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Cinéma
La critique de Jean-Louis Requena
La critique de Jean-Louis Requena

| Jean-Louis Requena 674 mots

La critique de Jean-Louis Requena

Les 60 ans d’« A bout de souffle ! » - Film français de Jean-Luc Godard – 87’
Studiocanal vient d’éditer un magnifique coffret d’« A bout de souffle ! ». Le film est proposé en deux versions restaurées : Blu-ray ou 4K ainsi que des bonus et un court opuscule sur la genèse du long métrage et sa postérité.

1ère Partie : Jean-Luc Godard, un jeune homme à part

Le 16 mars 1960, sort en exclusivité sur quatre salles « grand public » à Paris, un film précédé d’une rumeur pour le moins contrastée. Pour les quelques privilégiés qui l’ont visionné, c’est « un chef d’œuvre moderne », pour d’autres « le pire film de l’année ». Le réalisateur est inconnu du grand public : il s’appelle Jean-Luc Godard. C’est un franco-suisse né à Paris en 1930. Il vivote, écrit des critiques à temps partiel dans une revue de cinéma crée en avril 1951 par trois passionnés du 7 ème art (André Bazin, Jacques Doniol Valcroze, Joseph Marie Lo Duca) : Les Cahiers du Cinéma. Ses amis cinéphiles, chroniqueurs du mensuel, plus ou moins proches, se nomment : Jacques Rivette (1928/2016), Claude Chabrol (1930/2010), François Truffaut (1932/1984), et le plus âgé Maurice Schérer (1920/2010) vrai patronyme d’Éric Rohmer. Spectateurs assidus de la Cinémathèque Française dirigée d’une manière « artistique » par Henri Langlois (1914/1977) ils admirent le cinéma américain, les films des grands studios et les petits films indépendants. Ils détestent la quasi-totalité de la production cinématographique française qu’ils jugent routinière, sans intérêt. Leurs cibles constantes sont les réalisateurs français installés : Claude Autant-Lara (1901/2000), Christian-Jaque (1904/1994), Jean Delannoy (1908/2008), Henri Verneuil (1920/2002) entre autres, ainsi que leurs scénaristes adaptateurs de romans français : Jean Aurenche (1903/1992) et Pierre Bost (1901/1975), etc.

Ils ont deux particularités communes : primo, ils sont passionnés de littérature (XIXéme siècle). Secundo, ils veulent accéder à l’industrie cinématographique sans passer par la longue station d’assistant réalisateur (souvent une décennie, voire plus !) tant l’accès au métier de metteur en scène de cinéma est fermé aux nouveaux entrants. De fait, ils aspirent à briser le système à leurs yeux vieillot, sclérosant. Déjà, ils ont réalisé a peu de frais, en 16 mm, des courts métrages. Claude Chabrol grâce à un héritage s’est lancé le premier dans le tournage d’un long métrage : Le Beau Serge (1958), suivi des Cousins (1959). Ces deux films sortis en janvier et mars 1959, aux budgets réduits, ont eu du succès suscitant du coup l’intérêt des producteurs. A son tour, François Truffaut tourne fin 1958 Les Quatre Cents Coups qui sera sélectionné au Festival de Cannes 1959 : il obtiendra le Prix de la mise en scène grâce à l’entregent de Jean Cocteau Président d’honneur cette année-là. 

« La Nouvelle Vague » est lancée. Jean-Luc Godard (29 ans) est le dernier des « Jeunes Turcs » des Cahiers du Cinéma à ne pas avoir réalisé de long métrage. Fréquentant, depuis des années le milieu du cinéma parisien (critique, attaché de presse, publiciste, etc.) il contacte un producteur un peu marginal, fauché, mais audacieux dans ses choix : Georges de Beauregard (1920/1984). Cet étonnant personnage, vient de subir coup sur coup deux échecs cinématographiques : Ramuntcho (1959) et Pêcheur d’Islande (1959) dont le réalisateur est Pierre Schoendoerffer (1928/2012). Méfiant devant un jeune homme inexpérimenté, à l’accent trainant (Suisse), aux lunettes fumées, il exige des garanties pour le scénario et pour le suivi technique du tournage. Les deux plus proches amis de Jean-Luc Godard se portent garants : Claude Chabrol pour la partie artistique (le scénario) et François Truffaut pour la partie technique (le tournage). Le montage financier sera laborieux mais il sera « bouclé » car le budget prévisionnel n’est pas important : 51 millions de francs (anciens !) soit le tiers d’un film lambda français de cette époque. Pour plus de sécurité, George de Beauregard impose un chef opérateur Raoul Coutard (1924/2016), ancien photographe militaire, grand ami de Pierre Schoendoerffer qu’il a connu en Indochine (Corps Expéditionnaire Français).

Le lundi 17 août 1959 le tournage commence à Paris : sa durée prévisionnelle est de quatre semaines. Le film sera bouclé en 29 jours utiles (fin de clap 19 septembre 1960), une rapidité inusitée pour un long métrage !

Fin de la 1ère Partie

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