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Tradition
Les Rois Mages au Pays Basque (suite)
Les Rois Mages au Pays Basque (suite)
© DR - La procession de l’Épiphanie à Saint-Jean-de-Luz

| Alexandre de La Cerda 1063 mots

Les Rois Mages au Pays Basque (suite)

Nous avions vu (dans la Lettre du 27 décembre, notre article « Dimanche 5 janvier à Saint Sébastien : la Cavalcade des Rois-Mages » en rubrique « Histoire ») que la tradition des Rois Mages demeurait particulièrement vivante au Pays Basque, des deux côtés de la Bidassoa, et donne lieu à de nombreuses manifestations, d’abord en tant que fête des enfants comme dans toute l’Espagne et, particulièrement dans les provinces du Pays-Basque Sud, c’est l’occasion, de quêtes, de chants, et divers rites. 
Cette période qui va du 5 janvier au soir au 6 janvier est appelée sous différents noms : Reyes Magos, Apalasioak, Iru Iregian, (trois rois) Trunpanaya (à Oyarzun), Eregen (à Bedia...) Dans la plupart des villages et même des villes la tradition consiste à la visite de trois jeunes ou de trois adultes à pied ou à cheval, habillés en Roi. Dans certains villages la visite des Rois Mages est précédée d’une adoration des rois devant une crèche vivante ou non, dans l’église ou à l’extérieur (à Lesaka, d’autres fois c’est l’occasion d’un très important défilé «folklorique » (Saint Sébastien), de distributions de cadeaux...
Le jour de L’Epiphanie est aussi l’occasion de faire bénir un pain spécial (appelé Mokotxa à Forua), ce pain est souvent offert par le parrain à son filleul. Dans d’autres lieux la coutume est de glisser une fève dans le pain ou le gâteau confectionné pour l’occasion, le premier qui la trouve doit en offrir un autre, voir dans certain village offrir au lieu du pain, une dorade (à Zarautz). A Peralta en Navarre l’on célèbre chaque année une fête appelée «fête du Roi de la fève», celui qui a la fève est nommé Roi. Dans d’autres villages c’est le jour choisi par le groupe des jeunes pour élire son «responsable annuel » souvent appelé: «Mayordomo» (Alsasua,...) Parfois comme à Oyarzun la coutume consiste en différentes offrandes (pains, fruits, cierges,...) dans l’église en souvenir des cadeaux offerts par les Rois Mages à Jésus. En Alava, à Labastida, les bergers rejouent l’antique «Pastoral» (rituel chanté et dansé) déjà présenté la nuit de Noël.
Durant cette période (du 5 janvier au soir au 6 janvier), les enfants de beaucoup de villages (Zalla, Sopuerta, toute la zone biscayenne de Bustiri et Durango) vont de maison en maison pour quêter. Durant la vigile de l’Epiphanie beaucoup de jeunes gens ont coutume de descendre dans la rue pour faire du vacarme, avec des cloches, des casseroles, des vieilles boîtes de conserves (Lumbier), à Ituren et Zubieta les « Joaldunak » vont de ferme en ferme à travers la montagne en produisant avec leurs grosses cloches un véritable tapage nocturne.

A Saint-Jean-de-Luz et Ciboure
On trouve également des coutumes originales - liées à cette période de l’Epiphanie - de notre côté de la Bidassoa, en particulier à Saint-Jean-de-Luz où cette fête est doublement religieuse : tout en constituant la fête de l’Epiphanie avec les Rois Mages, c’est aussi une Fête Dieu (Besta-Berri) mais chose curieuse : en hiver. L’origine historique de cette fête Dieu en hiver serait une demande de décalage exceptionnel demandé fin XVème - début XVIème siècle à Rome, afin de permettre aux marins pêcheurs de morue à Terre-Neuve d’être présents, car cela leur était impossible au printemps pour la date normale de la Fête-Dieu, en fonction du calendrier des pêches (rappelons que cette fête, très ancienne, avait été instituée en 1264 para le pape Urbain IV, et sa date varie entre mai et juin en fonction de la date de Pentecôte, qui elle-même dépend de Pâques qui est une fête mobile). Or en 1578, on évaluait à 3000 hommes et 80 navires les Terre-Neuvas luziens. Ce décalage fut peut-être aussi l’occasion saisie par l’Eglise pour mettre fin à des rituels plus païens. D’ailleurs, la ville voisine Ciboure possède pour le même motif, une fête Dieu décalée en hiver à la date du 22 Janvier (jour de la Saint Vincent), et au cours de la procession, les marins portent une barque sur leurs épaules.

Il semble donc que le cortège des Rois Mages soit plus ancien que la Fête-Dieu d’hiver : il a peut-être pu exister en plein Moyen-Age sous une forme moins solennelle. Voici comment Pierre Larramendy, ancien maire de la ville,  décrivait cette tradition dans les années vingt : « Dans la vaste église paroissiale, ou Louis XIV fit d’une petite infante la souveraine de la première puissance du monde, le rétable somptueux est illuminé: depuis le maître-autel, c’est le départ de la procession. La croix s’ouvre une route dans la foule comme une mer prodigieusement docile; sur deux rangs s’avancent les enfants, les jeunes gens et les hommes et, à l’intérieur de cette double haie, un autre cortège celui des Rois. Bannières, drapeaux, emblèmes de confréries médiévales, bérets rouges de musiciens. Précédé d’un angelot élevant l’Etoile en haut d’une pique, voici les porteurs de reliques. 
A cet endroit du cortège s’avançaient les trois Mages. Vient ensuite dans la magnificence des ornements offerts par le Roi-Soleil, le dais blanc et or du Saint-Sacrement que soutiennent tour à tour, tant l’ostensoir est pesant, plusieurs groupes de prêtres ; enfin, car la cérémonie est également civique, le Maire et ses adjoints. Et la babillante cohorte des femmes dont le sens de l’ordre ne répond que par moments trop brefs à la très ardente piété...». Cependant, d’après Philippe Veyrin et la mémoire collective des vieux luziens, jadis les Rois Mages n’avaient pas la même apparence. Ils étaient représentés non pas par des enfants, mais par « trois robustes marins vêtus d’écarlate et montés à cheval, ils étaient précédés par un ange adulte porteur d’une étoile dorée. Ces beaux cavaliers venaient gravement frapper à la porte même de l’église, celle-ci s’ouvrait devant eux pour laisser passer la procession dont ils prenaient la tête à travers la ville jonchées de verdure. Certains Luziens racontaient que jadis les Rois Mages venaient du Quartier Accotz à cheval, d’autres, qu’ils rentraient à cheval dans l’église…

Ce dimanche 5 janvier à 15h30, la procession de l’Épiphanie se déroulera, comme elle le fait depuis plus de cinq siècles à Saint-Jean-de-Luz, avec le cortège des jeunes figurant l’adoration des rois mages, suivie des Vêpres à 16h à l’église saint Jean-Baptiste (la veille, samedi 4 janvier de 10h à midi, une répétition générale du cortège des Rois mages aura lieu à l’église). Une vieille tradition qui perdure grâce aux nombreux participants : encadrement, habilleurs, maquilleurs, parents, et bien entendu les jeunes qui font partie du cortège...

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