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Cinéma
La critique de Jean-Louis Requena
La critique de Jean-Louis Requena
© DR

| Jean-Louis Requena 709 mots

La critique de Jean-Louis Requena

The Spy Gone North - Film sud-coréen de Yoon Jong-bin – 141’

Séoul 1993, capitale de la Corée du Sud. La guerre de Corée (1950/1953) est finie depuis 40 ans. Un seul peuple a été tronqué en deux états antagonistes : la République Populaire Démocratique de Corée soutenue par le « bloc communiste » et la Corée du Sud épaulée par les « régimes démocratiques » en premier lieu les Etats-Unis. Ces deux nations sont séparées par une zone démilitarisée (DMZ du 38ème parallèle). Périodiquement, des tensions naissent au gré des évènements politiques, incidents militaires ou diplomatiques.

En Corée du Sud, à Séoul, des bruits persistants, alarmants, se répandent dans les sphères du pouvoir au sujet du programme nucléaire développé (ou pas) par l’ennemi du nord. Le régime dictatorial, ubuesque, de Kim Jong-Il, est une forteresse impénétrable. Tous les agents du sud infiltrés ont été décelés et éradiqués. Les services secrets désemparés cherchent une solution afin de rétablir une source d’information.

Ils l’ont trouvée en la personne d’un ancien officier, Park Seok-yeong (Hwang Jeong-min), qui accepte la périlleuse mission sous le nom de code de « Black Venus ». Sa couverture sera celle d’un « businessman » patron d’une agence de communication. A Pékin, plaque tournante des négociations internationales, il rencontre une délégation menée par le Conseiller Economique de la Corée du Nord, Ri Myong-un (Lee Sung-min). Un respect, une fascination réciproque, lient ces deux hommes que tout sépare (capitalisme contre communisme) mais appariés par la même langue. Un jeu dangereux se développe car les dirigeants du nord, civils ou militaires sont très méfiants devant ce beau parleur affairiste. Après bien de palabres, d’obstacles à surmonter, une rencontre surréaliste a lieu dans l’immense palais de Pyongyang avec Kim Jong-Il qui surgit, escorté de ses gardes du corps et de son petit caniche blanc. La situation semble d’un coup se débloquer par la seule approbation du « Dieu Vivant » petit homme bedonnant, énigmatique à la parole rare. « Black Venus » va peu à peu pouvoir se déplacer, quoique qu’étroitement surveillé, dans les zones interdites et comprendre la situation réelle du pays.

Au péril de sa vie, toujours en alerte, « Black Venus » engrange des informations de première main tandis qu’à Séoul la politique erratique de ce régime fraîchement démocratique (1987) prend le dessus. Ses chefs s’affolent… l’ennemi nécessaire du nord ne le sera peut être plus avec de nouvelles élections. « Black Venus » sent le piège se refermer sur lui…

Yoon Jong-Bin (39 ans) de la jeune génération prometteuse des réalisateurs sud coréen, nous propose (il est également coscénariste) un thriller haletant sur des faits vrais qui se sont déroulés dans cet extrême orient durant les années 90. Il nous offre à voir son long métrage virtuose, à la mise en scène nerveuse, inspirée, à l’image cadrée, froide, exempte de teintes chaudes. Nonobstant la durée du film (2h21 minutes) nous sommes aspirés par l’odyssée angoissante du personnage principal qui joue, solitaire, une partition parsemée de chausse-trappes. Cela ressemble à un roman de l’écrivain anglais John Le Carré par la complexité du récit (heurté) et la conclusion (provisoire) toujours amère.

Un jeune cinéaste Coréen du Sud nous invite à nous immerger dans un film de qualité loin des poncifs affligeants de ce genre cinématographique (film d’espionnage). Ici pas d’exploits sportifs insensés, de tueries, d’explosions dantesques, etc., rien d’autre qu’un homme seul, désabusé, avec ses espoirs et ses craintes. Sous une surface lisse, banale, par sa seule volonté, « Black Venus » maintient le cap sur ce qu’il croit, alors que ses commanditaires opportunistes vacillent. En miroir, son principal interlocuteur du nord, Ri Myong-un fait de même… symétrie troublante.

L’industrie cinématographique sud coréenne « Hallyuwood » est florissante grâce aux mesures de protection que les dirigeants ont prises il y quelques années afin de contenir le déferlement des blockbusters américains. Depuis quelques années nous constatons le résultat de cette politique : vivacité de ce cinéma national toujours sélectionné, souvent primé, dans les festivals internationaux…

The Spy Gone North est un thriller passionnant, à voir, qui dépasse le simple divertissement (James Bond, Jason Bourne, Jack Reacher, etc.) que l’industrie cinématographique nous propose à longueurs d’année.

Jean-Louis Requena

 

VISUEL / DR

 

« The Spy Gone North » de Yoon Jong-bin

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