0
Patrimoine
Bayonne : ces poteries qui racontent le Pays Basque..
Bayonne : ces poteries qui racontent le Pays Basque..

| Yves Ugalde 871 mots

Bayonne : ces poteries qui racontent le Pays Basque..

zzPatrimoine2 2. Poterie Suzanne et Max Fischer Robert Brandhof ©Musée Basque.jpg
Suzanne et Max Fischer avec Robert Brandhof ©Musée Basque ©
zzPatrimoine2 2. Poterie Suzanne et Max Fischer Robert Brandhof ©Musée Basque.jpg

Vernissage modèle réduit (pour cause sanitaire) vendredi dernier au Musée Basque, pour l'exposition "Poterie d'art de Ciboure 1919-1995". Les contraintes de flux, les groupes restreints de visiteurs, l'absence de buffet par respect des gestes-barrières... Je reconnais que je me suis dirigé vers l'événement avec un rien de contrariété au coeur.

C'était sans compter sur l'esprit d'à-propos de la conservatrice en chef Sabine Cazenave qui, au-delà d'une convocation inédite de 500 pièces qui ne s'étaient jamais rencontrées de leur vie et qui ont le mérite de couvrir toutes les grandes périodes d'inspiration de la Poterie de Ciboure (Grèce antique, Art-déco, Néobasque, Régionalisme), avait invité trois personnes ressources. A elles seules, elles ont conféré à la soirée une charge émotionnelle extraordinaire.

Je m'étais bien trompé. Les contraintes sanitaires, mais trop souvent castratrices, n'ont rien pu faire contre cette présence humaine qui incarnait la grande saga de cette Poterie d'art attachée à une histoire familiale et d'amitié, fondée sur l'obsédant devoir de transmission pendant 75 ans.

En tête du cortège des visiteurs de cette expo digne d'une caverne d'un Ali Baba qui aurait appris l'art du rangement, un couple debout, fusionnel et discret. Max et Carmen Fischer, octogénaires bon teint, furent les derniers propriétaires et guides de la Poterie. Lui, le potier, elle, la décoratrice ; tous deux héritiers de trois pionniers de grand renom du régionalisme : Floutier, Lucat et Villotte.

Pendant la visite inaugurale, Max et Carmen se taisent et écoutent les propos de la conservatrice en acquiesçant discrètement. Ils semblent même en apprendre sur certaines périodes de la maison cibourienne des bords de Nivelle. Certaines pièces arrêtent leur regard. Sans les avoir oubliées, il les avaient sans doute un peu négligées sur les étagères innombrables de leur production désormais universelle et à la cote montante depuis qu'un certain Karl Lagerfeld en avait fait la razzia.

Qui, chez les autochtones, un tantinet esthètes de surcroît, n'a pas le souvenir de la lumière mordorée d'un de ces grès cibouriens orné d'une ribambelle de fandangos ou de pêcheurs tendant leurs filets, sur le rebord d'une cheminée ou par l'entremise d'une amphore porte-parapluie dans l'entrée d'une de nos belles demeures de la Côte Basque ?

Bien malgré eux ou pas, Max et Carmen ont façonné de leurs mains et esprits, un pan entier du bel art populaire du Pays Basque, avant que le tourisme de masse ne vienne imposer un chic à trois balles et mondialisé, provoquant la ringardisation de tout façonnage régional.

Les visages sereins et confiants dans une réhabilitation en marche, de Max et Carmen faisaient plaisir à voir en tous cas. Leurs beaux sourires complices et bienveillants l'un pour l'autre, aussi. Mais c'est le troisième homme qui a fait basculer le bon moment en instant d'histoire. Son nom : Robert Brandhof. Il est néerlandais et artiste-peintre. Un grand échalas aux yeux clairs et aux cheveux gris, très syncrétique des gens de son pays. Si loin de nos poteries, et pourtant si proche de Max et Carmen qu'il va visiter dans leur atelier de Ciboure en 1992.

Son trait est hyper contemporain mais l'âme du lieu, de ce couple et de ces poteries qui racontent le Pays Basque comme Pierre Loti l'a si bien écrit, le touche profondément. Il deviendra l'ami des Fischer, créera de belles céramiques qu'il a voulu voir sortir des fours cibouriens et de nulle part ailleurs.

La fin d'un cycle est palpable et Brandhof souffre intérieurement avec les Fischer. Il écrira même de très belles lignes sur le dernier enfournement cibourien, le 10 décembre 1996. Plus qu'un geste artisanal, un codicille...

Brandhof vient de loin en ce vendredi soir. Il se dirige vers le vieux couple et l'embrasse longuement. A l'heure des discours l'homme de la modernité de l'art regarde Max et Carmen, eux entrés dans l'histoire de la création vernaculaire du Pays Basque. Ses yeux s'embrument comme le ciel de son pays quand les moulins ont froid. Et sa voix se brise comme une poterie hiératique chutant de son socle. Tout est dit. Les Poteries de Ciboure n'ont pas fini de nous parler du pays, pour peu qu'on y tende l'oreille à la façon des coquillages de mer…

La Poterie d’Art de Ciboure / Ziburuko Arte Eltzegintza, 1919-1995

Le musée est ouvert toute l'année, du mardi au dimanche de 10h à 18h (fermé les lundis et jours fériés sauf le 15 août) ​Tarifs :  8 € en période d'exposition temporaire (réduit : 5 € / gratuit - 26 ans, et pour tous, le 1er dimanche de chaque mois).

Cet été ! Uda hontan ! Autour de l’exposition / Erakusketaren kari :
Visite-conférence avec un commissaire de l’exposition : jeudi 13 août à 18h (gratuit sur inscription au tél. 05 59 59 08 98).
Conférences du jeudi :
- Jeudi 27 août à 18h : l’histoire et les styles de la poterie de Ciboure par Séverine Berger, conservateur du Musée de l'Annonciade.
- Jeudi 10 septembre à 18h : l’Antiquité revisitée dans les céramiques de Pierre Duboy à Hagetmau par Yves Badetz, conservateur général au Mobilier National.
- Jeudi 29 octobre à 18h : Table ronde en présence de Carmen et Max Fischer, les derniers propriétaires de la Poterie de Ciboure.
(gratuit sur inscription au tél. 05 59 59 08 98, jauge limitée à 25 pers).

Tout le programme et l’agenda sur  www.musee-basque.com

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription