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Gastronomie
Les palombes, poésie des saveurs et de la gastronomie basque !
Les palombes, poésie des saveurs et de la gastronomie basque !

| Alexandre de La Cerda 1125 mots

Les palombes, poésie des saveurs et de la gastronomie basque !

Nous avions évoqué la semaine dernière « Les palombes en chansons » : le vent du Sud qui donne toute sa valeur au paysage, l'illuminant et le découpant en gros plans puissamment colorés, au dessin net, presque excessif, porte également sur son aile la migration des palombes, poésie du ciel et fièvre bleue des cols de la montagne basque ! Une migration qui tire vers sa fin : les derniers comptages, alors que la chasse avait été arbitrairement arrêtée depuis deux semaines par le « reconfinement » (certains chasseurs avaient pu cependant bénéficier de la dérogation « 1 heure à 1 km » pendant une dizaine de jours), classeraient cette année au 5ème rang des 20 dernières saisons, avec 2 457 000 palombes. Ce qui confirmerait qu’« Urzo churia » se porte bien, que sa reproduction même dans le Grand Sud-Ouest n’empêche pas la migration. Or, au Pays Basque, dans les Landes comme dans tout notre Sud-Ouest, la chasse constitue un enjeu économique certain, particulièrement les palombes que « haize hegoa », notre vent mythique orienté Est-Sud-Est ces derniers jours, a dirigées vers le site de comptage d’Urrugne : 80 000 oiseaux enregistrés ! En tout, une fois la saison achevée mercredi : 510 000 à Arnéguy, 547 000 à Sare, 683 000 à Banca et 718 000 à Urrugne.

Ces comptages effectués sur nos cols basques sont dus au « Groupe d’investigations sur la faune sauvage » créé en 1997 sous l’impulsion de Serge Fedorenco, alors administrateur et responsable des migrateurs à la Fédération des chasseurs basques et béarnais. Quant aux pics migratoires enregistrés dernièrement, ils proviennent de ce que désormais, les vols tiennent compte des vents, de la nourriture en abondance, ce qui permet aux palombes de se regrouper dans les grandes plaines, et un jour de grand soleil, la montagne dégagée, elles filent à tire d’ailes en Espagne : « Urzo churia, errazu, norat joaiten ziren zu ;
Espainiako mendiak elhurrez betheak dituzu;>
Gaurko zure ostatu gure etchean baduzu ».
(Palombe blanche, dîtes, avant de franchir les cols enneigés d’Espagne, votre auberge du soir, dans notre maison vous l’avez...) 

En salmis, flambées ou rôties

De tout temps grives, perdreaux, cailles, coqs et poules de bruyère, tourterelles, râles des genêts, bécassines des marais d’Urt, outarde grise ou poule millière (que l’on farcissait de foie gras) et toute la sauvagine (sarcelles, pluviers, canards) enchantent les palais les plus délicats.

Mais c’est sans doute la palombe rôtie ou en salmis qui fournit l’un des mets les plus appréciés du Pays Basque. Comment est-elle venue dans nos assiettes ? A Sare, comme sur les autres cols du Pays Basque, son mode de chasse ancestral consistant à rabattre dans un filet, sans les blesser, des oiseaux volant à 150 km/h, plonge ses racines dans la légende de Roncevaux et attirait déjà Henri IV. Et les révolutionnaires allèrent même jusqu’à transformer le nom de Sare en « Palombière » !

Avec la Soule, la Basse-Navarre a toujours conservé le privilège de quelques préparations authentiques du terroir, et certains gourmets se souviendront encore du regretté Dominique Dindart à Saint-Palais et de son fameux « cône à palombe ». Il vidait d’abord l’animal tout en gardant le foie et le cœur pour concevoir la farce qu’il servait sur des croûtons ou des canapés. La palombe était d’abord rôtie quelques minutes à four très chaud de façon à en ressortir saignante.

Ensuite, il la flambait au lard avec le fameux cône en fer blanc à manche (nommé « flamboire ») qu’il faisait rougir au feu. Dominique Dindart mettait dans ce cône du lard blanc fumé et achevait la cuisson en faisant couler goutte à goutte sur la palombe ce lard fumé qui lui donne un goût si spécial.

Et en dehors des grands restaurants de la côte ("Frères Ibarboure" à Bidart, "Cheval Blanc" à Bayonne, et quelques autres) dont il conviendra d'attendre la réouverture selon le bon-vouloir du "coronavirus", les restaurateurs de Saint-Palais se sont donc spécialisés depuis bien longtemps dans cette recette parmi les plus authentiques de la palombe : dans le fil de Dominique Dindart que nous venons d’évoquer, on trouve Jean Biscaylus avec son fameux « capucin » qui fut le pionnier au Trinquet repris de son constructeur, Frédéric de Saint-Jayme. Depuis lors, quatre générations se sont employées à perpétuer la tradition de cette merveille de la gastronomie basque et actuellement, son arrière-petit-fils Andde Salaberry (restaurant du Trinquet, 31 rue du Jeu de Paume, tél. 05 59 65 73 13). Par ailleurs, le restaurant Lafitte les flambe également (35 rue Thiers, tél. 05 59 65 70 96). A Garris, depuis la fermeture de « Hauzteya », le restaurant Portalenia les flambe sur demande (tél. 05 59 65 74 23).
Egalement, il paraît que la Benta Burkaitz (située au col des Veaux, au pied du mont Artzamendi, près d'Itxassou, tél. 05 59 29 82 55) apprête les palombes au capucin.

On regrettera la disparition – il y a bien des années, à cause des imbéciles réglementations européennes – des réputées « Palomeras Usategui » d’Etxalar (col de Lizarrieta après Sare) où Marie Esther Berroueta nous comblait avec ses palombes et sangliers en salmis, mais le restaurant Gurutze Berri à Oyartzun (près d’Irun) a repris ses menus de chasse avec les extraordinaires préparations de gibier nappées de sauces authentiques comme on n’en trouve plus nulle part (fermé le lundi, tél. 00 34 – 943 49 06 25). 

Précisément, voici la recette du salmis de palombe, telle que me la confiait (il y a bien des décennies!) Jeanne Sahastume, une etxekandre (maîtresse de maison) émérite de Sare : « faire revenir les palombes dans de l’huile d’olive (10 minutes, jusqu’à ce qu ‘elles soient dorées) puis les flamber dans un faitout ou cocotte. Faire revenir des oignons, de l’ail, du xingar (jambon de pays). On peut y ajouter des champignons. A part, dans une poêle, lier la sauce avec de la farine. Faire bouillir un litre de vin rouge corsé par palombe et faire flamber. Ajouter ce vin dans la poêle contenant xingar et légumes. Couvrir avec ce vin tout en y ajoutant un bouquet garni (thym, persil…).Mettre ½ verre de Porto, de vin costaud ou quelques carrés de chocolat noir. Laisser mijoter 2 heures. Servir sur des croûtons » (extrait de mon livre « Les secrets de la cuisine basque » paru chez Atlantica).

Inutile de préciser que les principales manifestations en lien avec les palombes, telles les « Fête de la palombe » à Ainhoa, « Semaine de la Palombe - Usoaren Astea » à Sare et « Capucinade de Saint-Palais - fête de la palombe flambée » sont renvoyées à des temps que l’on espère plus heureux !
(Pour info supplémentaire) Vous pouvez avoir en plat à emporter de la palombe flambée au capucin servie par le chef Jean-Marc Echeverria à l’auberge du fronton à Ustaritz . Habituellement elle est ainsi préparée chaque année. Il y en avait encore la semaine dernière ! Téléphone : 05 59 93 00 39. Fermé le lundi.

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Les palombes flambées au capucin (Hauzteya) ©
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Palombes rôties au feu de cheminée ©
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Répondre à () :

Blanc | 16/11/2020 09:40

La palombe flambée au capucin est servie chaque année à l’auberge du fronton à Ustaritz par le chef Jean-Marc Echeverria. Il y en avait encore la semaine dernière en plat à emporter à cause de la fermeture des restaurants. Je me suis régalée.

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