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Tradition
Frères du Monde
Frères du Monde

| François-Xavier Esponde 1091 mots

Frères du Monde

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Fraternité Franciscaine Aquitaine ©
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 1 – Les franciscains d’Aquitaine.

Rapporter l’histoire de la revue Frères du Monde éditée à Bordeaux rue de Pessac après 1954 est une prouesse éditoriale sur un passé oublié.

L’ordre franciscain disposait jusqu’à cette époque du bulletin des Missions Franciscaines donnant régulièrement des informations de leurs communautés disséminées hors de France, en Afrique du nord, Maghreb et Makrech, Tunisie, Algérie, Maroc, Israel, et jusqu’au Japon.

Une nette évolution se produisit au sein de la ligne éditoriale du bulletin qui portant notice de la vie autochtone des couvents dans les pays de l’empire français, accédaient progressivement à leur indépendance et modifiaient sensiblement la nature de la relation des congrégations religieuses avec leurs sujets hors de France.

La guerre et la Libération de 45 imprima soudainement un recrutement conventuel dans les grands Ordres religieux, bénédictin, jésuite, franciscain, dominicain avec la venue de jeunes recrues quittant le théâtre des belligérances revenus de camp de prisonniers en Allemagne, ou de la STO apprenant à requalifier leur vie sur le sol français hors des conditions et des confinements imposés par l’Occupant.

Chez les Franciscains pour le cas l’exemple se confirma.

Louis Duclos, Bertrand en religion de Juillan du côté de Tarbes, né au cours de la première guerre mondiale avait rejoint les franciscains après 45 après un périple de jeunesse personnel incroyable.

Issu d’une famille patriote, “la France et l’armée” étaient les deux respirations de ses origines, son autre frère devint général, et dans son réseau familial il était plus conforme de rencontrer des militants - résistants de la guerre, devenus par la suite des militants politiques avoués comme Jacques Duclos, son cousin, chef du parti communiste, que des novices de couvents ou en voie de le devenir un jour.

Louis Duclos est un sujet intelligent.

Né dans une famille modeste selon ses dires, il rejoint Paris pour des études brillantes dans une Ecole Supérieure de commerce puis à Saint Cyr. Promu sous officier, vient ce qui ne lui semblait encore en vue, la guerre effective et la menace allemande sur la France.

Son tempérament actif ne lui laisse du temps pour réfléchir. L’engagement est immédiat.

Mais sur ces questions les avis personnels de chaque soldat divergent sur le sens de cette décision.

Dès ses premières années son patriotisme fervent noue avec certains camarades des rangs de l’armée, mais fait prisonnier il est envoyé en Allemagne comme prisonnier de guerre où il dit avoir connu “l’horreur, la barbarie et la haine dans les camps de la part des geôliers sans aucune dignité dans le traitement de soldats prisonniers.”

Plusieurs tentatives d’évasion ne sont suivies de fait jusqu’à celle du côté russe qui lui permet de rejoindre les armées orientales farouchement engagées contre les SS et la compagnie Charlemagne particulièrement féroce et inhumaine dans ses méthodes.

Il participera comme soldat enrôlé sous la bannière russe à “la purge et aux meurtres imposés par la hiérarchie de ces soldats allemands SS éliminés comme des lapins en série, dira-t-il.”

Le spectacle de l’Occupation de Berlin et des villes dévastées du pays vaincu lui inflige un traumatisme profond.

Il croyait en la patrie et aux vertus guerrières, il adoptera celle de la paix et de la vie conventuelle par la suite, contre l’avis de son père toujours farouchement hostile à son projet.

Après une visite à l’abbaye de Cîteaux, auprès d’un bénédictin, il choisit Toulouse, le couvent franciscain, puis Pau le noviciat des jeunes recrues pour s’engager dans une autre vie que la précédente.

2 – Les Missions franciscaines et Frères du Monde

Le premier Bulletin des Missions Franciscaines connaitra une inflexion indéniable après guerre avec la revue Frères du Monde au sein de laquelle on retrouve, un dominicain non des moindres, Jean Cardonnel de Montpellier, les pères Panhard Levassor, de bordeaux, jacques Bonnaud, benoit Lay, hervé Chaigne frère de l’amiral Chaigne, Laboirie Barthélémy, jean Paul Barué, franciscains de Bordeaux...

Un parterre varié de personnalités qui trouvent à travers la revue la fibre sociale d’un engagement politique inédit ou pour le cas inattendu dans l’édition classique des missions franciscaines d’antan.

* Un échange de courrier entre Barthélémy Laboirie et le journal le Monde en date du 6 août 1968 montre la nature des débats vifs qui se déroulent au sein de la maison éditoriale du couvent, et des communautés extérieures acquises pour certaines à ces discussions sociétales.

Il fut manifesté la réaction de lecteurs contrariés par un billet portant sur “Les débats de mai 68 et les élections de juin”, où d’intentions déclarées, on laisse possible le vote en faveur du Parti communiste, de la part de ces religieux et de leurs proches au sortir des manifestations toujours en cours de cette année tumultueuse.

Les franciscains n’y sont directement impliqués, et voudraient éviter de servir de caution, sans cependant renier leur quelconque sympathie pour les affiliés de ce choix.”

Telle est donc l’impression personnelle de chacun qui n’est un engagement collectif des franciscains dans cette projection.

Olivier Maillard, franciscain dirigeant la revue qu’il quitta pour rejoindre l’Académie de Clermont Ferrand et poursuivre une carrière administrative, jean Bonneville n’avaient pas souscrit à cette tribune mais autorisé la parution de son contenu.

Chacun prenant parti assumait le risque comme citoyen libre de s’exprimer devant son public selon les critères politiques adoptés, laissés à l’appréciation de chacun.

Le fait d’arme médiatique ne fut cependant le dernier du genre.

Jean Cardonnel de retour de Chine sur les pas de Mao Tse Toung dirigeant chinois porté au pinacle de la démocratie et de l’avenir radieux de l’Empire du Milieu, fit l’objet d’un numéro spécial de Frères du Monde, sur le Maoïsme comme un horizon de l’humanité commune ?

La réaction fut vive, et le dominicain connut l’épreuve du feu éditorial, des intellectuels hostiles pour les uns, favorables des autres situés sur l’échiquier politique de la gauche française, que Jean Louis Schlegel rédacteur de la revue Esprit, dans un livre célèbre qualifia “A la gauche du Christ”, lui même ancien jésuite parfaitement au fait de la nature des débats en cours pour un engagement politique des chrétiens, ces années agitées de la vie sociale française.

Frères du Monde, Echanges et Dialogues, d’autres Bulletins de cette époque, Franciscains et Socialisme, Marxisme et Evangélisation entretenaient cette braise fumante de la vie intellectuelle de ce temps, de mai 68 et suivant, en recherche de sens et d’espérance.

Frères du Monde tira jusqu’à 6.000 exemplaires sur papier jusqu’en 1973 où la revue disparaît. Et le temps de l'après guerre fourmilla de projections intellectuelles bannies ou interdites pendant l'Occupation.


 

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