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Tradition
La "Cananéenne" sur vitrail (cathédrale de Bayonne) et en peinture (Louvre)
La "Cananéenne" sur vitrail (cathédrale de Bayonne) et en peinture (Louvre)

| François-Xavier Esponde 880 mots

La "Cananéenne" sur vitrail (cathédrale de Bayonne) et en peinture (Louvre)

Sur du verre

Les visiteurs de la cathédrale de Bayonne l’été réclament assidûment le vitrail de la guérison de la fille de la Cananéenne en photographiant abondamment l’objet de leur curiosité !

Cette cathédrale de la ville, détruite dans sa première version romane en 1258 et sans cesse ajoutée et améliorée depuis sur celle de Reims pour son plan et celle de Soissons pour ses chapelles, et encore récemment, au XIXème siècle pour ses flèches selon les plans de l’architecte Emile Boeswillwald, constitue le cœur des visites de la vieille ville bayonnaise !

Le vitrail trône parmi les nombreux espaces restaurés et les connaisseurs contemplent la « Cananéenne », c’est ainsi que l’on désigne la chapelle où se trouve l’objet de leur attrait. Cela permet de revisiter l’histoire de France dans cet édifice pour le moins dense de références du passé.

Cathédrale de Bayonne vitrail de la Cananéenne.jpg
Cathédrale de Bayonne : vitrail de la "Cananéenne" ©
Cathédrale de Bayonne vitrail de la Cananéenne.jpg

Aux historiens, le rappel de Louise de Savoie, mère de François Ier, et le visage de Marguerite d’Autriche, tante de Charles Quint, à l’origine de « La paix des Dames » en faveur de la libération des deux fils de François Ier retenus par l’adversaire et dont la restitution fut le travail assuré par ces deux femmes de pouvoir.
On y verrait sur le verre un personnage barbu d’un âge mature, l’empereur Charles Quint sous le profil du Judas Iscariote des évangiles, au nez avantageux, sous les traits d’un monarque intrigant et peu amène pour les Français.
Telle est l’histoire montrée ou illustrée de la France sise en ce lieu pour les visiteurs qui ne cessent de la reconnaître lors de leur passage.
La cathédrale dispose d’un reliquaire de saint Léon, le martyr de la cité, évangélisateur de la contrée des deux versants des Pyrénées, à ne pas confondre avec le roi Léon légendaire et logo coloré des fêtes civiles de la ville.
Et elle s'ouvre sur un cloître, le plus grand des cathédrales de France qui servit longtemps avant, puis après la révolution, de marché à la population locale, et renferme dans son sous-sol de nombreuses sépultures religieuses, avant le transfert de ces corps disparus au cimetière Saint-Léon, établi aux portes de la cité au cours du XIXème siècle.
Etape pèlerine sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, le site en a conservé la mémoire passée et présente si l’on en juge encore aujourd’hui par le nombre des passants faisant étape en ce lieu sur route vers la Galice.
Ce brassage des populations et des origines a enrichi le Musée Basque de nombreux objets mémoriels et d’une tradition littéraire orale des Pastorales, initialement en parlers locaux, récits populaires racontant la vie et les œuvres magnanimes de témoins de l’histoire et pour la ville et ses habitants.

Sur la toile

Si Bayonne est fière de la « Cananéenne », le Musée du Louvre conserve le travail au XVIIIème siècle sur le thème « Le Christ et la Cananéenne » de Jean-Germain Drouais (notre photo de couverture, ndlr), un jeune peintre talentueux mort à 25 ans, amoureux fou de sa Cananéenne en la personne de la fille du peintre qui le séduisait jusqu’à convenir aux desiderata de ce père en adoptant les enseignements pour son travail.
Le peintre Jean-Louis David avait reconnu son disciple et lui avait fait découvrir Rome l'éternelle mais pour peu de temps, emporté par la maladie, il n’en connut que quelques enchantements de courte durée.

« Le Christ et la Cananéenne » de Drouais témoigne selon les spécialistes « d’une parfaite assimilation des grands exemples picturaux du XVIIème siècle ».
Nicolas Poussin et Charles Le Brun sont connus du jeune peintre, son oeuvre de la Cananéenne rappelle plusieurs œuvres de Poussin dont Les aveugles de Jéricho et Le Christ et la femme adultère.

Drouais place la scène sur le parvis d’un bâtiment dans une ville antique. 
A l’arrière plan des palmiers, une pyramide tronquée, un gigantesque temple servent de cadre d’ensemble à l’artiste.
Au centre, le Christ ordonne la composition du tout, il est le trait d’union visuel entre la femme agenouillée au premier plan qui l’implore les mains jointes et un apôtre qui avance vers lui pour empêcher cet échange.
Une scène à trois, derrière des curieux qui observent avec précaution ou circonspection, point de fioritures sur la toile, la sobriété parlante des personnages pour eux-mêmes.

La Foi souveraine de la Cananéenne traverse les atermoiements des disciples, l’échange entre le Christ et cette femme du peuple est étonnant, quelque part on semble en Orient du côté de Tyr et de Sidon, l'imaginaire suit.
Le dialogue est saisissant et chacun comprend la force d’âme de cette femme résolue et inflexible :
"il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens, dit Jésus à son hôte ; elle rétorque : oui Seigneur mais les petits chiens justement mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres" !
Interloqué Jésus répond : "Femme grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux, et à l’instant même sa fille fut guérie" ! Mt 15, 26-28.

Les visages, les mains parlent pour leurs auteurs, cette femme à la foi invincible est une leçon pour les témoins et les disciples les premiers concernés, face à toute adversité seule la foi sauve, laisse entendre la réponse du Christ.

Notre photo de couverture : « Le Christ et la Cananéenne » de Jean-Germain Drouais

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