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Décivilisation & barbarie
Le portrait de Lord Balfour par le célèbre peintre László vandalisé  à l’université de Cambridge
Le portrait de Lord Balfour par le célèbre peintre László vandalisé  à l’université de Cambridge

| Baskulture / Alexandre de La Cerda 1062 mots

Le portrait de Lord Balfour par le célèbre peintre László vandalisé à l’université de Cambridge

Après la Joconde de Vinci, Van Gogh et Monet / voyez mon article de la semaine dernière :
https://baskulture.com/article/aski-mozart-vinci-monet-van-gogh-arrtez-de-vandaliser-notre-culture-et-notre-patrimoine-6874
c’est au tour d’un portrait de Lord Arthur Balfour, ancien secrétaire d’Etat britannique aux Affaires étrangères d’être aspergé de peinture rouge puis lacéré au cutter par une activiste du groupe Palestine Action vendredi 8 mars dernier au Trinity College de l'Université de Cambridge.

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Balfour lacéré par les vandales de l'Art ©
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L'université a publié un communiqué affirmant qu'elle « regrettait les dommages causés au portrait d'Arthur James Balfour pendant les heures d'ouverture au public. La police a été informée. Un soutien est disponible pour tout membre de la communauté collégiale concerné ». Mais selon la BBC, « personne n'avait été arrêté en lien avec ces attaques ».

Or déjà en novembre 2022, toujours au Royaume-Uni, deux militants de Palestine Action avaient dégradé une statue de Balfour à la Chambre des communes en la badigeonnant de ketchup ; ces vandales avaient ensuite été acquittés par un jury de la Crown Court de Southwark, en guise d'invitation à recommencer.

Et en octobre des activistes avaient recouvert de peinture rouge la façade du siège de la BBC à Londres, puis en janvier, six membres du groupe avaient été arrêtés, soupçonnés d’avoir voulu perturber la Bourse de Londres (ah, là, on peut annihiler l’art et la culture, mais les affaires restent les affaires !).

Il est vrai que Lord Arthur James Balfour fut d'abord adjoint de Lord Salisbury, alors ministre des Affaires étrangères ayant orchestré en juillet 1878 le congrès de Berlin qui avait déjà privilégié les intérêts des juifs de Palestine auxquels devaient être accordés des droits civils et religieux par l'Empire ottoman, au préjudice des États chrétiens des Balkans maltraités par les musulmans turcs et dont l'indépendance immédiate était remplacée par leur affranchissement progressif sous certaines conditions... 
Alors que précisément, la victoire des Russes sur les Ottomans les avaient contraints d'accepter en mars 1878 les conditions du traité de San Stefano qui prévoyait l'indépendance des États chrétiens des Balkans…

(Je suis d’autant plus sensible à cet épisode historique que mon arrière-grand-père paternel, Alexandre de Roberty de La Cerda, jeune colonel dans l’armée impériale russe, avait participé à cette époque à la libération du joug islamique ottoman de la capitale bulgare).

Et si Lord Balfour soutint en 1905 une loi sur les étrangers visant en particulier les juifs émigrés d'Europe de l'Est, sa « déclaration Balfour », datant du 2 novembre 1917, est considérée comme un jalon important ayant favorisé la création d’Israël en 1948. Cette « déclaration Balfour », adressée à Lord Walter Rothschild, éminent sioniste britannique, demandait également à ce que « rien ne soit fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des communautés non juives en Palestine, ou aux droits et au statut politique dont les juifs jouissent dans tout autre pays ».
Signalons encore pour l'anecdote, qu'avant d'être nommé au ministère des Affaires étrangères et publier en novembre 1917 sa fameuse lettre d'intention, devenue célèbre sous le nom de déclaration Balfour, il était entré en 1915, en tant que premier lord de l'Amirauté, dans le premier cabinet de coalition dirigé par le Premier ministre Herbert Henry Asquith, lequel avait dû se déplacer à Biarritz, à l'Hôtel du Palais où résidait alors le roi Edouard VII, lors de sa nomination officielle par le souverain le 7 avril 1908 (une plaque le commémore dans le hall du palace biarrot.

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Aldous Huxley ©
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En 1912, Lord Balfour avait encore assuré le discours d'ouverture du premier congrès international d'eugénisme qui se tient à Londres. Il s'agissait de « l’ensemble des méthodes et pratiques visant à sélectionner le patrimoine génétique des générations futures d'une population en fonction d'un cadre de sélection prédéfini », une préfiguration du « Brave new world » (Le Meilleur des mondes) rédigé en 1932 par son compatriote Aldous Huxley, un roman surprenant d'actualité car il abordait déjà le clonage des humains, la taylorisation, et l'aseptisation de notre société au profit d'un politiquement et socialement correct. Jusqu'au 14 juillet 1933, quand le régime nazi adopta une loi visant à éradiquer les maladies héréditaires par l'euthanasie d'enfants handicapés.

Toutes perversions, dont on ne peut certes accuser Lord Balfour, et qui ne méritent absolument pas le vandalisme exercé contre son superbe portrait réalisé par Philip László, dont l'atelier fut hébergé pendant l'entre-deux-guerres par le duc (Antoine XII Agénor) Armand de Gramont.

László, peintre attitré de la famille de Gramont

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Philip László, autoportrait ©
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En dehors de ceux de son ami et protecteur, de son épouse Elaine Greffulhe et de leur fils, le jeune Antoine de Gramont, en tenue de chasse (futur Antoine XIII), également celui d'Elisabeth de Caraman-Chimay (la mère d'Elaine Greffulhe), le célèbre artiste hongrois (d'origine israélite) peignit plusieurs portraits de cette famille, si célèbre dans notre région, car issue des anciens princes de Bidache et maires de Bayonne.

En particulier ceux d'Antoine XI - Agénor qui avait commandé en 1902 à László deux très grands portraits de famille « à l’anglaise » : le premier tableau regroupait le duc de Gramont avec sa fille Elisabeth, alors marquise de Clermont-Tonnerre, issue de son premier mariage avec Isabelle de Beauvau-Craon, et son fils cadet Louis-René, comte de Gramont, alors que le second mettait en scène de la même manière la duchesse de Gramont avec sa fille Corisande (1880-1932), alors marquise de Noailles, et son fils aîné Armand, alors duc de Guiche.

Précisément, devenu duc de Gramont à la mort de son père, (Antoine XII Agénor) Armand décida de faire découper par László ces deux peintures en une série de six portraits individuels que l’artiste dut compléter à contrecœur !

La plupart de ces œuvres, et beaucoup d'autres, sont regroupées au sein d'une « Collection Gramont » dont la garde, à la suite d’un protocole d’accord signé en 1962 avec Bayonne, fut transférée à la ville qui en devint dépositaire, à la suite d'une décision de la famille de Gramont. Il est à espérer qu'au moins une partie de ces chefs-d'œuvre puisse enfin être exposée à la réouverture du Musée Bonnat l'année prochaine.

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(Antoine XII Agénor) Armand de Gramont par László ©
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Voyez l'article d'Anne de La Cerda du 7 décembre 2019 : https://www.baskulture.com/article/la-superbe-collection-gramont-sera-t-elle-enfin-installe-au-chteau-neuf-2710

Parti pour le Royaume-Uni rejoindre celle qui deviendra son épouse, László sera très vite considéré comme le digne successeur des grands portraitistes anglais : Sir Thomas Lawrence, Romney, Thomas Gainsborough…. 

Toutes l’aristocratie anglaise et  de nombreux membres de la famille royale britannique voudront être peints par l'artiste, d'un rare talent - même pour représenter les enfants - il s'éteindra en 1937 à Hampstead (Londres).

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Antoine XIII en 1928 par László.jpg ©
Antoine XIII en 1928 par László.jpg

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