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Cinéma
Tous les contes n’ont pas une fin heureuse… Quand le diable s’en mêle !
Tous les contes n’ont pas une fin heureuse… Quand le diable s’en mêle !

| Alexandre de La Cerda 544 mots

Tous les contes n’ont pas une fin heureuse… Quand le diable s’en mêle !

Décidément, l’épopée des guerres carlistes inspire le cinéma basque. Après « Handia » de Jon Garaño et Aitor Arregi (notre Lettre du 9 février dernier), « Errementari » (le forgeron et le diable), nouvelle production d’Outre-Bidassoa, se déroule à cette époque troublée, entre les première et deuxième guerres carlistes : en 1841, un envoyé du gouvernement est dépêché sur les traces d’un mystérieux forgeron solitaire vivant au plus profond d’une forêt. Les villageois de la région le craignent et l’accusent même d’avoir scellé un pacte avec le démon qu’ils entendent chaque nuit hurler du plus profond de sa forge. Un jour, une jeune orpheline du nom d’Usue vient à pénétrer en ce lieu, menaçant de révéler le terrible secret du forgeron, réveillant une menace qui les mènera jusqu’aux portes de l’Enfer ! Il s’agit du premier long-métrage du réalisateur alavais de Vitoria-Gazteiz, Paul Urkijo, qui s’est inspiré d’une légende recueillie dans la mythologie locale par Jose Migel Barandiaran.

Mais une des particularités intéressantes de « Errementari » est l’emploi du dialecte alavais - quasiment disparu - de la langue basque, tel qu'on le parlait encore au XIXe siècle, et qui a été restitué pour le film afin de lui conférer une « authenticité de son ancestrale » avec le concours de linguistes, dont Koldo Zuazo, auteur du livre « Arabako Euskara » et lauréat du dernier Biltzar des Ecrivains pour son ouvrage consacré à Sare où il avait recueilli plus de 4000 mots basques spécifiques à la localité labourdine.

« Errementari » frappe avant tout par cette atmosphère que dégage une imagerie plongeant dans un légendaire basque superbement exprimé grâce la foisonnante esthétique nourrie de jeux de couleurs et d’éclairage, particulièrement au niveau des couleurs chaudes, rouge et orange. La participation du scénariste Alex de La Iglesia - qui avait déjà tourné « Les Sorcières de Zugarramurdi » (2013) - confère au film ses notes d’humour, noir à l’occasion. La conception des personnages revêt un tour savoureux, entre autres, Usue, une gamine qui montre un sacré tempérament et Sartael, un diable quelque peu « malchanceux » joué avec une gestuelle et une voix parfaites par Eneko Sagardoy, récent prix « Goya du meilleur nouvel acteur » dans « Handia », ainsi que l’acteur Kandido Uranga dont la corpulence et la voix profonde font merveille dans le rôle du forgeron misanthrope ; remarquable, également, Gorka Aguinagalde, acteur de télévision de longue date qui interprète le lieutenant. Les lieux de tournage sont très bien adaptés à l’histoire : Muskiz et Ubidea en Biscaye, Aizpurutxo, Itsaso et Agorregi en Guipuzcoa, Antoñana, Korres et le parc technologique de Miñano en Alaba.

Aux antipodes du cinéma commercial pour de nombreuses raisons, à commencer par son budget (modeste) malgré un emploi ingénieux d’effets spéciaux sans exclure les techniques traditionnelles, le maquillage, les costumes et la bande-son - composée par Pascal Gaigne (*) qui écrit pour l’Orchestre d’Euskadi, également lauréat du « Goya de la meilleure musique originale » pour « Handia » - en font un film drôle et très enraciné dans l’histoire, la tradition mythologique et des caractères basques bien trempés. « Errementari » apporte ainsi une note de fraîcheur distincte du cinéma conventionnel en remportant le prix du public au 28ème festival du film fantastique de Saint-Sébastien.

* Bande originale d’« Errementari » composée par Pascal Gaigne disponible chez Quartet Records.

Alexandre de La Cerda

Légende : « Errementari », une ambiance avec des caractères basques bien trempés.

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