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Histoire
La poésie du ciel basque : chasseurs confinés et palombes en chanson
La poésie du ciel basque : chasseurs confinés et palombes en chanson

| Alexandre de La Cerda 752 mots

La poésie du ciel basque : chasseurs confinés et palombes en chanson

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Le Rabatteur avec ses karrotak ©
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Chasse à la palombe : les karrotak du rabatteur ©
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Malgré un pic migratoire des plus importants (1 350 000 palombes en deux jours), l’actualité sanitaire et le reconfinement ont pris le pas sur la fin de la saison de la palombe, ce qui provoque le mécontentement de nos chasseurs obligés de ramener les appelants à la maison ou de fermer leurs installations alors qu’on continue de chasser en Belgique, en Espagne et au Portugal. Certes, des dérogations pour des battues au grand gibier seront bien émises par la préfecture, mais la chasse à la palombe est bel et bien suspendue : ainsi, confinement oblige, les chasseurs ont rangé appeaux et fusils, tout en scrutant encore les mouvements de palombes dans le ciel pyrénéen bien que bon nombre de ces mythiques oiseaux ne franchiront pas la montagne pour trouver refuge dans les réserves du sud des Landes, de l’Armagnac et de l’avant-piémont basco-béarnais. Et si le confinement est levé le 1er décembre, ils pourront reprendre la chasse en hivernage. 

Pour sa part, pendant ce deuxième confinement, le Musée Basque met en exergue la chasse aux palombes en citant Napoléon III qui aurait lancé après avoir chassé aux palombières de Sare le 14 octobre 1868 : « Midi est sonné, un salmis de palombes fera mieux notre affaire… Allons déjeuner ! ».

Au Pays Basque, dans les cols de montagne, la chasse à la palombe est une pratique populaire très ancienne. Elle est attestée aux Aldudes dès l’aube du XVe siècle.
Au début de l’automne, les oiseaux migrateurs se concentrent dans les forêts de Gascogne pour franchir les Pyrénées et se rendre au sud de l’Espagne, puis en Afrique du Nord. Le passage des oiseaux ne se fait jamais à la même date. Il s’étale de la fin septembre à la mi-novembre. L’équipement d’une palombière de montagne nécessite un matériel fixe composé de tours, de cabanes au sol et de huttes ; un matériel mobile comprenant des filets avec leurs supports ; un matériel portatif constitué de paleta (palette), manjureta, corneta ou tturuta (trompe d’appel), et d’un chatar (lambeau d’étoffe blanche attaché à l’extrémité d’un bâton) ; enfin, un matériel accessoire (cages, corbeilles, paniers et, bien sûr, le fusil). Les fonctions sont assignées aux guetteurs, rabatteurs et poste au filet.
Traditionnellement, en fin de journée, le chef de cabane répartit le produit de la chasse en désignant le nom des maisons, chaque etxe se partageant le droit de chasse". 

Dans mon article "Usoak : la fièvre bleue des palombes" ("Lettre" du 23 octobre dernier), je rappelais la technique traditionnelle de chasse aux cols basque : pour échapper à l'attaque de l'épervier, les vols de palombes procédent à une descente en piqué et continuaient leur route en rase-motte pendant un bref instant. L'épervier, moins rapide que la palombe, procède à une attaque par "en-dessous". Présentant son ventre blanc, il s'agrippe à la palombe et se laisse tirer jusqu'à épuisement de cette dernière. Les palettes de bois, peintes en blanc (karroteak) qui ressemblaient ainsi au ventre blanc de l'épervier. sont projetées par les lanceurs (abatariak) en direction des palombes, les obligeant à plonger vers les cols où les attendent les rabatteurs (chataraliak) qui, à leur tour, détournent les vols vers des filets tendus. Les filetiers (sarazainak) dégagent alors rapidement les oiseaux capturés afin de repositionner le filet.

Les palombes en chansons

« Urzo churia, errazu… » Palombe blanche, dîtes, avant de franchir les cols enneigés d’Espagne, votre auberge du soir, dans notre maison vous l’avez ! Cette chanson si populaire au Pays Basque, qui a franchi les mers jusqu’en Amérique et au-delà, se fredonnait d’ailleurs sur un air commun au folklore traditionnel français, en vertu d’un vagabondage musical qui a toujours ignoré les frontières. Mais le folklore basque recèle beaucoup d’autres pièces inspirées par la fièvre bleue qui ont été relevées par le musicologue Charles Bordes ou Jean de Jaurgain dans ses « Légendes poétiques du Pays de Soule. Depuis cette palombe blanche marquée de quelque esprit satyrique qui « a perdu ses plaisirs a Arhansus » (où se trouvait une chasse anciennement), celle au plumage gris et aux pieds jaunes venue de Catalogne qui s’est arrêtée à Pagolle avec ses effets (« Urzo-bat jin izanda »), jusqu’à la pauvre palombe grise de Mus de Sarri, « Urzo lüma gris gachua » : à propos de la mésaventure galante de l’abbé de Sarry (un bâtard de la célèbre maison de Trois-Villes) au XVIIIème siècle, il y est question de « l’Anglais qui entre en France » et du duc Louis de Gramont, vice-roi de Navarre, maire et capitaine-général de Bayonne qui fut tué en 1745 à la bataille de Fontenoy…

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