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Histoire
De Bayonne, Anglet à Dax et Tardets, on fêtera la Saint-Patrick
De Bayonne, Anglet à Dax et Tardets, on fêtera la Saint-Patrick

| Alexandre de La Cerda 1469 mots

De Bayonne, Anglet à Dax et Tardets, on fêtera la Saint-Patrick

Si la 38ème édition de la "Parade du St. Patrick's Day" est prévue pour le dimanche 22 mars à Bayonne dans le New Jersey (USA) avec un défilé qui remontera Broadway depuis la Cinquième Rue jusqu'au parc du comté d'Hudson, le Pays Basque ne sera pas de reste, de Bayonne à Tardets en passant par Anglet, sans oublier nos voisins landais...
Ainsi, ce samedi 14 mars, c’est Tardets en Haute-Soule qui lancera les festivités : l’hôtel bar restaurant Piellenia organise pour la troisième année consécutive la fête nationale irlandaise avec  dégustation de whiskies, bières irlandaises et baby Guinness à 20h30, suivie d’un concert à 22h30 avec les groupes Harat Honaka et Antton Larrandaburu.
A Bayonne, c’est le Katie Daly's Irish Pub (3, place de la Liberté) qui fêtera la Saint-Patrick le mardi 17 mars de 17h jusqu'à 2h du matin avec Guinness, bonnes musiques et cadeaux ! 
Anglet ne sera pas de reste avec le groupe « les Charly Mopps » qui se produira vendredi 20 mars à 19h30 au Centre Mercure (proche de Kiabi, 25 avenue Jean Léon Laporte). 
Et le 28 mars, ce sera au tour du « Femina » à Dax d’accueillir une « soirée celtique » de la Saint-Patrick destinée à rappeler l'ambiance festive des pubs de Dublin avec des airs traditionnels irlandais, quelques compos, et même des « petits clins d'oeil à la Bretagne »...
Car Saint-Patrick est célébré par les Irlandais du monde entier, aussi bien les expatriés que les descendants des nombreux émigrants, et sa popularité s’étend aujourd’hui vers les non-Irlandais qui participent aux festivités et se réclament « Irlandais pour un jour ». Les célébrations font généralement appel à la couleur verte et à tout ce qui appartient à la culture irlandaise. C’est la ville de New York qui abrite la plus grande parade pour la Saint-Patrick, avec plus de deux millions de spectateurs sur la Cinquième avenue, devant les tours du sanctuaire dédié à Saint-Patrick. Les premières manifestations de la Saint-Patrick à New York remontent à 1762, quand les soldats irlandais défilèrent dans la ville le 17 mars. Et à Québec, la « tempête de la Saint-Patrick » représente généralement la dernière tempête de neige significative de la saison.
Certes, la Saint-Patrick est d’abord la fête nationale en Irlande où elle est célébrée à Dublin et s'étend sur cinq jours de festivités avec un programme très riche, des parades, feux d'artifices, chasses au trésor dans la ville, musique et danses irlandaises, spectacles de rue, cirques en plein air... Les Irlandais ainsi que les nombreux visiteurs s'habillent de vert pour l'occasion ou arborent un trèfle sur leurs vêtements. Tous les symboles de l'Irlande sont là sans oublier la bière et le whisky qui coulent à flots. Le jour de la Saint-Patrick, dans tous les pubs et singing pubs, toutes les rues, toutes les placesde la verte Irlande en fête arborent le trèfle et la harpe.
Mais, la Saint-Patrick, c'est non seulement la fête incontournable de la catholique Irlande, où se mêlent la foi religieuse et l'amour ardent de la terre des pères - « Land of my fathers », chantent les Gallois -, c'est aussi l'exaltation des racines de l'Europe, celles de l'Irlande et les nôtres, si enfouies soient-elles et souvent niées par « l’air du temps » qui est voué aux mondialismes de tous ordres. On se prendrait même à espérer que la redécouverte de ces racines fassent également célébrer la Saint-Benoît, le patron de l'Europe… 

Mais qui était vraiment Saint Patrick ?
Nous sommes au Vème siècle : si le saint patron de l'Irlande en était bien originaire, il n’en fut  pas moins enlevéà l'âge de 16 ans par des pirates celtes. Il s'échappa et partit se réfugier en France où il devint prêtre puis évêque. Après avoir reçu une inspiration divine, il retourna dans son pays d'origine et aurait converti toute l'Irlande au christianisme. Une légende raconte aussi qu'il aurait fait fuir tous les serpents des terres irlandaises. Pour ce qui est du trèfle, autre grand symbole de l'Irlande, il paraîtrait que lors d'un de ses sermons, Saint Patrick utilisa un trèfle pour expliquer au peuple irlandais la Sainte Trinité.

De Jaun Zuria à Antoine d’Abbadie
Si la Saint-Patrick est fêtée ces jours-ci en maints endroits du Pays Basque et ailleurs, les liens historiques entre l'Irlande et notre région ne manquent pas. En particulier "Jaun Zuria", figure légendaire d’un seigneur blanc à la tignasse rousse débarqué d'Irlande au neuvième siècle pour conduire les Biscayens à la victoire sur leurs ennemis asturiens et léonnais venus les envahir. Mais il est d'autres liens de l'histoire irlandaise avec celle du Pays Basque, qui remontent encore bien avant les Romains. D’après la mythologie celtique insulaire, les Irlandais descenderaient de Míl Espáine, nom forméà partir de Milesius, du latin « Miles Hispaniae », signifiant « soldat d'Hispanie ». Ce personnage n'est certainement qu'une simple personnification d'une supposée migration par un ou plusieurs groupes depuis la péninsule ibérique vers l'Irlande. A l'appui de cette thèse, la proximité du celtibère avec les langues celtiques insulaires. Cette légende est la source du terme Milésiens qui fait référence aux Irlandais. Si cette invasion a été aussi grande que la mythologie le suggère, cela expliquerait la similarité génétique entre les Ibères du nord et les Irlandais.
Et les dernières études génétiques sur les populations nous font mieux comprendre ces échanges d’il y a plus de 2 000 ans.
Le Pays basque et les régions avoisinantes ont servi de refuge aux hommes paléolithiques durant la dernière glaciation majeure, quand les régions plus au nord étaient trop froides et trop sèches pour pouvoir y vivre continûment. Quand le climat se réchauffa au cours de cette période interglaciaire, les populations se seraient rapidement dispersées au nord, le long des côtes de l'Europe de l'Ouest. Les Basques, tout comme les Irlandais, montrent la plus haute fréquence d'un même haplogroupe (R1b) du chromosome Y de l'Europe de l'Ouest. 
Rappelons que pour les protohistoriens et les généalogistes, un haplogroupe désigne un groupe d'humains ayant un même ancêtre commun en lignée patrilinéaire ou matrilinéaire, c’est-à-dire en lignage masculin ou féminin. Pour simplifier, disons qu'au moins 95 % des hommes natifs du Pays Basque possèdent cet haplogroupe. L'Irlande, les régions côtières du pays de Galles, le centre et la côte ouest de l'Écosse ont été presque entièrement peuplés par les Ibères, et le reste des régions non anglaises de la Grande-Bretagne et de l'Irlande ont des taux élevés similaires. 
Il a effectivement existé un mouvement à très vaste échelle depuis la péninsule Ibérique, dirigé vers le nord, le long des côtes de l'océan Atlantique, qui commença dès le début du Néolithique, et peut-être même avant. Le nombre de correspondances exactes ou proches entre les clans de l'ouest et du nord de la péninsule ibérique avec ceux de la moitié ouest des îles britanniques est réellement impressionnant, bien plus que celui, plus faible, des correspondances avec les clans de l'Europe continentale. La génétique montre ainsi qu'une large proportion d'ancêtres des Irlandais était arrivée en Irlande depuis la péninsule ibérique, au moment où l'agriculture atteignait cette île...
Mais ces liens entre Pays Basque ne s'arrêtent pas là et l'histoire moderne nous en offre encore quelques exemples.
Ainsi, Antoine d’Abbadie, dont la famille était originaire d’Arrast en Soule, était né à Dublin en Irlande parce que son père, Arnauld-Michel d'Abbadie qui était fils de notaire royal et maître de la maison abbatiale d'Arrast avait dû fuir la révolution française à l'âge de vingt et un ans. Il s'était réfugié dans la catholique Irlande, comme un certain nombre de chrétiens basques ; il y fit sans doute, comme on disait, bonne figure et belle apparence, à défaut d'abondance de biens, puisqu'il épousera Elisa Thompson of Clark, héritière de l'un des principaux armateurs d’Irlande. Nature brave et intrépide - toutes qualités qu'il léguera à ses fils - Arnauld-Michel d'Abbadie reconstituera sa fortune grâce aux navires de son beau-père. Il fournissait des armes à la France napoléonienne via le port de Bilbao. Le paradoxe, c’est qu’il naviguait sous pavillon britannique car les Irlandais étaient sujets britanniques, or l’Angleterre assiégeait précisément la France à laquelle il fournissait les armes! 
Quant à son fils Antoine d'Abbadie, il est à l'origine d'un des sites emblématiques du patrimoine hendayais, où l'on retrouve des réminiscences de son Irlande natale où il avait passé les dix premières années de sa vie. Il s’agit d’Abbadia sur la Corniche hendayaise. Dans ce paysage légendaire sculpté par la mer et les vents se dresse le château de style néo-gothique irlandais qu’Antoine d’Abbadie avait commandé au célèbre architecte Viollet-le-Duc. Il y a fait ajouter sur les murs les boas, crocodiles et autres exotismes de pierre sculptée qu'il avait rencontrés lors de son séjour en Ethiopie à la recherche des sources du Nil Bleu. Et la demeure de notre savant basque se trouve dans un environnement grandiose, entre l’océan sauvage qui bat sans répit les hautes falaises et les vertes prairies tachetées de nonchalantes brebis qui lui rappelaient l’Irlande de son enfance ! 

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