l'Église, Augustin demeura l'auteur préféré de la légende augustinienne, qu'il l'ait voulue ou subie, qu'importe, venant du maître, les témoins se partageaient le bonheur de le partager.

Il est encore une autre tradition biblique qui inspira le cours des commentaires, dont ceux d'Augustin. L'échelle de Jacob reliant terre et ciel, Dieu et les hommes par les anges. Paul est parmi les acteurs préférés d'Augustin, selon les textes, son statut comme celui de l'évangéliste Jean attisent "le récit augustinien de ces invisibles qui conduisent vers les hauteurs contemplatives, et descendent en retour vers les humains par le propos de toute prédication. Christ étant ainsi vénéré, prié et adoré en son éternité et dans son incarnation continue."

Imiter le Christ demeurait pour le chrétien un appel à adopter ce mouvement du bas et du haut, du ciel et de la terre, de la pensée et des actes.

Pour Augustin, le prédicateur devait être un spirituel, mais capable de toucher le sens charnel de la vie de ses auditeurs. Augustin y prêtait un grand intérêt, Il désirait que les thèmes des prédications fussent proches "des rapports charnels de ses ouailles". Sachant la distance existant entre la connaissance des théologiens ou doctes savants, et les humains sans autre connaissance acquise que leur attente.

Toutes les formes du langage, les images, les légendes et les anecdotes, les histoires et les récits imaginaires pouvaient être des véhicules de la communication du Christ en ses nombreuses expressions. Le rhéteur et le penseur aguerri qu'était Augustin prêtait de l'intérêt à ces moyens à la disposition des prédicateurs  et précepteurs au service de la parole évangélique.

Ce mode de penser, de parler et de délivrer la Parole du Christ serait-il rapporté aujourd'hui par le pape Léon XIV comme une parole empruntée par les anges qui montent et descendent au dessus du Fils de l'Homme, qui montent et descendent vers le Fils de l'Homme ? Dans le monde des réseaux numériques et sociaux, de l'IA et des langages codifiés en cours, que réserve pour la foi christique, ce rendez vous voulu par le pape entre les technologies modernes et les enjeux de vie sociétaux actuels ?

On ne serait pas surpris de découvrir une encyclique contemporaine sur les Choses qui nous interpellent par les algorithmes, ces anges connectés par milliards de connections. Augustin d'Hippone aimait faire parler les anges, Léon XIV fera entendre le sens de leur message pour nous !

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