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Musique
Julian Gayarre, une « voix d’or » navarraise (1844-1890).
Julian Gayarre, une « voix d’or » navarraise (1844-1890).

| Louis d’Arcangues 1027 mots

Julian Gayarre, une « voix d’or » navarraise (1844-1890).

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Julian Gayarre ©
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Julian Gayarre dans « Les Pêcheurs de perles » ©
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Nous commémorons cette année le 130ème anniversaire de la mort du grand ténor navarrais Julian Gayarre qui fut considéré comme l’un des plus grands chanteurs d’opéra de son temps.

Né à Roncal dans cette belle vallée perdue des Pyrénées de Navarre au sein d’une modeste famille de bergers, il fait ses études dans l’école de son village, puis y travaille comme berger. Il devient par la suite forgeron à Lumbier, mais aussi vendeur dans une mercerie de Pampelune, avant d’être repéré pour sa belle voix. En 1862, Gayarre se lance dans les études de musique, toujours à Pampelune.

Il entre dans la formation chorale de l‘Orfeon Pamplones sous la protection du maître de chapelle et compositeur Hilarion Eslava (1807-1878) qui lui donne des leçons.
Il est ensuite envoyé à Madrid en 1865 où il obtient une bourse pour étudier au Conservatoire avec Leonardo Maria Puyg et fait sa première apparition publique à Tudela en 1867 dans une zarzuela.
L’année suivante il remporte un premier prix de chant au Conservatoire de la ville.

En 1869, suite aux évènements de la Seconde Guerre Carliste, Gayarre perd sa bourse et retourne à Pampelune où il obtient des fonds pour étudier en Italie avec le maître Giuseppe Gerli.

Il signe un contrat comme premier ténor pour le théâtre de Varesse où il fait sa première apparition dans « l’Elixir d’Amour » de Gaetano Donizetti (1797-1848) le 5 octobre 1869 : au moment de monter sur scène, il reçoit un télégramme lui annonçant la mort de sa mère, et son chant, empreint d’une profonde émotion, bouleverse l’assistance en lui apportant une notoriété immédiate.

C’est à partir de cette date que sa carrière démarre en Italie : il crée de nouveaux rôles, chante à Côme et à Pise, triomphe au théatre Carcano de Milan, puis à Crémone dans le rôle de « Ruy Blas » de Filippo Marchetti (1831-1902).
Il assure la première de l’opéra « Il Guarany » du composteur brésilien Carlos Gomes (1836-1896), mais les deux hommes de forts tempéraments ne s’entendent pas.

Sa carrière se poursuit avec régularité dans les grandes villes d’Europe : Séville, Bologne dans le rôle de « Tannhäuser » où il obtient un triomphe, Malaga, Saint-Pétersbourg, Vienne, Londres au Covent Garden où il fera trois saisons, et Madrid.
Il est déclaré meilleur ténor du monde après son interprétation dans « La Favorite » (*) à Milan, il se produit à Buenos Aires au Teatro Colon et au Brésil, reçoit les félicitations de Richard Wagner (1813-1883) après une représentation de « Lohengrin ».
En 1879, le ténor navarrais se fait construire une belle maison dans son village natal qui deviendra après son décès un émouvant musée ouvert à la visite où sont rassemblés les costumes et souvenirs de son extraordinaire carrière.

Les rôles s’enchaînent à Monte Carlo, Rome, Valladolid, Lisbonne, avec un succès grandissant.
Son père bien aimé qui a assisté à ses représentations décède en 1882.
Il tombe gravement malade à Naples en 1883 d’une infection pulmonaire, premier signe d’une santé qui restera fragile.
Cette même année, il est décoré par le Roi du Portugal ; en 1884 il est au Théâtre des Italiens à Paris ; en 1885, le gouvernement espagnol lui remet la Cruz de Isabel la Catolica. En 1886, il chante en français le grand opéra de Meyerbeer (1791-1864), « L’Africaine », il se produit à Barcelone, Madrid, Alicante et Londres.

Il retourne régulièrement dans son cher village de Roncal où il fait construire des écoles et un fronton (ndlr. : et à Pampelune, en compagnie de son compatriote le violoniste Pablo Sarasate, Gayarre était venu donner des concerts aux fêtes des San Fermines au profit d’un hameau détruit par un incendie. Les deux très proches amis n’avaient-ils pas, chacun, reçu le 13 juillet 1882, des mains du président de l’association Euskara, une médaille d’or après avoir interprété, la veille, le « Gernikako Arbola » - Gayarre, coiffé du traditionnel béret - devant une foule en délire assemblée sous le balcon de la « Fonda Europa » sur le paseo Valencia ? Le ténor roncallais entonnait d’ailleurs souvent l’hymne basque à la fin de ses récitals sur les plus grandes scènes mondiales, tout comme Sarasate promenait souvent entre la salle Pleyel et Covent Garden ce même morceau qu’il avait adapté au violon sous le nom de « Zortziko d'Iparraguire »).

En 1888 le gouvernement italien le nomme chevalier de la Couronne ; fin décembre, il chante pour la dernière fois à Naples et en avril 1889, il donne la première espagnole des « Pêcheurs de Perles » de Bizet à Madrid.
Le 8 décembre le drame se produit, sa voix se brise en pleine représentation des « Pêcheurs de Perles ».
Il tombe alors dans une profonde dépression, une bronchopneumonie grippale s’étant déclarée depuis plusieurs jours qui ne cesse de s’aggraver.
Le 1er janvier 1890 il reçoit l’extrême onction, et décède le jour suivant à peine âgé de 45 ans.
Il est enterré au cimetière de Roncal qui domine la vallée.
Un magnifique monument en bronze est érigé sur sa tombe par le sculpteur Mariano Benliure.

Il est plus que regrettable que Gayarre soit mort au moment où les techniques d’enregistrements étaient balbutiantes mais sur le point de se perfectionner, ce qui aurait permis de connaitre et d’apprécier sa voix qui fut considérée l’une des plus brillantes et les plus émouvantes de son époque.

Sa vie a inspiré plusieurs films, dont « Gayarre » (1959), de Domingo Viladomat, avec Alfredo Kraus dans le rôle principal.
Le théâtre de Pampelune a été nommé Teatro Gayarre en son honneur.

Biographies : - « Memorias de Julian Gayarre » de Julio Enciso Robledo, Bilbao, 1891.
- « Julian Gayarre, el Tenor de la Voz de Angel » de Florentino Hernandez Girbal, Barcelona, 1955.
- « Julián Gayarre. La voz del paraíso » d'Óscar Salvoch, Eunate Ediciones, Pampelune, 2015.

(*) Ndlr. : « La Favorita » a également donné son nom au restaurant géré à Madrid par la « Fundación Operística de Navarra » qui avait fait refaire et replacé un buste en bronze du ténor navarrais au « Teatro Real » de Madrid où il figurait jusqu'à sa fermeture en 1925. C'est en 1966 que le théâtre avait rouvert ses portes comme salle de concert dans un premier temps, mais le buste de Gayarre, œuvre de Mariano Benlliure, avait disparu. Voyez notre article en rubrique gastronomique.

Légendes :  1. « Gernikako Arbola » par Gayarre et son ami Sarasate au balcon de la Fonda Europa
2. Julian Gayarre dans « Les Pêcheurs de perles » 

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