A propos de Jose Antonio Aguirre et de Guernica
Le bombardement de Guernica avait été analysé dès 1938, de manière quasi-prophétique, par Jose Antonio Aguirre qui avait auparavant inauguré sous le chêne de Guernica la prestation de serment de ses successeurs, les présidents de gouvernement basque de l’actuel statut d’autonomie.
Dans « Le problème basque » qu’il avait édité en mai 1938 chez Grasset sous le pseudonyme du Dr Azpilikoeta, Aguirre écrivait : « Il n’est pas nécessaire de s’étendre en considérations pour démontrer que le problème a dépassé les limites de la Péninsule pour se convertir en problème international. Les appétits de l’Allemagne et de l’Italie y jouent un rôle important, et ceci en vue d’une guerre future »
Les avatars « basques » du « Guernica »
Le gouvernement républicain avait commandé à Picasso une grande toile pour le pavillon espagnol de l'Exposition Internationale de Paris, en 1937. L'artiste travaillait déjà depuis quelque temps sur des gravures représentant « les songes et les mensonges de Franco », il s'en inspirera lorsque le bombardement de Gernika, cristallisant ses idées, lui fit réaliser sa célèbre peinture. Selon les universitaires Fernando Martin et Joseba Zulaika (dans « Guggenheim Bilbao. Cronica de una seduccion »), une première approche de l'artiste avait été effectuée par le peintre José Maria Ucelay, commissaire basque de l’exposition, qui aurait cependant préféré une œuvre d’Aurelio Arteta pour représenter Euskadi.
Toujours est-il que c’est Picasso qui eut les faveurs du gouvernement républicain de Madrid, décisionnaire en la matière.
Sa peinture réalisée, Picasso la montra d'abord par courtoisie au ministre de la justice, Manuel de Irujo, d'origine basque, qui lui déclara sans ambages, « qu'elle lui procurait la rage au cœur », ce qui était bien la volonté affirmée de l'auteur ! Plus tard, sur l'initiative du député basque Jauregui et en souvenir des victimes de Guernica, Picasso (resté unique propriétaire de l'oeuvre tout en ayant touché 150.000 F pour sa réalisation) songea à l’offrir au gouvernement basque en exil, pour peu que le président Aguirre lui en fît la demande.
« Pourquoi donc aurais-je besoin de cette satanée croûte ? » aurait répondu le Lehendakari (la phrase exacte aurait été « Para que quiero yo esa birria de cuadro ? », ce qui correspondrait à « pourquoi voudrais-je cette cochonnerie de tableau ? »).
Il semble, par ailleurs, que contrairement à beaucoup d’affirmations, Max Aub, attaché culturel à ambassade d'Espagne, sous-commissaire du Pavillon espagnol à l'Expo de 37 et commanditaire de la fresque avait attribué à Picasso 150.000 F pour les frais de réalisations sous la condition précise que « quand l'exposition serait terminée, l'artiste resterait l'unique et absolu propriétaire de la peinture, et qu'il pourrait en faire ce que bon lui semblait. Le gouvernement espagnol, du passé, du présent ou de l'avenir, n'a rien à faire avec Guernica ». (lettre de Max Aub du 23 janvier 1970 citée par Herbert Southworth dans « La destruction de Guernica », Ruedo Iberico 1975 - page 362).
ALC