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Cinéma
Priscilla (113’) - Film américain de Sofia Coppola
Priscilla (113’) - Film américain de Sofia Coppola

| Jean-Louis Requena 1255 mots

Priscilla (113’) - Film américain de Sofia Coppola

Festival du film de Venise Sofia Coppola Priscilla Presley, Cailee Spaeny et Jacob Elordi.jpg
Festival du film de Venise Sofia Coppola Priscilla Presley, Cailee Spaeny et Jacob Elordi ©
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Priscilla de Sofia Coppola ©
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Elvis Presley est un chanteur et acteur américain, né en 1935 à Tupelo (Etat du Mississippi), mort en 1977 à Memphis (Etat du Tennessee). Il était surnommé « The King of Rock and Roll » (Le Roi du Rock and Roll) ou bien, plus simplement, The King (Le Roi). Son immense succès est d’abord national, puis international, dans un style musical syncopé alors naissant. Ainsi, il devient une des icônes culturelles majeures du XXème siècle. Il y a eu un avant et un après Elvis.

Elvis Presley commence tôt une carrière musicale amateur (chorales, solo) dans le sud des Etats-Unis. En 1953, à 18 ans, il enregistre son premier 45 tours amateur chez Sun Studio à Memphis (compagnie Sun Records). Un an plus tard en 1954, de nouveau, il enregistre en compagnie de deux amis, Scotty Moore (guitare) et Bill Black (contrebassiste) et lui-même a la guitare, That’s All Right un ancien blues (1946). 
Quelques jours plus tard, le trio réitère avec Blue Moon of Kentucky en face B. Le single est diffusé sur les radios locales. Les auditeurs pensent que le chanteur à la voix puissante, mélodieuse, de baryton est un Afro-Américain. Malentendu, Elvis est un petit blanc « péquenaud » (countryman) issu d’un milieu pauvre, n’ayant fait que de courtes et passables études.

En 1955, Elvis Presley renouvelle son contrat chez Sun Records et engage le sulfureux colonel Parker (1909/1997) comme conseiller spécial. Après d’âpres négociations, le trio d’Elvis vend son contrat Sun Records à un éditeur national, RCA, lequel le rachète pour une somme astronomique à l’époque : 40.000 $ ! En janvier 1956, Elvis dont le trio a été renforcé par d’autres très bons musiciens enregistre la balade Heartbreak Hôtel qui le propulse au sommet des charts (classement des ventes de disques 45 tours). 
Avec les revenus générés par son premier disque d’or, il acquiert la propriété de Graceland à Memphis (Tennessee). Elvis fait sa première apparition dans l’émission Stage Show produite à New York par CBS. 
La route vers la gloire est tracée lorsqu’il fait trois apparitions dans l’Ed Sullivan Show (1948/1971), la plus importante émission de variétés aux Etats-Unis. La première émission est vue par environ 60 millions de téléspectateurs soit 82% de part de marché ! Ses concerts publics enflamment les spectateurs et surtout les jeunes filles.

Elvis Presley passionné de cinéma signe un contrat de sept ans, norme des studios californiens, avec la Paramount Pictures. Il tourne rapidement quatre films de valeurs inégales : Love Me Tender (1956 : Le Cavalier du crépuscule) ; Loving You (1957 : Amour frénétique), Jailhouse Rock (1957 : Le Rock du bagne) ; King Créole (1958 : Bagarre au King Créole) du vétéran Michael Curtis (1886/1962), son dernier film avant qu’il ne parte à l’armée. Les synopsis sont semblables : un garçon simple émerge de ses ennuis par la chanson.

En mars 1958, il est incorporé dans l’armée américaine. Il commence son instruction militaire à Fort Chaffee (Etat d’Arkansas). En août 1958, sa mère adorée Gladys (1912/1958) meurt d’une cirrhose du foi à l’âge de 46 ans ; son décès est maquillé en crise cardiaque. Elvis est dévasté. 
Début octobre de la même année, il rejoint une division blindée à Friedberg en Allemagne de l’Ouest. Le chanteur est inquiet des conséquences de son service militaire sur sa carrière débutante. Il est persuadé que le public l’oubliera compte tenu du nombre de jeunes chanteurs américains talentueux. Mais ses producteurs veillent : ils placent 10 chansons dans le Top 40 durant ses deux années d’armée en puisant dans ses enregistrements inédits. Malgré ses angoisses sur le devenir de sa carrière, il reste mondialement célèbre.

C’est en 1959, à Bad Nauheim (Allemagne de l’Ouest) que Priscilla Beaulieu, invitée à une soirée chez des amis de ses parents (son beau-père est un capitaine de l’US Air Force), timide, empruntée, rencontre pour la première fois Elvis Presley. Assis nonchalamment sur un canapé, il est entouré par un essaim de jeunes femmes excitées. Il invite avec douceur Priscilla à s’asseoir à côté de lui. Elle a 14 ans et lui 24 ans. Il la questionne …

En ouverture de Priscilla, des pieds manucurés de jeune femme foulent une épaisse moquette rose. La tonalité du film est donnée : entre sophistication outrée et vacuité indolente. Priscilla raconte l’histoire d’amour tumultueuse entre une adolescente et le King. 
La source du scénario de Sofia Coppola est le livre que Priscilla Presley a publié après la mort du King : Elvis and Me (1985). Mémoires sans fard ; description de l’échec de cette union compliquée (ils ne se marieront qu’en … 1967 !) puis de l’émancipation de Priscilla alors que celle-ci est, loin de tout, à Graceland (Tennessee) ignorée par la garde rapprochée du King souvent absent pour cause de tournages de films : 27 au total de 1960 à 1969 dont la qualité cinématographique (scénarios indigents, répétitifs, chansons sirupeuses, etc.) ne fait que décliner avec les recettes ! 
Sofia Coppola à la lecture des mémoires de l’ex-femme du King y a perçu : « une sorte d’Alice au Pays des Merveilles. C’est le voyage d’une jeune fille dans un monde inimaginable qui l’éblouit et la manière dont elle en sort en voyant les choses avec énormément de clarté ».

Sofia Coppola poursuit à nouveau, après ses quatre premiers longs métrages, Virgin Suicides (1999), Lost in Translation (2003), Marie-Antoinette (2006), Somewhere (2010) une réflexion sur de jeunes femmes esseulées, à l’entourage indiffèrent, voire hostile, mais gagnées par un désir d’émancipation (néfaste ou bénéfique). 
Avec Priscilla son huitième film elle élargit son registre. Graceland est une prison dorée ou un « barbe bleue » évanescent, non violent, excepté quelques brusqueries, vient la « visiter » de temps à autres dans sa cage dorée, au gré de ses vacations entre deux films débilitants (des navets en couleur). 
Par son langage cinématographique, immédiatement reconnaissable, la réalisatrice nous fait ressentir les émotions, ou le manque de celles-ci, par le décor (pièces sombres, mobiliers kitch, mauvais goût ostentatoire, etc.), les costumes (tantôt normés, tantôt tapageurs aux fils des séquences). 
Comme toujours chez cette réalisatrice, son dernier opus est économe de paroles : le mélodrame passe par l’image très travaillée (le français Philippe Le Sourd est directeur de la photographie depuis ses trois derniers films), les mouvements de caméra, tantôt rapides (travellings) tantôt lents (panoramique sur un plan) et la fermeture au noir (absence progressive de lumière sur l’écran), favorisant le glissement, sans heurt, le sentiment de claustration physique et psychique. 
Le style maîtrisé, particulier, de Sofia Coppola, bien que décrié par certains critiques déplorant le manque de profondeur de ses films, est une réalité. Il y a ici une osmose parfaite entre le fond, un douloureux apprentissage dans une prison dorée, et une forme visuelle lisse, sans aspérités, d’une apparente légèreté trompeuse. 
« La forme disait Jean Cocteau, c’est le fond qui remonte à la surface »
Priscilla est un mélodrame pathétique sur des riches immatures. Le King n’est que son personnage secondaire qui par ses apparitions, tantôt doucereuses, tantôt maléfiques, est le deus ex machina accablé de névroses : sa soudaine célébrité, sa légitimité, la mort de sa mère, ses addictions aux médicaments, son angoisse du futur, etc.

Priscilla est l’exact contraire du film tapageur Elvis (2022) de l’australien Baz Luhrmann au montage syncopé (pas un plan de plus de 5 secondes), ébouriffant tape-à-l’œil, somme toute inutile mais coûteux (budget : 85 millions de $ !). Dans le film de Sofia Coppola la personnalité complexe du King est peu à peu révélée par Priscilla adolescente, puis adulte devenue l’épouse de son idole.

L’actrice américaine Cailee Spaeny remarquable de justesse dans le rôle de Prescilla Presley a obtenu à la Mostra de Venise 2023, la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine.

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