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Cinéma
Reality (82’) - Film américain de Tina Satter
Reality (82’) - Film américain de Tina Satter

| Jean-Louis Requena 722 mots

Reality (82’) - Film américain de Tina Satter

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"Reality" de Tina Satter ©
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Reality, le premier long métrage de la réalisatrice Tina Satter est tiré d’une histoire vraie. Le 9 mai 2017 Reality Winner (Sydney Sweeney) 25 ans, regarde à la télévision américaine en direct, le limogeage de James Comey alors patron du F.B.I (Fédéral Bureau of Investigation) par l’administration Trump. Il est accusé d’avoir préconisé la fermeture de l’enquête sur les mails de la candidate démocrate à l’élection présidentielle, Hillary Clinton, et d’autre part, d’enquêter sur les liens, éventuels, entre l’équipe de campagne de Donald Trump et la Russie. Après son limogeage, le 8 juin 2017, James Comey déclare devant la Commission judiciaire du Sénat avoir fait l’objet d’une : « tentative de déstabiliser l’enquête du F.B.I sur une possible collusion entre l’entourage du candidat républicain à la présidentielle de 2016 et la Russie ».

Reality Winner est une jeune femme brillante : elle est vétérane (officier) dans l’US Air Force (2010/2016). Puis elle travaille comme linguiste cryptologue ou elle traduit couramment le farsi (persan), le dari dialecte parlé en Afghanistan ainsi que le pachto. Elle est sportive, professeur de yoga, amoureuse des animaux et des voyages. De surcroît, Reality est très impliquée sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, etc.). Au regard de ses compétences particulières, elle a été embauchée par l’entreprise Pluribus International Corporation, une entreprise sous-traitante de la National Security Agency (N.S.A) puissante agence de renseignement américaine. Elle est affectée sur la base militaire d’Augusta dans l’état de Géorgie.

Reality Winner ne cache pas ses sentiments anti-Trump, nouvellement élu, à la surprise générale (grâce aux grands électeurs), et devenu le 45ème Président des États-Unis (janvier 2017). Elle n’hésite pas à le qualifier de « merde », de « fasciste orange » sur les réseaux sociaux. Au vu de son niveau d’accréditation sécuritaire elle a accès à des documents classés top secret.

Le 3 juin 2017, deux hommes, un blanc et un noir, l’apostrophent devant sa maison alors qu’elle promène son chien. Après quelques échanges sans intérêt sur le beau temps, la chaleur, la gent canine, les deux individus se présentent : Garrick (Josh Hamilton) et Taylor (Marchant Davis), tous deux agents du F.B.I. 
De grosses voitures noires aux vitres fumées, arrivent de toute part et se rangent dans la rue. Rapidement une escouade d’agents du F.B.I cerne la maison de Reality. Cette dernière paraît interloquée par ce déploiement d’agents de sécurité.

Un long interrogatoire, de plus en plus incisif, mené alternativement par le duo Garrick et Taylor, s’est instauré aux abords de la maison de Reality puis à l’intérieur durant la minutieuse perquisition des agents du F.B.I. Dans un premier temps Reality paraît perplexe, désorientée, déstabilisée sous le flot continu des questions ....

En 2019, Tina Satter a tiré une pièce de théâtre, Is This Room à partir des verbatim de l’interrogatoire de Reality par les deux agents du F.B.I, Garrick et Taylor. La pièce a eu un grand succès à New-York. En 2023, Tina Satter l’a adaptée au cinéma en tenant compte de la spécificité du langage cinématographique peu concomitant avec celui du théâtre. 
Reality, premier opus de la réalisatrice, intègre tout un dispositif narratif qui est le contraire du théâtre filmé : plans de coupe sur les images « Facebook » et « Instagram » ; inserts de bribes de dialogues réels sous forme de graphiques animés ; captations d’écran de télévision à l’heures de journaux télévisés, etc. Ce film court (82 minutes) est parcouru, après un temps d’exposition au ton surréel (dévoilement de l’identité des deux agents du F.B.I) d’une forte tension jusqu'à son terme dans un huis clos étouffant.

Tina Satter et son décorateur Tommy Love ont exploité, à merveille, la banalité de la maison de Reality tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. La tension est d’autant plus palpable que la conclusion de cet interrogatoire précis et pervers (les agents en savent plus qu’ils n’en laissent paraitre en banalisant leurs échanges avec Reality) soumet la jeune femme, au parcours brillant, à des émotions contradictoires, feignant de ne pas comprendre ce que les investigateurs fédéraux lui reprochent.

Sydney Sweeney (Reality Winner) nous offre une prestation époustouflante de son personnage (25 ans) à la fois, tour à tour, forte et fragile en ajoutant à son texte (réel : verbatim !) un langage corporel d’une grande complexité (accords/dissonances entre le parler et le corporel).

Reality est une performance cinématographique qui mérite le détour tant sa forme inédite génère des réflexions et interrogations au spectateur. Une œuvre salutaire pour tout démocrate !

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