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Société
La fin de vie, un enjeu complexe ?
La fin de vie, un enjeu complexe ?

| François-Xavier Esponde 884 mots

La fin de vie, un enjeu complexe ?

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église de Sare clocher ©
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Sur le fronton d’église, sur la façade de clocher la formule latine "Vulnerant Omnes, Ultima Necat", (toutes les heures passent, la dernière tue) est donnée au passant qui consulte l’heure du moment présent, dans sa cruelle vérité du temps qui va.
(NDLR : cette insription en latin se trouve sur l’église d’Urrugne, alors qu’à Sare, sur le mur du clocher, au-dessus de l'horloge, la plaque porte l'inscription en euskara : « Oren guziek dute gizona kolpatzen azkenekoak du hobirat egortzen » / toutes les heures blessent l'homme, la dernière l'envoie au tombeau, ALC).

« Le jour et l’Heure » est le titre d’un roman de Carole Fives sur la fin de vie assistée par l’euthanasie active en Suisse, dans une actualité pressante...

Le sujet est prégnant aujourd’hui auprès de militants pour le Droit de mourir dans la dignité et auprès de ceux qui assurent l’assistance des soins palliatifs. Les avis divergent, le cœur du sujet demeure.
Aux premiers, la règle admise que « soigner ce n’est pas toujours guérir c’est prendre soin, aider, soulager et parfois à donner la mort ». Au regard du Serment d’Hippocrate régulièrement revu par le Conseil de l’Ordre des Médecins, jusque dans sa dernière version en 2012, “je ne provoquerai jamais la mort délibérément”, la gravité éthique du sujet interroge.

Donner la mort est ce que cela peut parfois être considéré comme un soin ?
Le projet de loi porté par la Ministre Agnès Firmin le Bodo, favorable à une aide médicalisée à mourir, doit être présenté fin septembre au parlement français. Le choix en conscience de chacun divise.

En février dernier dans Le Figaro, treize organisations professionnelles de santé, dont la Société française des soins palliatifs, des Sociétés savantes représentant 
800 000 soignants, déclaraient "que leur métier était incompatible avec la pratique d’une mort médicalement administrée”.

Le journal Le Monde reprenait le sujet à l’initiative de l’association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), et près de 500 soignants se prononçaient en faveur d’une aide active à mourir dans un cadre strictement légal et encadré. « Nous, professionnels de santé, disons haut et fort que l’aide médicale à mourir est un soin ».

Le Serment d’Hippocrate rédigé au IVème siècle avant J.C. est bousculé et rapporte dans une formule lapidaire : “je ne remettrai à personne du poison” !
Depuis 2012 le dit serment stipule, "je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément”. 
« Aider un patient à partir », dit Denis Labayle, auteur du livre « Le médecin, la liberté et la mort » publié chez Plon, « est un soin difficile à assumer émotionnellement ,mais ça fait partie du rôle du médecin qui doit être là, de la naissance à la mort ».

Il s'agit de savoir dès lors qui portera la piqûre létale ultime dans le corps médical protégé par la double clause de conscience ?
Le sujet majeur est bien celui des professionnels de santé aux premières tribunes où chacun fourbit ses arguments dans l’exercice de ses responsabilités.

La différence entre la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès autorisée précédemment par la Loi Clayes-Léonetti et l’euthanasie, existe.
La nature des médicaments des deux écoles diverge et l’intention médicale est différente encore.
La sédation est une période de latence qui dure, la mort survient dans un délai qui n’est pas prévu ni prévisible.

Pour l’euthanasie, l’usage du curare est une décision définitive.
Le soin est une prise en charge holistique d’un malade avec son histoire, ses proches, un choix de lieu pour mourir”, dit encore prudemment un praticien de l’hôpital de Limeil-Brévannes.

L’utopie sociétale à l’autonomie serait une loi avérée signifiant de ne plus s’occuper de ceux qui dérangent, ni des incurables, des personnes d’un grand âge, ni des psychotiques qu’une société utilitariste veut voir disparaître. L’hôpital ne peut être à la fois lieu d’accueil de toutes les souffrances et un lieu où on administre la mort”, souligne le psychiatre et gérontologue rapporté.
Légaliser l’euthanasie met en question la vocation de l’institution hospitalière et le rôle médical.
Accompagner jusqu’au bout le malade ou devancer l’issue finale ?

Damien Le Guay, philosophe engagé dans ce débat éthique et philosophique, interroge : “qu’est ce que la mort considérée comme un soin vient perturber ? L’approche palliative s’en trouverait modifiée tout comme le colloque singulier entre le médecin et son patient, l’idée du soin comme dernière lueur d’une humanité bienveillante, l’agonie comme moment métaphysique, au delà de la souffrance”.
La confiance entre le soignant et le patient serait elle possible si la solution finale est dans l’inconscient du patient le recours à l’euthanasie !
Les avis divergent dans le corps médical peu ou prou d’accord sur le thème.
Claude Grange, auteur du « Dernier Souffle » chez Gallimard ajoute : « l’euthanasie induit une perte de sens pour les soignants, pervertit les lieux de soins », et le praticien s’insurge avec véhémence contre l’idée de réintroduire le droit de donner la mort aux plus faibles.

Jusque l’idée de créer une nouvelle entité au droit au suicide mais pas à l’hôpital et non comme un soin ?
Le corps des soignants mesure la gravité d’une telle décision que d’aucuns qualifient déjà d’homicide déguisé sous le couvert juridique d’un argumentaire adapté !

Une préoccupation évidente des soignants pour qui l’inversion de leur métier représente une menace de probité et de confiance des patients à l’opposé de leur engagement professionnel.

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