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Histoire
Roger Etchegaray raconté par Michel Camdessus (1922- 2022)
Roger Etchegaray raconté par Michel Camdessus (1922- 2022)

| François-Xavier Esponde 1433 mots

Roger Etchegaray raconté par Michel Camdessus (1922- 2022)

1 -Un temps mémoriel bayonnais.

Ce 8 avril 2022 année du centenaire de la naissance de Roger Marie Elie Etchegaray à Espelette, le même jour du 8 avril 1984 où Roger Etchegaray quitta Marseille pour rejoindre le Vatican, Jean Michel Camdessus a prononcé une conférence dans le grand salon de la Mairie de Bayonne pour la mémoire et l’histoire de l’homme et de la cité.

Elle s’inscrivait dans la tradition humaniste si chère à la ville du Cardinal Lavigerie qui prononça le célèbre “toast d’Alger”, de René Cassin qui fut l’un des rédacteurs de la Charte des droits humains de l’ONU, de Marcel Suares compagnon de la Libération, le seul dans notre département, du docteur Henri grenet, artisan constant des Entretiens de Bayonne avec son ami Georges Hahn, du cardinal Roger Etchegaray, apôtre infatigable de la paix, désormais plus dans l’immédiateté du maire JR Etchegaray qui s’est investi dans l’accueil de populations en transit dans la région, et de Michel Camdessus ancien directeur du FMI pendant douze ans, un humaniste du bien commun partagé de l’humanité.

Le propos tient à Roger Etchegaray Ami des hommes, selon le choix du titre établi par le conférencier.

Un chemin de vie commencé à Espelette, Ustaritz, Bayonne, Rome, retour à Bayonne puis Paris, comme évêque auxiliaire du cardinal Marty, Archevêque de Marseille à 48 ans, fait cardinal et appelé à Rome par le pape polonais Karol Wojtyła pendant vingt deux années consécutives à ses côtés.

La vie du cardinal est connue dans ses grandes lignes par le récit raconté de sa vie par Bernard Lecomte "J’ai senti battre le coeur du monde", livre présenté par l’auteur à Espelette il y a quelques années.

Il était instructif de découvrir la relation personnelle de Roger le cardinal et de Michel l’économiste, directeur du FMI

Faut il rapporter un détail historique concernant Roger Etchegaray appelé à rejoindre le STO en Allemagne et qui trouva refuge, où - nul ne le saura -, pour échapper aux contrôles, et le retrouver comme pour d’autres basques prenant le chemin de l’exode vers les Amériques en ces années de guerre et d’occupation allemande.

Roger Etchegaray comme rapporté par le conférencier, devenu ami mais de deux missions distinctes jusqu’en 2000 où Michel Camdessus quitte le FMI après trois mandats successifs, entretient des relations personnelles, celle d’un homme d’influence avec un homme d’église à l’influence spirituelle internationale.

Président deux Dicastères - Ministères prestigieux du Vatican : Justice/Paix et Cor Unum, les urgences du monde, famines, guerres civiles, guerres endémiques, catastrophes naturelles appellent à l’aide auprès des institutions publiques et privées du monde.
Le FMI et le Vatican sont à la réponse dans l’urgence.

Roger Etchegaray mène son entreprise internationale avec Cor Unum depuis le Vatican en sus des missions diplomatiques couvertes à la demande du pape jean Paul II. Souvent elles vont de pair. Aux nécessités répond la nécessité des actions.

Il avoua avoir parcouru la plupart des pays du monde, excepté l’Albanie et la Corée du nord, un peu moins que son ami Michel Camdessus fédérant la quasi totalité des pays de la planète au sein du FMI.

Une exception cependant Cuba de Fidel Castro que Roger Etchegaray eut le droit de visiter.

Roger Etchegaray aimait citer le propos d’Emmanuel Mounier, personnaliste français, “Partager l’amour à bout portant”, au milieu des détresses humaines en cours.

2 – L’amour à bout portant.

Il n’en manqua pas du temps de la papauté de Jean Paul II ni pour le directeur du FMI. Et parmi ces souvenirs la rencontre de Michel Camdessus avec le pape au sujet de la Pologne.

Roger Etchegaray aimait rapporter le mot de contact et celui de l’échange avec ses correspondants du monde qui bien souvent n’embrassaient ni sa religion, ni sa philosophie, ni ses intérêts politiques. Combien de divisions au Vatican aurait dit Staline pour discréditer le pape et sa curie ?

Le Concile des années 60 aurait permis de toute évidence de desserrer l’étau des rapports entre les Etats du monde et ceux de l’Europe Est-Ouest.

Karol Wojtyla, Archevêque de Varsovie et Roger Etchegaray expert théologien du Concile créent des liens personnels.

En quelle langue s’exprimaient-ils entre eux, sans doute en latin, en français peut être, en allemand pour d’autres.

De peu d’importance pour le cas, le langage du coeur, l’amour à bout portant portait des fruits.

Roger Etchegaray put enlacer des réseaux épiscopaux européens, établir les premières conférences épiscopales du continent entre les deux rives du rideau de fer.

Michel Camdessus raconte avec détail l’entrevue de Fidel Castro, président à vie de Cuba, avec Roger Etchegaray.

Ancien élève des jésuites, élève brillant parfaitement au fait des questions religieuses Castro se livre en amitié avec Roger le basque.
On parle de la maman de Fidel, qui continue à vivre dans la religion de son enfance, de questions théologiques les plus inattendues, la vie éternelle, de l’évangile que Fidel cite comme le livre inspiré de sa vie avec la doctrine de Karl Marx.

On n’est donc pas dans l’idéologie du temps, mais dans un temporel situé de l’ile aux portes de l’Amérique, et du combattant marxiste qui pose des questions, attend des réponses, et se lie avec ce cardinal venu de Rome.

Le contenu des échanges demeure confidentiel.

On imagine en effet que la libération de prisonniers politiques, de religieux fusillés, d’interdiction de quitter l’ile, et du peu de disposition à l’ouvrir à l’influence étrangère sont au menu des échanges .

Peu de confidences avouées sur le sujet. Le Vatican cultive le droit de réserve, celui du secret et de la diplomatie du contact et du dialogue à longue portée.

Roger formé à cette école vaticane éprouvée en gardera les retenues toute sa vie.

3 – La diplomatie des petits pas.

Autre pays cité par le conférencier. la Chine fascinait Roger Etchegaray.

L’histoire anecdotique du panda découvert par un autre religieux natif d’Espelette Armand David mort en 1900 et que Roger Etchegaray voulut célébrer en se rendant en Chine au cours d’un voyage accompagné de quelques amis, dont André Darraidou est resté dans les mémoires.

Le souvenir de Armand David fascinait les chinois. On s’étonnait de la curiosité intellectuelle de ce basque pour l’animal emblématique de la Chine.

Les anecdotes ne manquant pas, l’attirance jésuite de François Xavier pour cette culture de l’Empire du Milieu, de la Chine immortelle avait marqué le jeune ezpeletar Roger.

Lors d’un symposium des jésuites du monde à Loiola, supérieurs religieux venus par centaines dont beaucoup d’Asie, Roger Etchegaray présida la messe anniversaire de l’Ordre.

Il eut quelques entretiens privés dont nous vîmes le déroulé, priés de nous retirer quelques heures durant, avant la célébration officielle en la basilique jésuite présidée par ce cardinal tout vêtu de rouge qui ne cachait sa jubilation et partageait celle des asiatiques sensibles aux couleurs liturgiques de toute célébration.

L’échange avec des centaines de gens venus dans la cour de Loiola pour rencontrer l’envoyé du pape fut une joie partagée.
Roger dégageait de l’effusion, de l’entrain, de la foi.
Ce rapport inter personnel avec ses visiteurs faisait sa réputation.

Il ne s’en lassait pas et ne s’en privait guère.

Introduisant son propos, Michel Camdessus le compara au cardinal Lavigerie dont la statue est érigée à la Place du Réduit à Bayonne dans l’emplacement de l’ancienne porte royale de la ville donnant sur le pont Saint Esprit.

Les lecteurs de Michel Camdessus pourront découvrir les souvenirs de l’ancien directeur du FMI dans son ouvrage intitulé “La scène de ce drame est le monde”, titre tiré d’une citation de Paul Claudel, d’une présente actualité dans cette Europe traumatisée à nouveau par la guerre.

* Propos du cardinal : “Si tu veux la paix, respecte la liberté, la liberté est indivisible et dans une civilisation demeure planétaire. Nous devons aussi rendre nos libertés solidaires de celles que des hommes en d’autres pays cherchent à défendre, à conquérir ou a retrouver. On ne devient vraiment libre que par la liberté des autres”.

De quoi s’interroger en retour, comme si “J’ai senti battre le coeur du monde” n’eut pas correspondu à l’aventure de Michel Camdessus aux affaires, et celui de Michel Camdessus à celui de Roger son ami ?
La providence en aura décidé autrement !

L’échange de ces deux bayonnais d’une grandeur d’âme exceptionnelle a comblé le parterre des auditeurs de ce jour dans le Grand salon de la Ville.

Nul doute que les téléspectateurs de KTO qui recevront ce témoignage dans les prochaines semaines dans les pays francophones du monde seront ravis de le partager www.ktotv.com

Dans cette cité de Bayonne où les acteurs de la liberté sont toujours sur le pont de l’histoire et de la mémoire !

Répondre à () :

Jean | 15/04/2022 19:22

Juste une précision. Il y a un autre compagnon de la Libération dans le département - Pierre de Chevigné - dont une rue de Biarritz porte le nom.

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