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Pays Basque : suite du bras de fer entre l’euskara et l’Éducation nationale, lettre de parlementaires au Chef de l’Etat
Pays Basque : suite du bras de fer entre l’euskara et l’Éducation nationale, lettre de parlementaires au Chef de l’Etat

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Pays Basque : suite du bras de fer entre l’euskara et l’Éducation nationale, lettre de parlementaires au Chef de l’Etat

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Le sénateur Max Brisson au débat sur les langues régionales ©
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Le député Vincent Bru avec Paul Molac, auteur de la loi sur les langues régionales ©
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Lettre ouverte par un collectif de parlementaires (*)

Comme de très nombreux concitoyens de notre pays attachés à l’usage et à la survie de nos langues régionales, nous avons pris connaissance avec stupeur de la décision n° 2021-818 DC du Conseil constitutionnel le 21 mai dernier. Deux des dispositions majeures de la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion ont été censurées. Elles concernent la reconnaissance de la méthode pédagogique d’enseignement dite par immersion, ainsi que l’usage de signes diacritiques des langues régionales dans les actes d’état-civil. 
Comme vous l’indiquiez vous-même le mercredi 26 mai, nos langues sont un « trésor national » et il est de la responsabilité de la puissance publique, quelle qu’elle soit, d’œuvrer en faveur de leur préservation. Etant toutes et tous des défenseurs et promoteurs de la richesse que constitue la diversité linguistique dans laquelle la langue française joue un rôle particulier, la portée de cette décision nous inquiète vivement. Elle vient remettre en cause près de 50 ans d’utilisation de la méthode pédagogique de l’immersion par les écoles associatives sous contrat, et fragilise les expérimentations réalisées dans les écoles publiques. 
D’aucuns reconnaissent pourtant que cette méthode permet de former des locuteurs complets en langues régionales, afin d’assurer la transmission générationnelle et d’espérer leur sauvegarde. Il est surtout à noter que cela ne se fait absolument pas au détriment de la bonne maîtrise nécessaire de la langue française. Loin d’être réservée aux seuls établissements sous contrat, cette méthode pourrait d’ailleurs être demain au cœur d’une véritable politique pédagogique de l’enseignement public. 
Des questions se posent dès lors quant aux garanties dont pourront bénéficier les établissements associatifs sous contrat ainsi que les établissements publics qui réalisent un tel enseignement en langue régionale à titre expérimental. Pouvez-vous nous rassurer quant au respect des conditions pédagogiques d’enseignement qui leur sont propres en vue de la prochaine rentrée scolaire ? 
Par ailleurs, nous ne comprenons pas qu’aujourd’hui, la liberté de choix des prénoms pour les enfants de notre pays puisse être remise en cause par cette décision. Le Conseil constitutionnel a en effet précisé pour justifier l’inconstitutionnalité de l’usage des signes diacritiques des langues régionales à l’état-civil qu’en l’espèce « ces dispositions reconnaissent aux particuliers un droit à l’usage d’une langue autre que le français dans leurs relations avec les administrations et les services publics ». Pouvez-vous nous confirmer que les officiers d’état-civil continueront à appliquer, sauf dans les cas où cela contrevient aux intérêts de l’enfant, le principe de liberté de choix des prénoms quand bien même ils ne seraient pas considérés comme « français » ? 
Mais, pour définitivement sortir de l’insécurité juridique issue de la décision du Conseil constitutionnel et afin de répondre à l’urgence de la situation, les parlementaires que nous sommes vous appellent solennellement, Monsieur le Président, à engager dans les meilleurs délais une procédure de révision constitutionnelle visant à véritablement permettre à la puissance publique de protéger et promouvoir nos langues régionales. Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de bien vouloir recevoir, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération. »

(*) Parmi les signataires, on retrouve les députés basques et béarnais Vincent Bru, Florence Lasserre et David Habib, ainsi que les sénateurs Max Brisson, Denise Saint Pé et Frédérique Espagnac.

La résistance s'organise

Des enseignants des collèges du réseau Seaska se mobilisent afin que les copies des examens du brevet puissent être corrigées en basque par des correcteurs bilingues alors que  cette année encore, l'administration de l'Education nationale s’y est opposée. Le 15 juin dernier, dans une lettre destinée au ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, des professeurs avaient annoncé leur intention de ne pas participer aux corrections des examens du Diplôme national du brevet (DNB) devant avoir lieu les 28 et 28 juin prochains si les copies n'étaient pas « corrigées en basque par des correcteurs bilingues prévus à cet effet et disposés à le faire ». D'autant plus que si depuis 1995, la rédaction et la correction des épreuves du DNB pouvaient se faire en basque après une lutte de longue date, l’instauration de la réforme du collège en 2016 et les introductions des sciences lors de l’épreuve, l’Éducation nationale a alors imposé que ces examens soient rédigés et corrigés en français, allant même jusqu’à saisir les copies en 2018 pour les faire évaluer par des correcteurs non bascophones qui leur attribuèrent « des notes injustes ». 
En Bretagne, des lycéens de Diwan (réseau équivalent de Seaska) avaient choisi de tenir tête au ministère de l’Éducation nationale en 2018 et 2019 en rédigeant en breton leur épreuve de mathématiques au baccalauréat.

Pour sa part, lors du conseil communautaire du 19 juin dernier, les élus de la Communauté d'agglomération Pays Basque avaient adopté presque à l'unanimité (une abstention) une motion en faveur de l'enseignement immersif : « La décision du Conseil constitutionnel porte gravement atteinte au modèle développé au Pays Basque, dans le plus grand consensus politique et social (...) Selon la Constitution, les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France : rompre cet équilibre en privant notre territoire d'un biais essentiel de diffusion et de sauvegarde, c'est fragiliser notre projet de société partagé, ouvert et apaisé (...) L'Agglo appelle le président Emmanuel Macron à « engager dans les meilleurs délais une procédure de révision constitutionnelle visant à garantir l'enseignement immersif pratiqué aujourd'hui tant dans les établissements associatifs et confessionnels sous contrat que dans les établissements publics du Pays Basque ».

Quant à l’universitaire et historien Jean-Claude Larronde, ancien président du Musée Basque de Bayonne, il notait dès le 31 mai dernier : 
« Après les manifestations du samedi 29 mai et en particulier après la magnifique manifestation de Bayonne, il convient de se rendre à l'évidence : l'article 2 alinéa 1 de la Constitution : "La langue de la République est le français" est une redoutable machine de guerre contre les langues régionales. Cet article a été introduit en 1992 et Alain Lamassoure, co-auteur de cette inclusion, avait à l'époque bien déçu. C'était soit disant dirigé contre l'anglais.

Que faire maintenant ? Il est sûr qu'on ne pourra pas se contenter des bonnes paroles du Président de la République et du Premier Ministre, destinées à calmer les mécontentements et aussitôt oubliées après les élections. 

Il convient en effet d'obtenir une modification de la Constitution. S'il n'en était pas ainsi, subsisterait - après la décision du Conseil Constitutionnel - une situation d'insécurité juridique pour nos langues territoriales qui pourrait être mis à profit par n'importe quel adversaire de celles-ci, encouragé par la décision du Conseil Constitutionnel du 21 mai. 

Il est illusoire de croire que l'article 2 de la Constitution puisse être modifié. Ce dernier est devenu depuis son adoption, il y a près de 30 ans, un pilier de la République, au même titre que l'alinéa 2 : "L'emblème de la République est le drapeau tricolore bleu, blanc, rouge" ou que l'alinéa 3 : "L'hymne national est "La Marseillaise" de ce même article. On voit que cet article 2 ne contient que des formules lapidaires.

Il faut donc se tourner vers l'article 75-1 de la Constitution, actuellement ainsi rédigé: "Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France". Il faut là, entrer dans les détails, tenir compte de la décision du 21 mai, le consolider très fortement et tenter d'obtenir pour cet article, la rédaction suivante (ou quelque chose d'approchant): "La République a le devoir impérieux et s'engage à protéger, promouvoir et enseigner par tous moyens et méthodes - dont la méthode immersive - les langues régionales qui appartiennent au patrimoine de la France. Les signes diacritiques propres à ces langues régionales sont reconnus dans les mentions des actes de l'état civil".

La bataille promet d'être rude et sans doute longue.
D'ici là, le ou la citoyen.ne dispose dès ce mois de juin pour les élections départementales et régionales, d'une arme : son bulletin de vote ». 

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Quand l'historien Jean-Claude Larronde recevait le Prix Biltzar à Sare (2018) ©
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MARTIN DESMARETZ de MAILLEBOIS | 25/06/2021 14:39

Je ne comprends pas vraiment ces remarques. Il semble que le fait d'accepter des prénoms étrangers en masses comme le pire exemple est celui des noms arabes n'apparaissent pas très dangereux à ceux qui réclament le droit à des prénoms non français selon eux ? Un nom basque, alsacien, provençal, etc, est un nom français car le français réunit toutes les acceptions provinciales de toutes les nations françaises, anciennement gauloises ou associées depuis : polynésienne, corse, etc. Un nom basque donné comme prénom est donc français. Voilà l'argumentation à utiliser... Par contre, les noms étrangers complètement, en arabes ou autres langues non françaises stricto sensu, d'autres continents, d'autres peuples différents ou qui ont pris leur indépendance, représentent un danger de submersion même des noms dits "régionaux" par ces argumentateurs ici. Je rappelle également que l’Église Catholique ne reconnaît pas la possibilité de baptiser un enfant d'un autre nom que celui d'un Saint ou d'une Sainte ! La république qui se veut le contre-exemple satanique ne pratique donc pas autrement et veut même le baptême dit "civil". ceux qui argumentent ici me semblent complètement ignorer le régime sous lequel ils vivent ? L'ETAT-CIVIL inventé en 1792-1815 sur un argument moderniste du genre : "il est imprimé" au contraire des pages tenues par les Prêtres jusque-là qui a confisqué la plupart des registres catholiques ne mérite aucun respect car en plus il est faux depuis 1792 ! La TERREUR a imposée bien des inscriptions fantaisistes pour échapper à tous ces bourreaux ! L'ETAT-CIVIL dit "républicain" n'est donc vraiment pas un modèle ni de vérité ni de sécurité dans sa tenue où bien des erreurs depuis lors subsistent en plus. J'en ai fait rectifier deux déjà de mon vivant ! Puis, je voudrais insister sur le fait que des claviers nouveaux permettent de taper plus facilement les caractères en majuscules accentuées et tous les caractères diacritiques évoqués. Donc, je pense que c'est un faux problème : il suffit de faire taper le nom correctement dans la langue des gens. Et s'il s'agit d'un basque français, ce nom sera français incontestablement. Voyez cet ATLAS du CNRS d'il y a quelques années qui démontra la formation française générale des mots empruntés aux langues locales pour les former donc. Il faut voir cela comme un enrichissement linguistique du français sans en remettre en cause la moyenne générale en somme. D'ailleurs les noms de localités sont affichés à la fois en français et en langues locales à l'entrée des communes par panneaux officiels : par exemple SENT SEVER et SAINT SEVER etc... dans Les landes. Je ne vois donc aucun obstacle réglementaire ni légal ni constitutionnel à ce que le nom basque soit écrit en basque et en français par exemple. Il faut rapidement franchir ce qui me paraît un vrai-faux obstacle !

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