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Histoire
Halloween, Samhain, gau beltza... ou Jaun Zuria ?
Halloween, Samhain, gau beltza... ou Jaun Zuria ?

| Alexandre de La Cerda 844 mots

Halloween, Samhain, gau beltza... ou Jaun Zuria ?

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"Arimen Gaua" ou nuit des âmes ©
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Entre les "célébrations" biarrotes d'Halloween importées des USA et "Gau beltza" ou nuit "épouvantable" qui occupera les Hendayais le 31 octobre aux Halles de Gaztelu (avec bal des sorcières de 16h30 à 18h, spectacle de feu de la compagnie Firestarter à 18h30, déambulations et animations musicales à 20h30 & 22h30), on ne manquera pas de "chatouiller" les esprits au cours de cette "Arimen Gaua" ou nuit des âmes...
A l'origine, d'anciennes coutumes partagées au sein de divers peuples européens, mais qui subsistent encore essentiellement parmi les populations celtiques, essentiellement en Irlande où l'on fête "Samhain".

Festivités qui feront surgir quelques personnages terrifiants des légendes du folklore irlandais, tel Jack O'Lantern, condamné à errer éternellement du ciel à l'enfer avec une braise dans sa lampe toujours allumée. Et même Dracula, dont on oublie que ce personnage avait été créé par l'écrivain dublinois Bram Stoker (qui aurait été inspiré par le chef celtique Abhartach), et dans les légendes de la Banshee (Bean Sidhe), qui pleure pour les âmes de ceux qui vont mourir... 

Au Pays Basque, aux frontières du rêve, Jaun Zuria  

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Jaun Zuria à l'arbre "malato" ©
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Pourtant, ces peuplades celtiques n'avaient pas fait qu'envoyer chez nous de méchants esprits venus d'ailleurs, et à "Gau Beltza", la nuit noire, on pourrait préférer un autre personnage "mythique" surgi sans doute des brumes occidentales...

Il s'agit de "Jaun Zuria" - seigneur blanc à la tignasse rousse - surgi dans les forêts biscaïennes depuis la lointaine Ecosse, à moins que ce n’ait été Lemor MacMorna, héritier exilé du trône d’Irlande débarqué à Mundaka, toujours afin de conduire les Biscaïens à la victoire sur leurs envahisseurs du Léon. D’ailleurs, le nombre de blonds ou de rouquins aux yeux clairs dans cette région a même suggéré à certains auteurs comme Jon Bilbao de situer l’origine des héros du côté des « vikings » ou au contraire, selon Jon Juaristi, parmi de nobles saxons exilés des Iles britanniques à cause des incursions de ces mêmes Vikings.

Toujours est-il qu’au neuvième siècle, les troupes asturiennes et léonaises affrontèrent les Biscaïens qui refusaient de payer le tribut imposé d’un bœuf, d’une vache et d’un cheval blancs. La bataille (dont les historiens recherchent encore les traces) aurait eu lieu à Padura qui gagnera depuis lors son nom d’« Arrigorriaga » en raison des « pierres ensanglantées » dues à la cruauté des combats. 
Vainqueur, Jaun Zuria ne poursuivit pas son ennemi au-delà du chêne « Malato » ou blessé, ainsi appelé car il y planta l'épée pour marquer les limites de son royaume.

Fait symbolique marquant des Basques qui se refusèrent désormais à toute guerre de conquête en dehors de leur territoire avéré, ce qui les desservit car leurs voisins castillans et aragonais ne s’en privèrent pas aux dépens de leur royaume de Navarre...
Mais, par ailleurs, les rois de Castille puis d'Espagne, devenus seigneurs de Biscaye, ne pourront enrôler dans leur armée, au-delà de cet arbre, leurs sujets biscayens, à moins de les rétribuer.
La légende, amplement iconographiée au XIXe siècle, en dit long sur cette fierté de peuple libre, jamais asservi, traitant d'égal à égal avec des souverains castillans venus régulièrement jurer d'observer ses libertés et franchises sous le chêne de Guernika.

Et même si l’on soupçonne fortement que l'histoire ait pu être « arrangée » et diffusée par les Castillans, lesquels avaient arraché la Biscaye au Royaume de Navarre dont elle était auparavant partie intégrante afin de ne pas avoir à justifier l’annexion d’une terre appartenant à un royaume voisin (et indépendant), il n’en demeure pas moins qu’embellie et transmises par des générations de conteurs et d’improvisateurs, elle a fini par épouser l’intense soif de liberté d’un peuple forgée au cours des âges. Tout en paraissant conserver une référence à quelque pacte ancestral conclu entre la population et son seigneur…

Mieux, s’adressant il y a soixante ans à des étudiants basques lors de son exil parisien, l’ancien ministre d’origine navarraise (il était natif d’Estella-Lizarra) Manuel de Irujo trouvait dans cet épisode du chêne « Malato » un argument à son « humanisme pacifique ». Celui qui se qualifiait de « chrétien, basque et démocrate » expliquait ainsi l’absence chez ses compatriotes de cet esprit de conquête qui anima bien d’autres peuples : « Les Basques qui ont donné un Francisco de Vitoria (véritable fondateur, sous la Renaissance, du droit international et du principe même des « droits humains ») étaient déjà des chrétiens de morale naturelle d’avant l’évangélisation qui s’interdisaient d’attenter à un peuple, à sa langue, à sa culture ou à son territoire. Ainsi, durant les luttes séculaires qui ont ensanglanté l’Europe, quand ils étaient vainqueurs, ils clouaient leurs armes au chêne « Malato » sans le dépasser. Cependant », ajoutait-il, « Qui observe cette philosophie correspondant au Septième Commandement de Dieu finit par être perdant face aux peuples dénués de ce genre de scrupules ; d’où le territoire toujours plus réduit occupé par les Basques et leur langue »… Mais, il se hâtait de citer l’éminent linguiste allemand Schuchartd : « Vous êtes antiques, mais vous n’êtes pas vieux. Je vous salue, comme on salue l’aurore ».

Notre photo de couverture : Jaun zuria prêtant serment de défendre les fors (libertés) des Biscaïens, par le peintre Anselmo Guinea (Musée Euskalherria à Gernika)

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