Depuis quelques années, en Pays Basque et en Béarn, un petit groupe de passionnés tente de réhabiliter un sport ancien qui a depuis longtemps disparu de la mémoire collective : le jeu de paume. Pourtant, le vénérable ancêtre de la plupart des jeux de balles pratiqués de nos jours dans le monde entier, et dont l’origine remonte au Moyen Age, a connu son heure de gloire jusqu’au milieu du XVIIème siècle.
On trouvait dans toutes les villes de France et de Navarre, et partout en Europe, de nombreuses salles de jeux de paume, appelées « tripots » ; Paris en comptait plusieurs centaines à l’époque du roi Louis XIII et le jeu était très populaire dans toutes les couches de la société. Pour diverses raisons, le « roi des jeux et le jeu des rois » déclina à partir du XVIIIème siècle, les tripots furent transformés en salles de spectacle, en remises, en musées ou en appartements, la pratique du jeu se perdit à peu près complètement et sortit du paysage sportif français.
Au Pays Basque, le jeu de paume resta très populaire jusqu’à la fin du XIXème siècle, mais l’invention de la balle en caoutchouc lui porta un coup fatal – le jeu de paume se jouant face-à-face avec un filet au milieu de l’aire de jeu, avec une petite raquette très tendue et une balle un peu plus grosse qu’une balle de tennis - il devenait dangereux et peu pratique d’y jouer avec une balle en caoutchouc, plus petite, plus dure et plus rapide.
Les Basques utilisèrent alors le mur frontal ou mur de frappe, dit jeu de blaid, qui permettait une plus grande amplitude de jeu, l’architecture intérieure spécifique aux tripots fut modifiée pour devenir des trinquets et accueillir de nouvelles disciplines telles que la pala ou le xare avec des règles de jeu plus simples.
Actuellement, il ne reste plus que deux tripots encore en activité en France : celui de la rue Lauriston à Paris, et celui du château de Fontainebleau, construit par Henri IV.
Ceux qui ont survécu à la destruction (Chantilly, Versailles, Paris) ont été transformés en musées ou en salles de mariages et de festivités.
Le tripot de Pau-Beaumont, devenu trinquet, est en cours de réhabilitation ; celui, très rare, de Chinon, qui date de l’époque de Rabelais, fait l’objet d’une étude de restauration.
De nombreux tripots, qui témoignent de l’engouement des Basques pour ce sport, furent construits en Pays Basque : deux à Bayonne dont l’actuel trinquet Saint-André, qui a été utilisé en jeu de paume jusqu’à la fin du XIXème siècle ; un à La Bastide Clairence, le plus vieux au monde, dont la construction remonte aux années 1509-1511 et qui a été sauvé de justesse ; un à Urrugne, actuellement trinquet Dongaitz, très vieux jeu de paume qui, selon la légende, accueillit le roi Louis XI venu y disputer quelques parties lors de son passage dans la région ; un à Urt (disparu) ; un à Bidarray en place de l’actuel trinquet, un à Bonloc actuellement en ruines et qui mériterait une restauration ; un à Hendaye au château d’Abbadia ; deux à Espelette, dont un ancien tripot privé qui reste encore debout mais qui n’est plus joué, ainsi que deux autres dans la campagne basque, aujourd’hui utilisés pour des fins agricoles…
Les Basques ont aussi oublié que l’un des plus grands champions du jeu de paume et référence absolue de ce sport au niveau international était natif de Saint-Jean-de-Luz.
Pierre Etchebaster a commencé sa carrière comme pilotari, avant de se passionner pour la paume. Devenu professionnel, il gagna 14 fois le championnat du monde, entre 1928 et 1954, avant d’enseigner au Tennis and Rackets Club de New York dans la cinquième avenue.
Car si le jeu a disparu du paysage sportif français, il est devenu très populaire dans les pays anglo-saxons avec plus de 5000 licenciés ; on compte en Angleterre plus d’une trentaine de tripots, une douzaine aux Etats-Unis et quatre en Australie, dont un sur l’île de Tasmanie ! Des championnats et des tournois y sont régulièrement organisés dans ces trois pays, dont le championnat du monde qui passe régulièrement par le club de la rue Lauriston à Paris ou par le château de Fontainebleau.
Tous les deux ans, le Pays Basque accueille le Tournoi des Trois Tripots, qui se joue dans les trois plus vieux tripots du pays : La Bastide Clairence, Bayonne et Urrugne, et attire des paumiers venus du monde entier.
C’est l’occasion pour les néophytes de connaître et de se familiariser avec ce beau jeu qui allie tactique avec ses règles de chasse - déconcertantes au début - et esprit d’intelligence, d’élégance, d’habileté et de subtilité, et que l’on peut pratiquer à tous ages, car la paume ne nécessite pas l’utilisation d’une grande force physique.
Les clubs de paume de Pau, Biarritz Saint-Martin et La Bastide Clairence accueillent avec plaisir tous ceux et celles qui voudraient s’initier à la pratique de ce sport étonnant et méconnu et découvrir un jeu plein de surprises et de promesses.
Rappelons que le jeu de paume a donné quelques locutions et proverbes qui sont depuis rentrés dans l’usage de la langue française : épater la galerie, rester sur le carreau, frapper la balle au bond, tomber à pic, qui va à la chasse perd sa place, jeux de mains jeux de vilains, etc, qui témoignent de l’extraordinaire popularité que connut la paume dans les siècles passés, et qui ne demande qu’à retrouver une seconde jeunesse.
Michel d’Arcangues
Informations pratiques :
- Jeu de paume Bastida à La Bastide Clairence, tous les jours sur réservation, entraînement du club le dimanche après-midi 15h - 18h (contact : Ghislaine Potentier qui vous accueillera également dans son restaurant « La Table gourmande » place des arceaux, tél : 06.72.29.32.69 ou mail : jeudepaume.bastida@yahoo.com).
- Court de Beaumont à Pau, association « Jeu de paume de Navarre », mercredi de 21h à 23h, samedi de 14h à 17h, dimanche de 9h à midi, possibilité de jouer le dimanche après-midi (contact : Paul Mirat, tél : 06 79 04 81 54 ou Email : paulmirat@yahoo.fr).