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Cinéma
La critique de Jean-Louis Requena
La critique de Jean-Louis Requena
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| Jean-Louis Requena 721 mots

La critique de Jean-Louis Requena

« Edmond » - Film français d’Alexis Michalik – 110’

Edmond Rostand (Thomas Solivérès) est un jeune poète de 29 ans. Depuis 1891, Il est marié avec Rosemonde Gérard également poétesse. Le couple a déjà deux garçons : Maurice (1891/1968, dramaturge, romancier) et Jean (1894/1977, biologiste, historien). Ses pièces de théâtre, malgré la présence de Sarah Bernhardt (Clémentine Célarié) dans la dernière, « La Samaritaine », ne nourrissent pas sa petite famille. Il est anxieux, déprimé, par son manque de réussite théâtrale. Constant Coquelin (Olivier Gourmet) dit Coquelin l’Aîné, est un grand comédien de la Comédie Française qui, fâché avec celle-ci après 30 ans de bons et loyaux services, devient directeur du Théâtre de la Porte Saint Martin.

En cette fin d’année 1897, il cherche, en toute hâte, une pièce pour relancer son théâtre.

Constant Coquelin et son fils Jean (Igor Gotesman) rencontrent Edmond Rostand dans une brasserie parisienne, très animée, où ce dernier a ses habitudes. Disert, généreux il lui commande une tragédie héroïque en 3 actes pour les fêtes de fin d’année. Edmond, stressé, n’a aucune idée sur le sujet à développer. Il improvise un thème, rédige le texte du premier acte en s’inspirant des échanges entre les consommateurs de la brasserie et son patron, monsieur Honoré (Jean-Michel Martial), grand noir jovial.

Le premier acte est en vers (alexandrins !), le second aussi… Il ne faut pas perdre de temps… Les répétitions commencent pendant la rédaction, laborieuse, de Rostand. Pour nourrir son texte, il pioche autour de lui les incidents, les quiproquos nombreux : Georges Feydeau (Alexis Michalik) et Georges Courteline (Benjamin Bellecour), auteurs à succès, viennent le narguer, un duo de proxénètes corses producteurs de la pièce imposent leur protégée Maria Legault, insupportable comédienne (Mathilde Seigner), Edmond tombe amoureux de Jeanne d’Alcie (Lucie Boujenah), habilleuse, etc… C’est un tourbillon incessant, une ronde infernale… Edmond compose un quatrième acte puis un cinquième… C’est la fuite en avant… Le désastre annoncé de la tragédie héroïque voulue par Coquelin l’Ainé pour sauver son théâtre semble inéluctable…

Le 28 décembre 1897, dans l’urgence, la première représentation va avoir lieu… Le Tout Paris est dans la salle. Edmond est persuadé de la catastrophe imminente, d’un four monumental… Le rideau se lève…

« Edmond », premier film d’Alexis Michalik (36 ans) est l’adaptation de sa pièce éponyme, laquelle « brûle les planches » au Théâtre du Palais Royal à Paris depuis 2016. Sa comédie burlesque, mécanique infernale à la Feydeau qui aurait rencontré le cinématographe naissant, narre sur un mode humoristique, rapide, décalé, la création dans la douleur, de l’œuvre théâtrale mythique du répertoire français : « Cyrano de Bergerac », tragédie héroïque en cinq actes et en vers. C’est une mise en abyme judicieuse qu’Alexis Michalik a réussie sur le plan théâtral et qu’il tente ici de transformer dans l’univers particulier du cinéma.

Le cinéma, ce n’est pas le théâtre : le langage est différent, les exigences, les contraintes de toutes sortes également (économie, budget, temporalité, acteurs, etc.). Lorsqu’il s’en inspire trop, le résultat est consternant : c’est du théâtre filmé ou rien du langage spécifique du cinéma n’est retenu. C’est d’une platitude illustrée plus ou moins laborieusement (les innombrables téléfilms). C’était le danger pour le premier opus de l’auteur, scénariste de surcroît, qui doit repenser son ouvrage en fonction des impératifs cinématographiques : budget, durée du tournage, casting, découpage des scènes, etc. Autant d’écueils prévisibles qu’évite avec adresse Alexis Michalik. Son premier long métrage, au budget confortable, est très rythmé malgré quelques facilités dans sa première partie : de longs mouvements de caméra inutiles, des effets spéciaux appuyés. Il faut toutefois reconnaître que cela était tentant face aux moyens dont le réalisateur disposait. Dans la seconde partie, qui précède la représentation, Alexis Michalik resserre son propos sur le jeu des acteurs, tous excellents, par ailleurs, dans leur rôles.

C’est un film de « Qualité Française », ambitieux dans sa forme visuelle, où tous les personnages sont attachants, avec ses « excentriques » propres à ce genre, et qui lorgne du côté des grands maîtres du cinéma mondial : Jean Renoir (« French Cancan » – 1954), Stephen Spielberg (« Hugo Cabret » – 2010), etc.

Un bon divertissement cinématographique qui prolongera le plaisir de ceux qui ont vu la pièce au théâtre - récompensée par cinq Molière - et ceux qui la découvriront dans cette version tonique, adaptée pour le grand écran.

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