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Biarritz/Anglet : le « toilettage » du phare s’est achevé
Biarritz/Anglet : le « toilettage » du phare s’est achevé

| Alexandre de La Cerda 1530 mots

Biarritz/Anglet : le « toilettage » du phare s’est achevé

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Jacques Faizant dessinait le phare "vu d'Anglet" ©
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Phare de Biarritz timbre Poste en partenariat avec National Geographic France.jpg
Le phare de Biarritz en timbre-poste ©
Phare de Biarritz timbre Poste en partenariat avec National Geographic France.jpg

C'est la société Ulma - faisant partie du groupe coopératif basque de Mondragon - qui avait hissé les échafaudages métalliques (plus d'une dizaine de tonnes) qui ont entouré la lanterne et son dôme de cuivre avec ses gargouilles en bronze du phare de Biarritz pendant l'année qu'a duré sa rénovation. Ils ont été enlevés récemment, après achèvement des travaux sur les installations électriques, les antennes téléphoniques, etc.

L'occasion de revenir sur la riche histoire de ce monument emblématique de Biarritz et d'Anglet (dont l'ancien maire, Victor Mendiboure, ne se privait pas de rappeler au dessinateur humoristique du "Figaro" Jacques Faizant qu'en tant qu'Angloy, il devait placer le phare sur le côté gauche de ses dessins).

Successeur de la "tour de la Haille" ("grand feu" en gascon) sur l’Atalaye où, depuis le moyen-âge, on faisait brûler de longues perches de bois afin d’avertir les pêcheurs biarrots que l’entrée du Port-Vieux était impraticable, le phare de Biarritz fut construit à la fin du règne de Charles X : ses premières pierres furent posées à la fin de l’année 1829 et son achèvement eut lieu sous Louis-Philippe.
Les lieutenants de marine et les échevins bayonnais n’avaient-ils pas décidé, déjà en 1733, d’élever à Biarritz et à leurs frais une nouvelle « tour de la haille » afin de signaler l’approche du port de Bayonne ?

C’est le rocher de Haissart ou Ahitzart, plus tard dénommé « cap ou pointe Saint Martin » qui fut choisi. Son nom provenait du basque « haitz-arte » signifiant « entre les rochers » (et non « ha(r)itz-arte, entre les chênes pédonculés », comme l’indiquent par erreur la plupart des auteurs. 
Se dressant sur le sommet de la falaise à 76 mètres au-dessus du niveau de la mer, il présente une tour légèrement tronconique dominant le bâtiment de service. 
Son fonctionnement débuta le 1er février 1834 ; l’allumage eut lieu sur la tour avec soubassement en maçonnerie de 44 m de hauteur dessinée par Augustin Fresnel. La pierre de taille était un grès bigarré provenant de la montagne voisine de la Rhune et le moellon, un calcaire compact de Bidache. Une cuve à mercure est installée en 1904 et le phare dispense alors 2 éclats groupés toutes les 10 secondes. 

Du haut de ses 248 marches, il domine la ville et son immense panorama s'étend depuis les Pyrénées jusqu'au sud des Landes. A ses pieds la Chambre d’Amour, souvent confondue avec Biarritz au grand dam de la commune voisine d’Anglet où elle est située. Un endroit mythique qui fut très visité - Napoléon Ier et Joséphine, la duchesse de Berry, Napoléon III, Edouard VII et beaucoup d’autres célébrités - à cause de la légende romantique des jeunes amants basques noyés dans la grotte pendant leur sommeil. Mais la renommée de cet endroit date des années vingt lorsque ce paradis naturel devint un prolongement élégant de la villégiature voisine.

Les phares répondent à une préoccupation ancienne.

«Qui peut dire combien d’hommes et de vaisseaux sauvent les phares»? Et l’historien Michelet de poursuivre : « La lumière, vue dans ces nuits horribles de confusion, où les plus vaillants se troublent, non seulement montre la route, mais elle soutient le courage, empêche l’esprit de s’égarer. Les anciens qui suivaient les côtes et les regardaient sans cesse, avaient, encore plus que nous, besoin de les éclairer. Les Étrusques, dit-on, commencèrent à entretenir les feux de nuit sur les pierres sacrées. Le phare était un autel, un temple, une colonne, une tour. Les Celtes en élevèrent aussi; de très-importants dolmens existent précisément aux points favorables d'où l'on peut le mieux voir des feux. L'empire romain avait illuminé, de promontoire en promontoire, toute la Méditerranée »

Mais en allumant ces feux, tous n’avaient peut-être pas d’aussi nobles intentions : ainsi, les lumières allumées sur certains rivages dangereux avaient pour but de guider les navires vers leur perte en les trompant et les faisant se fracasser sur les récifs : les naufrageurs pouvaient alors les piller à leur guise. Ou bien brouiller les pistes comme les habitants de Capbreton qui, pour décourager les pillards normands tentés par l’estuaire de l’Adour, auraient allumé un grand feu Torrèle, devant lequel, ombres mouvantes , ils passèrent et repassèrent sans cesse, faisant croire à un nombre impressionnant de défenseurs.

Le mot même de phare tire son origine de l’Antiquité, plus précisément d’un chef-d’œuvre de l’Egypte hellénistique du IIIe siècle avant Jésus Christ, le phare d’Alexandrie tire son nom de l’île de Pharos sur laquelle il a été érigé sur l’ordre de Ptolémée Ier. Sans aucun doute le plus remarquable et le plus connu, il n’est pourtant pas le premier. Durant l’Antiquité, la mer assure presque exclusivement l’essor tant politique qu’économique des civilisations. Les navires trouvent dans les hauteurs, parfois surmontées d’un temple ou quelque autre monument, des balises efficaces pour la navigation à vue. Pourtant cette signalisation maritime n’est pas suffisante la nuit et nos ancêtres, rendus amers par les trop fréquents naufrages, imaginent de construire des tours lumineuses. Si très peu ont survécu aux ravages du temps, différents témoignages attestent de leur existence : les Tours d’Hercule à La Corogne, celles d’Hannibal en Andalousie, près de Tripoli, en Grèce, à Ostie, Capri ou Messine en Italie, La Tour d’ordre à Boulogne-sur-mer, celle de Léandre en face de Byzance… Les phares avant LE phare s’appellent des tours, les phares après LE phare, s’appellent des phares.

Trait d’union entre le ciel et la terre, point lumineux visible au large, réconfort des navigateurs perdus, guide protecteur, signal du but atteint, on dit parfois que les phares dégagent pourtant quelque chose de triste, ou plus exactement de mélancolique. Souvent isolés, ces bâtiments plantés vers les étoiles se distinguent en trois catégories dans le jargon de leurs gardiens, les paradis s’ils sont à terre, les purgatoires s’ils sont sur une île, les enfers s’ils sont en mer. Habités par des ermites au Moyen Age, ils sont administrés par la Marine sous l’Ancien Régime et par les Ponts et Chaussées à partir de l’Empire. En France, c’est surtout à partir du XVIIe siècle que l’on édifie des phares, tant pour répondre au développement de la marine marchande que pour baliser les ports militaires. Colbert et Vauban jalonnent les côtes françaises de nouvelles tours à feux.

Le célèbre phare de Cordouan dans l’estuaire de la Gironde

Quant à l’architecte Louis de Foix qui détourna le cours de l’Adour à Bayonne, il dut sa célébrité à la construction à l'embouchure de la Gironde du phare de Cordouan, « ce cierge dansant sur un champ d’écumes » (*).
La circulation des navires était très dangereuse à la sortie de l’estuaire de la Gironde. Au XIVe siècle, le Prince Noir, prince d'Aquitaine et fils aîné du roi Édouard III d'Angleterre, qui gouverna la Guyenne de 1362 à 1371, ordonna la construction d'une tour au sommet de laquelle une personne vivait recluse et allumait de grands feux, la Tour du Prince Noir. Mais, cette tour fut vite abandonnée, et, deux siècles plus tard, elle était en ruines. À la fin du XVIe siècle, le Maréchal de Matignon, gouverneur de Guyenne, se préoccupa à son tour de la sécurité de la navigation dans l'estuaire. Le 2 mars 1584, en présence de son ami Michel de Montaigne, maire de Bordeaux, il passa commande du phare de Cordouan à Louis de Foix.

A la construction du phare, qualifié d'« œuvre royale », Louis de Foix va consacrer 18 ans de sa vie et toute sa fortune. 
Il mourra en 1602 avant d'en voir la fin. Les travaux nécessitèrent l'édification et le maintien en état continuel de défenses en grosses pierres de taille entre-liées de bois tout autour du plateau pour protéger la cité ouvrière. Celle-ci comprenait notamment, en dehors des chantiers proprement dits, un four à chaux, des ateliers, une menuiserie, une charpenterie, un charronnage, une forge, des logements pour l'ingénieur et jusqu'à cinquante ouvriers, des magasins de vivres, un chai pour le vin, un moulin à blé, un four à pain, et enfin une écurie pour les six ou sept chevaux qui charriaient les matériaux ainsi qu'une grange pour leur fourrage. 

Son fils reprendra la succession de Louis de Foix, mais lui aussi s’y ruinera et il transmettra le flambeau à François Beuscher, ancien conducteur de travaux de Louis de Foix qui termina son œuvre en 1611, soit 27 ans après la signature du contrat. Lors de sa mise en service dès sa construction terminée en 1611, le phare était constitué d'un petit dôme à huit baies fermées de vitraux. Dans un bassin placé sur un piédestal en bronze, on brûlait du bois enduit de poix, d'huile et de goudron. La fumée était évacuée par une pyramide creuse de 6,50 m de hauteur. Le feu était situé à 37 m au-dessus des plus hautes mers. Une fois le phare achevé, les défenses n'étant plus entretenues, la mer eut rapidement raison de ce qui subsistait de la cité ouvrière, ne s'arrêtant qu'au roc de l'îlot de Cordouan. L’automatisation des phares a eu raison de la profession des gardiens dont les derniers ont quitté, non sans mélancolie, leur abri de Cordouan en juin 2012.

(*)  L'histoire du phare de Cordouan a été merveilleusement contée par l'écrivain Jean-Pierre Alaux dans "Passeport pour Cordouan - Le Versailles des mers" et « Avis de tempête sur Cordouan ».

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Le phare de Biarritz avec ses échaffaudages en novembre 2019 © A. de L.C. ©
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Le phare débarrassé de ses échaffaudages © Jacques Larre ©
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Répondre à () :

BAIONAKO ORTZADARRA | 09/12/2020 10:58

Un article particulièrement intéressant , nous apprenant beaucoup de choses

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