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Histoire
Le quartier Marracq, d'hier à aujourd’hui
Le quartier Marracq, d'hier à aujourd’hui

| François-Xavier Esponde 1386 mots

Le quartier Marracq, d'hier à aujourd’hui

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Bains-douches de Lahubiague ©
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Quartier Marracq de Bayonne : l'école maternelle Lahubiague ©
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La rencontre fortuite d’André Etcheverry, charpentier depuis trois générations successives, dont les anciens venaient de Bassussary-Sutar, est des plus instructives, sur des souvenirs du quartier dit de Marracq à l’entrée de la ville de Bayonne.
A 87 ans bien acquis, et une mémoire bien vivante, l’homme égrène des souvenirs de la vie de ce lieu désormais peuplé, où figuraient les champs de maïs, le bétail domestique dans les prés, quelques belles maisons de maîtres, et un environnement luxuriant d’arbres et de végétaux.
André se souvient du Complexe hospitalier de l’Hôpital Saint Léon de jadis, un ajout de bâtiments sanitaires tel que voulu et grandement financé par des mécènes bayonnais tout au long du passé. Il s’y trouvait une école de garçons et d’enfants bien souvent orphelins de père, que les Soeurs de Saint Vincent de Paul, dites Soeurs de la Charité entretenaient de leur travail et de leurs modestes revenus.
La chapelle hospitalière y servait de lieu de célébrations de funérailles principalement des indigents nombreux auxquels on préférait cette modeste demeure de Notre Seigneur, à celle de la cathédrale ou de Saint-André, les deux seules et uniques églises ouvertes au culte public pendant de nombreuses décennies.

Les églises Saint-Léon et Saint-Amand viendront bien après avec la constitution des quartiers à partir des années 50 et de la politique de l’habitat engagée par les maires de la ville, pour accroître et accueillir des populations jeunes, dont celles issues d’une immigration hispano - portugaise, et la longue colonne des Pieds Noirs des années 60 et suivantes.

Marracq connaîtra le sursaut d’une repopulation conséquente de la vie bayonnaise.

On parlait de la maison Lahubiague sur l’actuelle rue Mgr Gieure, quasi l’une des rares habitations du site, entourée de champs de maïs, de vaches et de métairies qui entretenaient une population laborieuse de garçons de fermes et d’ouvriers agricoles journaliers.
Les alentours étaient agro-pastoraux, jardins de la ville au bénéfice du quartier Lahubiague qui se procurait leurs fruits et légumes autour des Chérubins, et de ce qui sera par la suite le domaine de Lafourcade, avant l’achat des terres par le chirurgien du même nom afin d’y installer sa clinique.
Les anciens se souvenaient de ce carré des Chérubins, une école qui scolarisait en ce temps les enfants du quartier, ceux qui avaient le privilège de l’être, jusqu’à Sutar situé dans ce périmètre entre Bayonne et Bassussarry, la commune voisine.

Des prêtres y exerçaient la mission d’enseignement, tandis qu’à l’hôpital, des sœurs faisaient de même pour leurs élèves, les filles du quartier.

- Le complexe actuel du Funérarium était réservé aux ateliers des services menuiserie des Pompes Funèbres Générales. Selon un accord passé entre le District, les PFG et la ville, la création originale de cet espace étoffa la morgue de l’hôpital et permit aux familles de disposer de lieux de recueillement à l’heure de la sépulture de leurs parents.
Une ancienne institution bayonnaise qui compte bien quasi un siècle de présence dans la cité. Ses bureaux antérieurs étaient situés au cœur de la ville, à portée de la Mairie, en attendant de rejoindre - après la guerre - leur nouveau site au quartier Marracq.

Le funérarium - ancien internat de jeunes filles abandonné par les sœurs dominicaines qui en assuraient l’intendance - se reconvertit en écurie pour les chevaux, les corbillards et les attelages des cérémonies funéraires.
Le lieu avait-il connu les expulsions du début du XXème siècle, et le non retour des sœurs dans leur ancienne demeure ?
Les aînés rapportent l’état de délabrement des bâtiments que les promoteurs du funérarium durent restaurer avant d’ouvrir ce complexe au public, dès les années 60.
En atelier de confection des cercueils fabriqués sur place par des menuisiers aux deux emplois, porteurs de jour, recrutés par l’entreprise pour mener ces deux fonctions funéraires.
Du personnel veillait à l’entretien des bêtes, seuls véhicules de ce temps qui sillonnaient le jour les rues de la ville de Bayonne pour aller chercher les défunts dans les habitations, et parfois à l’hôpital et rejoindre l’une des deux églises de la ville.

Un cérémonial au protocole très précis se déroulait chaque jour : la voiture attelée de deux chevaux, fiacre décoré d’oriflammes, habillé de tentures noires brodées d’or, avec un écuyer et un conducteur d’attelage en uniforme chapeauté, et le rite conventionnel de la tenue des obsèques, selon les catégories en usage, de première, de seconde et de troisième classe, pour les moins lotis de la population.
Selon ces catégories la cérémonie accordait le bénéfice d’un, de deux ou de plusieurs clercs, et pour les plus influents de la cité, la présence de l’Archiprêtre pour présider le culte en la cathédrale. Personnage portant la barrette, le rochet, et les accessoires de sa fonction, assis à sa stalle du chœur de l’église.

- Faute de voitures à moteur, ces véhicules à la marche cadencée par des pieds ferrés sur le sol pavé, avaient fière allure. On les regardait chaque jour comme un moment particulier de curiosité populaire.
Les autres attelages de boeufs ou de vaches attachées qui les croisaient n’avaient que peu d’intérêt. De splendides juments striaient le paysage de leur harnachement de culte et de parade.
Bien entretenus, bien coiffés, admirés de la population, les chevaux entraient en scène dans un cours du quotidien qui ne lassaient les admirateurs de ces montures et de leurs équipages. On suivait donc leur parcours, la gazette locale réservée aux plus chanceux des habitants ne dispensait la nouvelle comme aujourd’hui, de courir plus vite que la plume.
Une clochette à la main, le maître cocher demandait la route, le droit de passage, tout le long de la rue d’Espagne dite principale, et si par malchance la voie semblait encombrée, il fallait faire vite place nette à la procession à pied des familles en deuil qui suivaient le cortège jusqu’au cimetière Saint Léon.

Quasi journalier, dans le respect inné des hiérarchies et de la mort, le sujet demeurait admis des récalcitrants qui ne bravaient ce défilé singulier entre la cathédrale et le cimetière.
En ces années de guerre et les suivantes la présence de voitures à moteur ne représentait un risque d’encombrement pour la dite circulation des attelages.Car les attelages faisaient partie du paysage.

- André Etcheverry se rappelle que son grand père faisait partie - avec d’autres paysans des environs - des préposés à l’hygiène de la ville, par manque de personnel professionnel en ces temps, affectés à la tâche.
Tous les quatre jours, à tour de rôle, il venait chercher au pied des immeubles dans les réservoirs métalliques d’époque, les ordures ménagères, et autres déchets qu’il fallait charger à la main dans sa charrette à bœuf parmi bien d’autres objets encombrants que les Bayonnais répandaient au pied des rues, en attendant la levée tous les matins.
Le plastique d’aujourd’hui n’existant pas encore, on utilisait les moyens du bord et les succédanés existants pour nettoyer l’espace urbain de la ville.
Un attelage de vaches ou de bœufs de ferme, à pied pour le grand père Betbeder et ses petits enfants à qui on confiait la tâche partagée pendant les vacances.
La collecte des déchets domestiques revenait à ces fermiers des alentours dont ceux des quartiers Saint Etienne et Saint Bernard habilités par la ville pour remplir cette besogne, et recycler les denrées et détritus recueillis, puis en faire du fumier fermier dans leurs propriétés agricoles.
Rien ne se perdant, le lisier, le fumier, le recyclage écologique avait cette noble fonction de reconversion verte jusqu’en ces années de la guerre et suivantes où la collecte pratique en vigueur permettait l’hygiène publique dans la cité.

A Bayonne on cite encore la ferme Maze, de Saint-Etienne, une riche suite de métairies de la même famille à qui on demandait d’assurer cette fonction utilitaire pour Bayonne-Nord.
Nous sommes encore dans ces années 40-50, le royaume du vélo règne en maître, les chevaux, les attelages de vaches et de boeufs font partie du paysage, et la ville se prépare aux années de métamorphose de ses constructions, de sa conversion à l’ère industrielle et mécanique d’après guerre.

Pour les aînés qui s’en souviennent encore, ce furent leurs années de l’enfance et de la jeunesse. Elles leur permirent de comparer les évolutions acquises depuis lors, et toujours en cours aujourd’hui.

Photo de couverture : l'ancien grand séminaire, désaffecté en 1906, servira à loger les familles modestes de Bayonne

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