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Cinéma
La Critique de Jean Louis Requena
La Critique de Jean Louis Requena

| Jean-Louis Requena 581 mots

La Critique de Jean Louis Requena

« Ema » - Film chilien de Pablo Larrain – 102’
C’est le crépuscule. Des feux de signalisation brûlent à l’intersection de chaussées au cœur d’une grande cité. Nous sommes à Valparaiso deuxième ville du Chili et premier port maritime de ce pays. L’incendie a été déclenché par une jeune femme, Ema (Mariana Di Girolamo) qui disparait avec son lance-flammes. Ema est danseuse au sein d’une troupe au répertoire contemporain. Durant une représentation, elle exécute ses pas avec le corps de ballet devant un décor dépouillé où brille en fond de scène, un soleil rouge qui rappelle l’incendie qu’elle a allumé peu de temps auparavant. Ema est mariée avec Gaston (Gaël Garcia Bernal) chorégraphe exigeant, atrabilaire, qui dirige son corps de ballet d’une main ferme.

Ema et Gaston aux caractères trempés, ne s’entendent pas. Des disputes éclatent à tous propos notamment depuis que leur fils adoptif Polo a été rendu à l’orphelinat après qu’il ait commis un grave incident. Cette adoption ratée alimente la rancœur du couple à laquelle s’ajoutent de vives controverses sur le devenir artistique de la troupe : Ema extravertie milite pour des danses de rue comme le « reggaeton », sorte de hip hop d’Amérique du sud, et Gaston promeut une chorégraphie classique/moderne dûment codifiée.

Tout les sépare d’autant qu’Ema mène une existence agitée avec ses copines de la troupe : tournées de bars, sorties en boîtes de nuit, danses (« reggaeton ») dans les rues et places de Valparaiso, amours hétérosexuelles et homosexuelles … Elle a une rage de vivre … Ema ne s’impose aucune limite, elle semble incontrôlable ….

De nouveau avec Ema (102’), son huitième long métrage, Pablo Larrain, nous propose une œuvre déconcertante par sa structure narrative. Il privilégie, comme lors de ses trois précédents films (El Club – 2015, Neruda – 2016, Jackie – 2017), la narration visuelle grâce à ses cadrages soignés, bien éclairés, à ses lents mouvements de caméras (le plus souvent traveling avant, témoignage intrusif quoique discret de la séquence). Les acteurs ne connaissant pas le scénario, jouent les scènes en fonction des seules indications du réalisateur sur le tournage. La méconnaissance de la totalité de l’histoire évite à l’acteur de construire, à priori, un personnage de fiction tel qu’il l’entend quand bien même le réalisateur donne des indications sur le plateau de tournage. Ainsi, Pablo Larrain leur interdit toute zone de confort. Cette manière de procéder est certes perturbante pour un acteur qui ne connait l’histoire (le scénario) que par bribes suivant le découpage des scènes enregistrées au fur et à mesure du tournage. Du coup, chaque interprète s’investit totalement dans son travail périlleux excluant toute mise en scène « classique ».

Ainsi Ema est construit en une série de blocs narratifs, peu dialogués, ou l’image prépondérante (remarquable chef opérateur Sergio Armstrong) est renforcée par la musique originale de Nicolas Jaar. Il faut toutefois reconnaitre que les scènes sont quelquefois déroutantes car bien que chronologiques, elles ne s’emboitement pas, à tout coup, dans un déroulé clair : c’est parfois chaotique, mais inventif, comme souvent chez Pablo Larrain. Les temps forts (dramatiques ou poétiques) prédominent et génèrent des émotions inattendues.

Les acteurs, La chilienne Mariana Di Girolamo (Ema) et le mexicain Gaël Garcia Bernal (Gaston), un habitué du réalisateur chilien (No – 2012, Neruda – 2016) sont entrés dans l’univers cinématographique particulier du réalisateur en créant des personnages forts : elle solaire et lunaire, lui égotiste et conservateur. L’alliance impossible du feu et l’eau.

Ema a été présente à la Mostra de Venise 2019 en sélection officielle et n’a obtenu aucune récompense.

Répondre à () :

Fondeur Thaury marie-yvonne | 18/09/2020 11:58

J espère que ce film va passer sur la côte Basque !

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