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Histoire
« Guernica » Gernikara : batailles pour un tableau
« Guernica » Gernikara : batailles pour un tableau
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| Alexandre de La Cerda 793 mots

« Guernica » Gernikara : batailles pour un tableau

Jeudi 17 août prochain, dans le cadre de la douzième édition, à la Tour de Bordagain, de l’exposition « Les peintres de la Nivelle, repaire d’artistes » dont il est l’organisateur et le commissaire, le collectionneur Robert Poulou fera une conférence sur le « Guernica » de Picasso. L’occasion pour nous de revenir sur l’histoire tourmentée de cette œuvre liée à l’histoire du Pays Basque.

Le musée Guggenheim, la mairie de Guernica et d’autres institutions basques ont plus d’une fois essayé d’obtenir du ministère de la culture espagnol le transfert définitif au Pays Basque du célèbre tableau de Picasso intitulé « Guernica ». Malgré l’appui trouvé auprès des survivants du bombardement et de quelques associations « mémorielles », ces demandes n’ont aucune chance d’aboutir en raison des objections avancées régulièrement à l’encontre de leurs requêtes : « Guernica restera au Reina Sofia », réaffirment toujours les responsables du musée madrilène et le gouvernement. Cette œuvre « emblématique et centrale » de la collection d'art contemporain du musée et son état « très délicat » de conservation exclut tout déplacement, avait indiqué le conseil d'administration du musée. Bien qu’il ait fait le tour du Monde, c’est l'état de fragilité de « Guernica » qui est régulièrement invoqué à Madrid pour refuser son déplacement et son exposition au Pays Basque… Rappelons que le tableau a voyagé en Europe et aux Etats-Unis où il a longtemps été exposé au Musée d'art moderne de New York qui l’avait été restauré avant de le céder à l’Espagne en 1981. D’abord au Prado, « Guernica » a intégré depuis 1992 le musée d’art contemporain Reina Sofia.

Les avatars « basques » du « Guernica »
Le gouvernement républicain avait commandé à Picasso une grande toile pour le pavillon espagnol de l'Exposition Internationale de Paris, en 1937. L'artiste travaillait déjà depuis quelque temps sur des gravures représentant « les songes et les mensonges de Franco », il s'en inspirera lorsque le bombardement de Gernika, cristallisant ses idées, lui fit réaliser sa célèbre peinture. Selon les universitaires Fernando Martin et Joseba Zulaika (dans « Guggenheim Bilbao. Cronica de una seduccion »), une première approche de l'artiste avait été effectuée par le peintre José Maria Ucelay, commissaire basque de l’exposition, qui aurait cependant préféré une œuvre d’Aurelio Arteta pour représenter Euskadi.
Toujours est-il que c’est Picasso qui eut les faveurs du gouvernement républicain de Madrid, décisionnaire en la matière.
Sa peinture réalisée, Picasso la montra d'abord par courtoisie au ministre de la justice, Manuel de Irujo, d'origine basque, qui lui déclara sans ambages, « qu'elle lui procurait la rage au cœur », ce qui était bien la volonté affirmée de l'auteur ! Plus tard, sur l'initiative du député basque Jauregui et en souvenir des victimes de Guernica, Picasso (resté unique propriétaire de l'œuvre tout en ayant touché 150.000 F pour sa réalisation) songea à l’offrir au gouvernement basque en exil, pour peu que le président Aguirre lui en fît la demande.
«  Pourquoi donc aurais-je besoin de cette satanée croûte ? » aurait répondu le Lehendakari (la phrase exacte aurait été « Para que quiero yo esa birria de cuadro ? », ce qui correspondrait à « pourquoi voudrais-je cette cochonnerie de tableau ? »).
Il semble, par ailleurs, que contrairement à beaucoup d’affirmations, Max Aub, attaché culturel à ambassade d'Espagne, sous-commissaire du Pavillon espagnol à l'Expo de 37 et commanditaire de la fresque avait attribué à Picasso 150.000 F pour les frais de réalisations sous la condition précise que « quand l'exposition serait terminée, l'artiste resterait l'unique et absolu propriétaire de la peinture, et qu'il pourrait en faire ce que bon lui semblait. Le gouvernement espagnol, du passé, du présent ou de l'avenir, n'a rien à faire avec Guernica ». (lettre de Max Aub du 23 janvier 1970 citée par Herbert Southworth dans « La destruction de Guernica », Ruedo Iberico 1975 - page 362).

Une bible mozarabe du Xe siècle
« Last but no least », comme disent les Anglais, des chercheurs n’avaient pas manqué même « d’accuser de plagiat » Picasso en comparant son tableau à une bible mozarabe datée de 920 et conservée aux archives de la cathédrale de Léon. « La ressemblance des enluminures ornant ce document avec les figures du tableau de Picasso évoqueraient plus qu’une coïncidence », affirment les spécialistes, citant en particulier « le taureau symbolisant dans la bible l’évangéliste Saint Luc, ainsi que le cheval dont la gueule laisse échapper une espèce de couteau ou de pointe de lance, et même les figures humaines, bien que dans une moindre mesure, ainsi qu’une espèce de métamorphose fondant les éléments végétaux et les animaux, et les végétaux avec les humains, comme dans la bible de Léon ».
Cette Bible avait été exposée à Barcelone en 1929 et huit ans plus tard à Paris, soit en 1937, année de la réalisation de son tableau par Picasso « qui aurait pu ainsi s’en inspirer », affirme le directeur du Musée de la Cathédrale de León, Máximo Gómez Rascón.

Alexandre de La Cerda

 

 

 

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