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Cinéma
Les Promesses d’Hasan (147’) - Film turc de Semih Kapanoglu
Les Promesses d’Hasan (147’) - Film turc de Semih Kapanoglu

| Jean-Louis Requena 659 mots

Les Promesses d’Hasan (147’) - Film turc de Semih Kapanoglu

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Les promesses d'Hasan ©
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Quelque part en Anatolie (Turquie). Un petit garçon puise dans un puits peu profond au milieu d’un champ. Lentement, avec difficultés, il amène cette eau plus loin sous un grand arbre où sa mère abritée, à l’ombre, prépare un déjeuner sur l’herbe. Son jeune frère somnole étendu dans un hamac ; son père travaille dans le champ, non loin de là. C’est l’heure du déjeuner. Générique.

Une quarantaine d’années plus tard. Sur son tracteur, Hasan (Umut Karadag) agriculteur, traite ses pommiers avec des pesticides. Il est joint sur son portable pour un rendez-vous inattendu. Un ingénieur lui explique que sous un ou deux mois un pylône électrique sera implanté ou milieu de son champ de tomates, mais qu’évidement il sera indemnisé en conséquence. Hasan proteste vivement et montre un terrain avoisinant en jachère où le futur pylône électrique pourrait été érigé sans dommage. Le tracé a déjà été étudié ; il est hors de question d’y déroger selon l’ingénieur.

Hasan est effondré car ses tomates ne vaudront plus rien. Il en parle à sa femme Emine (Filiz Bozok) qui l’apaise. Hasan est décidé à se battre contre ce projet qu’il considère comme une injustice quitte à employer des méthodes délictueuses …

Entre temps, il apprend qu’il a été choisi dans une tombola pour faire, avec sa femme, le pèlerinage à la Mecque : le Hadj si convoité par les musulmans. A son annonce, Emine est folle de joie. Toutefois l’Iman a averti Hasan : il faut régler ses dettes, se faire pardonner avant de partir … Hasan paysan endurci, retord, cupide, est envahi par des remords : il n’est pas sans péchés …

Les Promesses d’Hasan est le huitième long métrage du réalisateur turc Semih Kaplanoglu (49 ans) dont il est également scénariste. Le cinéma turc est peu distribué en France où nous connaissons surtout Nuri Bilge Ceylan (63 ans) dont certains films ont remporté un grand succès notamment ses trois derniers opus : Il était une fois en Anatolie (2011), Winter Sleep (2014) Palme d’or au Festival de Cannes, et Le Poirier sauvage (2018) beau succès d’estime. 

Semih Kaplanoglu nous propose avec Les Promesses d’Hasan un récit dense (2 heures et 27 minutes) en deux parties inégales : dans la première Hasan, retors, cherche par tous les moyens à assurer le train de vie de sa famille sans freins moraux (concussions, mensonges, compromis, etc.) ; puis dans la seconde, il tente de raccommoder ses manquements moraux (contritions, excuses, recherche du pardon, etc.) en vue de son Hadj. 
Ce sont les deux faces d’une personnalité forte en conflit avec elle-même, son rapport au monde qui l’entoure, son chemin de vie. Semih Kaplanoglu scénariste a traduit ce changement de comportement d’une manière visuelle étonnante : aux très belles images réalistes bien éclairées de jour comme de nuit (chef opérateur Özgür Eken) succèdent quelques inserts oniriques, surréalistes qui traduisent l’état psychique du principal protagoniste soumis à ses remords. 
Les racines de ceux-ci sont dans l’enfance d’Hasan, comme tout un chacun. A l’instar d’Ingmar Bergman (1918/2007) qu’il cite, le réalisateur s’attarde sur nombre de très gros plans de visages, car « le visage est un paysage », affirmait le maître suédois. 
Semih Kaplanoglu est également économe en paroles : peu de dialogues, mais de longs plans fixes qui s’étirent et les remplacent. Les silences sont signifiants !

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Semih Kaplanoglu, Filiz Bozok, Umut Karadag ©
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Les Promesses d’Hasan est un film somptueux, au rythme lent, qui prend son temps pour nous narrer des magouilles, des histoires d’anciennes querelles, des conflits mal éteints, sans nous égarer, nous perdre dans des développements confus. 
Spectateurs, nous suivons les deux parcours d’Hasan, le premier répréhensible, le second rédempteur, magnifiquement incarné par Umut Karadag (Filiz Bozok, sa femme taiseuse, Emine est tout aussi remarquable), avec une attention soutenue qui est la marque des grands films, vers un final éblouissant.

Les Promesses d’Hasan a été projeté en Sélection Officielle au Festival de Cannes 2021 (juillet pour cause de Covid 19 !) dans la section Un certain Regard. Il est visible en France depuis début août 2022 : courez-y toutes affaires cessantes !

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