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Patrimoine
Cadrans solaires en Pays Basque et Béarn
Cadrans solaires en Pays Basque et Béarn

| François-Xavier Esponde 1492 mots

Cadrans solaires en Pays Basque et Béarn

Comme pour donner plus de poids à ces heures sonnées depuis les antiques clochers des églises basques, dont le regretté Pierre Espil trouvait qu’elles « laissent tomber le passé, pierre à pierre, date à date dans l’oublieuse mémoire des hommes », ce sont les cadrans solaires de notre région qui ont inspiré la présente étude de François-Xavier Esponde :

1 – En Pays Basque

On recense de nombreux cadrans solaires dans notre région : pas moins de 28 villages en Pays Basque, 16 de plus en Béarn, et de toute évidence davantage peut-être.
En surface verticale pour la plupart, sur les églises ou des domiciles privés, parfois à l’horizontale à même le sol, mais peu nombreux.
Le déroulé du temps qui passe n’a cessé de fasciner une population privée pendant des siècles d’horloges familiales et tournée vers ces cadrans solaires sis sur des façades d’églises et en des maisons patrimoniales parmi les plus anciennes sur nos terres.

Ainhoa porte la date de 1725 en son église avec cette devise : « egunak goaizi »... ne t’enfuis pas, arrête-toi ici !
Anglet dispose de plusieurs cadrans datés comme en 1996, « hemen eta orai », ici et maintenant, du côté de Chiberta, Chiberta toujours avec la légende Pax, puis encore après les ténèbres, j’espère retrouver la lumière, sur un autre cadran.

- à Arcangues, le soleil brille pour tous autour de la mémoire de Luis Mariano pour qui des maquettes imagées à son effigie et des cadres furent composés pour sa sépulture mais n’ont à ce jour pas trouvé ce site.
- à Ascain, chez le propriétaire d’une maison privée, on trouve « nausi enea », ma propriété.

A Bayonne, les cadrans sont nombreux :
- sur la place Pasteur, site de l’ancien pilori, sur la façade de la cathédrale, tourné vers le lever de lumière, on remarque la date de 1587, sur une sculpture endommagée par le temps ou des mains moins inspirées.
- le Musée basque possède aussi son cadran et souligne le bénéfice de l’ombre à l’heure solaire 

Biarritz propose la variété des cadrans solaires disséminés dans la cité :
- du cadran analemmatique - comprenez sur le sol, au pied du phare - avec cette citation en gascon : « bon tems passo, passo bon ben », le temps passe, passe le bien !
- Plusieurs villas disposent de cadrans privés dont cette séquence originale : « sol solus, soles solari ! », O soleil toi qui seul sais consoler sans cesse !
- Et plus explicite, en basque, « orhoit hiltzia », souviens toi de la mort, ou encore plus prosaïque, chaque minute du temps marque un souvenir heureux.
Des cadrans factices sont parfois ajoutés sur les façades de maisons habitées.

- A Bidache, le cadran porte la date imprimée dans la pierre de 1790 sans autre ajout de texte.
- A Bidarray, « orhoit hiltzea » daté de 1741.
- A Bidart et Biriatou, un coq souverain trône sur le cadran dans ses couleurs royales et dorées.

A Cambo, Arnaga, « je ne mesure que les beaux jours », dit la légende sans doute inspirée par Edmond Rostand ?
A l’église, le propos est plus explicite : incertain le temps pour tous, la dernière heure pour beaucoup ! (extrait d’une lettre adressée par Alain Fournier à Charles Péguy  en 1913.)
Cambo dispose encore d’un cadran dans une maison de maître ancienne, avec la mention gravée en 1450.

A Ciboure, dans une maison privée, le cadran rappelle également « je ne marque que les beaux jours ».

Parmi d’autres cadrans fantaisistes ajoutés en plusieurs endroits, l’église Saint-Vincent à Hendaye porte depuis 1679 sur sa façade ce rapport au temps de l’édifice.
A Hendaye toujours, la légende « A ma jolie », ou « ma jolie demeure », donne lieu à interprétation sur le sens de cette citation.

Iholdy dispose d’un cadran fantaisiste, Labonce, « ab ultima cave », garde toi de la dernière heure, de facture récente (1897), qui semble ajoutée récemment, sur un cadran défraîchi ou raturé par l’histoire du passé sur cette abbaye des Prémontrés soumise aux avanies du passé.

Le culte aux cadrans n’ayant pas toujours eu la faveur des fidèles, pour certains objets de cultes profanes au temps, et à des superstitions ?
- Louhossoa dispose d’un trésor patrimonial sur une pierre gravée de toute beauté.

- A Mendionde/Lekorne, le cadran plaqué sur la façade sud de l’église Saint Cyprien du XVème siècle, la sentence est grave, souviens toi de la mort : « hiltzeaz orhoit ! »
- Mouguerre n’est pas en reste, « signat et monet », il signale et avertit !
- Ossès conserve une séquence poétique singulière, denek dute kolpatzen, azkenak dugu hiltzen !
A Ossès toujours, « orhoit hiltcia », pense à ton heure dernière et tu ne pécheras pas, sur le fronton de la maison Etcheberria, ancienne maison de maître du village !

Saint-Jean-de-Luz invite par la séquence « carpe diem » à profiter de chaque jour de la vie.
En un autre cadran, toutes les heures blessent, la dernière tue que l’on trouve en d’autres églises encore dans la région.

- A Saint-Jean-Pied-de-Port, on peut trouver « A toute heure pour les amis » !
- Saint-Palais disposant de plusieurs cadrans fantaisistes, décoratifs, celui de Saint-Pée-sur-Nivelle est majestueux (1738), une œuvre d’art patrimoniale.
- A Sare, le retour dans les temps anciens renvoie à 1717 : « oren guziek dute gizona kolpatzen, askenak du hobirat heltzen », toutes les heures blessent, la dernière conduit à la sépulture. Sans ambiguïté !

- Urrugne dispose encore d’un cadran somptueux. Un poème composé par Théophile Gautier en fait sa notoriété. A Garris, la maison du pèlerin de Saint-Jacques, maison privée, porte l’empreinte de 1718 sur son cadran.
- A Urt, le latin rapporte : « lumine signo », je renseigne par la lumière.

Ainsi va le temps qui s’écoule dans ces édifices patrimoniaux du Pays Basque. Chacun égrène sa philosophie de la vie, profane, religieuse, méditative.
La pierre conserve la mémoire du temps passé pour une postérité perpétuelle. Du moins le croit-on ?

2 – Le Béarn des cadrans solaires.

Moins nombreux, ont-ils été sacrifiés au fil du temps ?
- à Angais « ecce unicum, sine sentencia solarium », dit la légende, avec une originalité de deux cadrans perpendiculaires pour l’après-midi sur une maison d’habitation.
-  Arzacq-Arraziguet, on trouve un cadran de série.
-  Assat, le béarnais déclame que « trop mespia, e’s perd lo temp », qui trop me regarde perd son temps ! Un autre cadran de série existe encore dans le village.
- à Baigts-de-Béarn, on retrouve un cadran sur l’église communale.
- à Bizanos, sur une maison d’habitation, on note des esquisses de cadrans déclinants sur un jeu d’éventails sans horaire ni numérotation.

Une singularité en un autre lieu, une croix sur un cadran de série ou encore un soleil radiant.
- à Bordes, « carpe diem » invite à profiter du jour.
- à Buros, le cadran ne porte de style particulier.
- à Gan, le cadran mentionne la légende « amicis qualibet hora », comprenez : pour les amis, n’importe quelle heure !
- à Gelos, un cadran fut réalisé en 2009 : « Mortel sais-tu à quoi je sers à marquer les heures que tu perds » !
- à Idron et Meillon, les cadrans sont de facture fantaisiste...
- à Morlaas, un cadran de série est fixé sur l’église.
- à Nay, sur le mur de la mairie, mention est faite de ce message : « je marque le temps vrai, l’horloge le temps moyen » ?
- à Orthez encore, la singularité d’une méridienne à canon, propriété d’un particulier au XIXème siècle.

A Pau, le cadran  d’un particulier cite la légende : « le soleil brille pour tous ».
Et d’autres encore avec pour l’un d’entre eux, « semper amicia hora », c’est toujours l’heure pour les amis, ainsi que plusieurs autres cadrans de série.
A Pomps enfin, un autre cadran du même type.

3 – Questions en attente de réponse ?

Le résumé schématique de ces cadrans disséminés dans le paysage basque semble cantonné pour la plupart en Labourd et Basse Navarre ? Pour quelles raisons la Soule ne mentionne-t-elle pas de tels mémoriels au soleil.
Leur visage et profil semblent différents les uns comparés aux autres, par la pierre, la nature de l’édifice adopté et pour la plupart, sis en des églises, pour quelles raisons ?
Les querelles religieuses catholique et protestante eurent-elles quelque incidence sur “ce mobilier solaire” existant ?
Datée depuis le début du XVIIIème siècle, ou plus anciennes et disparues par l’usure du temps, elles semblent avoir connu l’oubli avec l’érection de clochers dotés d’horloges, par la modernité qui les a abandonnés au bénéfice de cadrans mécaniques...

Actuellement, on semble les vouloir les redécouvrir, non pour leur usage utilitaire mais par amour patrimonial de l’ancien, du témoignage, et contre l’oubli !
Leur facture datée a-t-elle perdu de l’intérêt, ou verra-t-on à  l’heure d’une quête “d’authenticité“ contemporaine, de nouveaux adeptes du temps solaire, renouer avec ce compteur visuel qui plastronne sur les murs d’édifices publics pour la plupart, devenus décoratifs et peu parlants pour les visiteurs ? 
Le commentaire de cette note pourrait sans doute vouloir répondre sciemment à ces interrogations !

Photo de couverture : Horloge solaire : Villa Arnaga à Cambo (Musée Edmond Rostand)

Répondre à () :

Pouyet | 05/11/2021 12:12

Sare: "oren guziek etc." ce n'est pas la devise liée au cadran solaire mais au cadran horaire (horloge) du clocher

Hervé Chalumeau | 06/11/2021 13:34

La poésie de Théophile Gauthier ne célèbre pas un cadran solaire, mais bien l'horloge du clocher de l'église, qui porte la devise latine très courante; "Vulnerant omnes, ultima necat" (toutes (les heures) blessent, la dernière tue), une réflexion semblable à celle, basque, que porte le clocher de Sare

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