1 - Palpitations spirituelles
Le Français d'ordinaire retors et rebelle au fait religieux serait il un animal spirituel que les circonstances présentes de menace de guerre, de maladies virales telles le Covid, d'une fin de vie papale saisissante pour un résistant assidu à la foi, ont chamboulé quelque peu ? Les questionnements fusent, des enquêtes réalisées chez les plus jeunes alarment les uns et réjouissent les autres. Il se passe quelque chose d'immatériel, de surnaturel que ni les assimilations aux saturnales à Noël, ni les éclipses de saison pascales du début de l'an ne résument à des épiphénomènes sans profondeur. Une inflexion de vie éclot. Les demandes d'initiation libre et adulte à la religion accroissent, la diffusion de la bible sans contrainte, librement croit. De l'identitaire pour d'aucuns, de la résistance au wokisme, des repentants, et des auteurs de fiction spirituelle plus encline à l'idolâtrie qu'à la croyance. On se cherche des raisons, on trouve des hypothèses. Le grand chambardement ou renversement, pire le remplacement ne sont pas encore acquis pour tous. La mort de François a surpris l'opinion française et désormais dans les chaumières les plus mécréants parfois, disons les moins conformistes se posent question. Pourquoi ajouter de l'intérêt à un homme disparu, si le monde va sa course et que quelques sujets bien intentionnés cherchent à le remplacer ou faire suivre son destin.
La semaine qui vient, les uns suivront sur grand et petit écran, les deux versions se conjuguent désormais, le déroulé d'un conclave romain qui semble désuet dans ses formes, mais bien moins dans ses objectifs. Ces hommes en rouge, que vont-ils privilégier dans le contexte universel d'une catholicité en mouvement. Comment ce phénomène observé du sud global continue-t-il d'intéresser encore les souverainetés contemporaines ?
Les plus réticents sont figés sur les applis, accros, disent les pros. Les parieurs de "la papo-philie" sont à la manœuvre. Les influenceurs existent aussi dans le logiciel ou le patrimoine génétique des ultramontains. Les politiques ne sont pas de reste. Comme en ces siècles médiévaux, ils sont là et bien là jusqu'en la cour de la chapelle Sixtine pour suivre le rythme soutenu prochainement des échanges cardinalices. Le cardinal archevêque de Paris, Jean-Marie Lustiger disait dans un livre intitulé "Comment Dieu ouvre la porte de la foi", c'est l'extension géographique de ce monde ecclésial, par-delà les océans d'un monde en marche. "Une sensibilité des peuples à la force cachée présent au cours des siècles dans les événements de la vie humaine". La religiosité profonde de l'homme, ce pressentiment du divin subsiste tant est constitutif au-delà des religions sous des apparences archaïques, un désir d'émancipation des peuples qui déborde les technologies modernes.
"Toutes les langues proviennent de cet extraordinaire phénomène humain qu'est le langage symbolique où s'origine la mémoire de l'humanité", disait le cardinal disparu. C'est de la même façon que l'orientation religieuse constitutive de l'humanité demeure présente dans les réactions, les pensées et les sentiments de nos contemporains". Attestant ainsi que loin de chasser Dieu de la modernité, elle lui ouvrait de gré, ou parfois à son insu, de nouveaux horizons. On pensait il y a peu dans des cercles académiques bien inspirés que la religion était en voie d'extinction, comme ces derniers sédiments de superstitions que l'on ausculterait encore en laboratoires archéologiques du bien dépassé. André Frossard le dira en des termes choisis bien pensés, "Indifférent et occupé de bien d'autres choses que d'un dieu que je ne songeais plus à nier, tant il me paraissait depuis longtemps passé au compte des profits et pertes de l'inquiétude et de l'ignorance humaine". Mais le mouvement de ressac n'a pas totalement dissous les ressources de l'esprit.
Lors des obsèques au Vatican de François, rites et voilettes de toutes provenances ont apporté chez les religieux et des gens cultes du monde entier, un supplément de visages, de modes de penser et de vivre révélateurs d'un monde invisible et visible à la fois qui perdure. Ils sont venus de nos antres et de nos racines. Comme si l'orgueil convenu de certains esprits prométhéens les avait relégués aux accessoires inutiles, et l'on se laisse pourtant saisir à l'église comme lors de ces obsèques de ces us de royautés séculaires par cet amoncèlement de rites, cultes et décors d'exception et de symbolique.
Un voile noir qui cache le regard ardent de la dévote, une senteur d'encens qui parfume le voisinage de quelques absents , un silence que la voix d'un choeur exercé introduit jusqu'aux portes du firmament, nous voilà donc ailleurs mais dedans, au cœur mais non à la porte. Dans la simplicité sans doute mais non sans intimité ni invisibilité, dont la liturgie de ces moments exceptionnels exerce un effet immédiat.
2 - Christianisme rémanent
Et voici le réflexe apologique qui refait surface, d'une religion chrétienne de l'esprit plus que de la lettre, de la conscience et de l'intériorité au-delà des convenances et règles imposées par des lois ou des coutumes indistinctes.
La force intérieure acquiesce à la loi, la conscience autorise la loi morale, pour rendre comme rapporté par l'évangile, ce qui lui est dû, à chacun, et à César, ce qui lui revient. La différence est de fond jusque dans le comparatif des autres monothéismes, le christianisme ne se satisfait pas de codifier la vie spirituelle.
Matthieu 7, 15 dit l'écriture évangélique, la pureté des intentions vient de l'intérieur de l'esprit humain, privilégiant de la sorte cette primauté sur les codifications, les diverses pratiques sociales, spirituelles et éducatives. On peut ainsi en admettre que la laïcité ou la modalité du vivre en commun dans la différence de croire soit possible et légitime pour chacun, en ne renonçant pas chez les chrétiens de reconnaître les traits du domaine public où il s'exerce, en disposant de la liberté religieuse de toute vie guidée par l'intériorité.
En Europe et en France, la séparation public/privé existe comme autrement que dans le reste du monde. On se souvient de ce que Tocqueville disait, "Les droits humains sont influencés par la bible et la démocratie en Amérique rappelle que tous les hommes naissent libres et égaux, idée chrétienne bien répandue depuis dans le monde entier comme si l'égalité des hommes passait avant la pratique de toute loi, comme si le christianisme avait créé l'égalité de tous les hommes reconnus par le même Dieu.
Ce christianisme altruiste critique inlassablement le pouvoir de l'argent comme volet du bien commun d'une liberté sociale issue de l'âme chrétienne.
Jésus adresse sa répartie au jeune homme riche, qui se presse à observer le décalogue, mais la demande du Seigneur est d'aller plus avant et de faire le partage de ses biens avec les moins bien pourvus. Le jeune homme le comprit, et en rejeta la contrepartie.
Le christianisme ne cesse de critiquer le trésor de l'argent accumulé, en cette éthique du bien public devenant commun et réparti selon les besoins et les nécessités utiles de chacun.
Deux auteurs chrétiens récents, Péguy le patriote poète de génie, et Bernanos, s'en sont inspirés, et pour le reste du monde, le compendium du Catéchisme de l'Eglise catholique traduit en nombreuses langues du monde, ont distillé cet enseignement qui est aussi une école de la vie, un apprentissage éducatif, et spirituel particulier au christianisme.
Le christianisme enfin se veut la religion de l'être avant celui de l'avoir. Par les temps controversés des régimes gouvernants du monde, l'appel à cette philosophie de transcendance chrétienne est et devient un défi réel. L'absurdité de la compétition des forces et des armements en construction, éclipse la raison au seul bénéfice de la supériorité du nombre et du chiffre. La civilisation démocratique qui inspira nombre des régimes, des institutions souveraines du monde, Etats, gouvernances, organisations sociales et publiques, subit un réel contre-pouvoir qui met en difficulté la récurrence des rivalités mondiales au dividende le plus puissant, qui affaiblissent les garanties humanistes, humanitaires et charitables des nations et des peuples faibles et solidaires entre eux. Encyclique papale de l'écologie humaine et naturelle inviolable et imprescriptible, "Laudatu Si" composée il y a dix ans n'en gagne que davantage de crédit aujourd'hui !
3 - Apport universel de la BIBLE
Une histoire passionnante que celle de la Bible traduite en partie et ensuite en entier en de multiples langues du monde (notre photo de couverture : la table avec bibles et écrits spirituels à l'entrée de la cathédrale de Bayonne). Dès les IIIème et IIème siècles avant JC, les premières traductions de la Bible hébraïque existent en grec, sous le nom de Septante. De 382 à 420, Jérôme traduit la bible en latin depuis l'hébreu et le grec, sans passer par la Septante. On la nomme la Vulgate. En somme pour le plus grand nombre, comprise et accessible. Entre la Vulgate et le XIXème siècle des protestants ont matière à traduction depuis des sources hébraïques, araméennes et grecques. Quant aux catholiques, ils partent principalement de la Vulgate. et se réfèrent au Nouveau Testament en majorité. En 1880, la traduction de Louis Segond - protestante en entier - est un événement en France. Les catholiques eux-mêmes s'en inspirent. En 1956, Les dominicains publient la Bible de Jérusalem par l'Ecole biblique et archéologique française. Une découverte pour beaucoup qui en ignorent le texte ou le consultent.
En 1975 advient le temps œcuménique. En 1993, la Bible de la Liturgie est publiée par l'AELF, association épiscopale liturgique pour les pays francophones, le choix des textes bibliques est partiel.
En 2013, la traduction officielle liturgique catholique de la Bible est achevée en intégralité.
4 - Enquête PATMOS de l'Alliance Biblique Universelle.
Et d'une enquête récente menée dans 85 pays du monde auprès de 91 000 femmes et hommes et leur rapport à la Bible dans le cadre de l'initiative Patmos en lien avec l'alliance biblique francophone, les chiffres parlent. 55 % ne disposent pas de Bibles chez eux. "La France est classée dans le cluster 5 dans un contexte sécularisé, peu intéressé par la connaissance de la bible, et une population chrétienne en déclin". Les 24 pays qui le composent sont "économiquement développés, historiquement chrétiens, et situés en Europe, Amérique du nord et Océanie, où l'identité chrétienne est en déclin". Au sein du groupe, les Etats-Unis et l'Italie demeurent des pays actifs sur le plan chrétien tandis que la Suède, la Norvège et les Pays Bas sont les moins engagés.
Les contrastes seraient déroutants selon Jérôme Fouquet, analyste de cette étude. On trouve en effet ceux qui n'ont pas de Bible, ne la consultent jamais, ne voient guère l'utilité de le faire, avec des disparités surprenantes entre les générations concernant ce fait.
Les séniors font partie des moins intéressés, la génération intermédiaire est occasionnelle, quant aux jeunes de 18 à 34 ans, ils sont les plus nombreux dans ce panel à dire que "la Bible est la lettre de Dieu exprimant pour moi son amour et son salut". Ces avis sont moins assurés par les autres générations plus âgées !
Comment consulter la Bible ? Les supports existent. Pour 56 %, un texte imprimé (chez les plus anciens), 18 % sur Internet, 18 % dans une application, 5 % dans un logiciel.
Consulter des croyants, des agnostiques ou des incroyants déclarés ouvre un horizon inconnu pour chaque cas. Car le nombre des polyculturels est élevé aujourd'hui, dans une composition spirituelle et religieuse mixée à la carte. De toute évidence le support numérique et l'image tous terrains et de tous les temps médiatiques influence les spectateurs, auditeurs ou lecteurs des événements du monde en cours !