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Histoire
Le premier lehendakari José Antonio Aguirre ou la modernité d’Euzkadi
Le premier lehendakari José Antonio Aguirre ou la modernité d’Euzkadi
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| Alexandre de La Cerda 904 mots

Le premier lehendakari José Antonio Aguirre ou la modernité d’Euzkadi

L’anniversaire de la disparition en exil, le 22 mars 1960, de José Antonio Aguirre, premier lehendakari ou président du gouvernement d’Euskadi pendant la guerre d'Espagne, donnera lieu à la célébration d’une messe anniversaire en sa mémoire ce dimanche 24 mars à 11 heures à la chapelle Notre-Dame-de-la-Paix au quartier du Lac à Saint-Jean-de-Luz. L’office sera suivi d’un temps de recueillement sur sa tombe, au cimetière Haice-Errota, puis d’une réception au Batzoki (6, rue Augustin-Chaho). Natif de Bilbao, joueur de football à l’Athletic Bilbao, étudiant à l’université de Deusto, avocat de formation, Aguirre avait d’abord été élu maire de Getxo en Biscaye, président national de l'Action Catholique espagnole et plusieurs fois député aux Cortès (chambre des députés à Madrid) sous les couleurs du Parti nationaliste basque EAJ-PNV dont il était un des responsables.La veille de prêter serment comme lehendakari le 7 octobre 1936 devant un parterre d'élus basques réunis autour du chêne de Guernica, il avait « juré solennellement d’offrir sa vie à l’Eglise et à Euskadi » devant la vierge de Begoña, patronne de Bilbao, qui présidera encore, lors du 5e Aberri Eguna, au défilé de milliers de gudaris, ces combattants de  l’armée basque créée par Aguirre (également titulaire du portefeuille de la Défense). C’était le 28 mars 1937, l’avant-veille du déluge de fer et de feu qui s’abattit sur Euskadi.Il n’est pas inutile de revenir sur les circonstances à l’origine de ces événements.

Le dirigeant d’un parti démocrate et chrétien

Le Parti nationaliste basque a des racines chrétiennes : il sera même l’un des fondateurs de la fédération européenne démocrate-chrétienne.

Quand Alphonse XIII cède la place à la république en 1931, les Basques proposent un statut d'autonomie approuvé par chacune des provinces basques sauf la Navarre où il y a eu des manipulations électorales. Mais Madrid marque sa défiance en traînant des pieds devant ces Basques qui veulent le rétablissement des anciens Fors, ce qui équivaut presque à une indépendance de fait, ainsi que la signature d’un concordat établissant des relations directes avec le Vatican.

Or la politique de la république était très hostile à l’Eglise et aboutira, à l’arrivée au gouvernement du Front populaire en 1936, à des persécutions sanglantes contre les chrétiens.

D’ailleurs un ministre républicain du PNV, Manuel de Irujo témoignera en 1937: « en dehors du Pays Basque, la situation de fait de l'Eglise est la suivante : tous les autels , images et lieux de culte ont été détruits sauf de rares exceptions...toutes les églises ont été fermées au culte...des édifices et des biens ecclésiastiques ont été incendiés, pillés et détruits, des prêtres et des religieuses ont été arrêtés, emprisonnés et fusillés par milliers...on est allé jusqu'à interdire la détention privée d'images et d'objets de culte...la police effectue des perquisitions avec violence... »

Par réaction à cette politique anti-chrétienne, la convocation du PNV à l’Aberri Eguna de mars 1932 était rédigée ainsi : « le jour de la Résurrection du Seigneur. Jour de la Patrie Basque. Un seul jour pour fusionner deux souvenirs chéris », etc.

Finalement, la destitution, le 10 juillet 1936, du président constitutionnel de la république le modéré Alcala Zamora et l'assassinat, le 13 juillet, par les factions Révolutionnaires du chef de la droite parlementaire, le député Calvo Sotelo, aboutissent au soulèvement de Franco et au début de la guerre d'Espagne. Et en catastrophe, les Cortes votent le statut d'autonomie des provinces basques le 7 octobre 1936.

En exil

Relater son action pendant les neuf mois d’existence de ce premier gouvernement basque ou en exil demanderait l’écriture de plusieurs livres. Il réussit à quitter le territoire espagnol « in extremis », à bord d’un avion qui avait servi auparavant en Ethiopie lors de la guerre avec l’Italie. En juillet 1937, le Beech était racheté par Auguste Amestoy, créateur d'Air Pyrénées qui assura les liaisons entre la France et Bilbao. Le 24 août 1937, José Antonio de Aguirre et deux de ses ministres l’emprunteront pour quitter Santander vers Biarritz grâce au pilote Georges Lebeau. Il n’aura de cesse, dès lors, de défendre les intérêts d’Euzkadi, sur tous les continents, depuis la Roseraie à Bidart où était installé un hôpital pour les mutilés de son armée, le congrès des Etudes basques en 1947 à Biarritz et Bayonne, où il présenta une étude sur l’histoire du royaume de Navarre, jusqu’aux Etats-Unis où il fit de nombreuses conférences. Il publia en 1937 chez Grasset (sous le pseudonyme d’Azpilikoeta) « Le problème basque » où il relate les tentatives de négociations des Basques sous l’égide de la hiérarchie catholique espagnole.

Et la fondation sous son égide du groupe de danses et de chant Eresoinka témoignera avec talent du futur de l’âme et de la culture basque…

Aguirre mourut d'une crise cardiaque, à Paris, le 22 mars 1960, à l’âge de 56 ans. Sa dépouille fut transportée à Saint-Jean-de-Luz où il reposa une nuit dans la maison de Telesforo Monzón. Ses obsèques, impressionnantes, eurent lieu le 28 mars après une messe en l’église paroissiale de Saint-Jean-de-Luz. En mars 1980, au lendemain du référendum instituant le nouveau statut d'autonomie d'Euskadi et au soir des premières élections libres au Parlement basque, prenant ses fonctions, le Lehendakari Carlos Garaikoetxea, son successeur, rendait un vibrant et solennel hommage à Jose-Antonio Aguirre, là même où le héros de la liberté basque avait prêté serment quarante-quatre ans auparavant. Son fils Joseba m’avait rappelé plus d’une fois que son aita lui avait transmis deux valeurs lui tenant particulièrement à cœur : « l’euskera et la foi chrétienne ».

 

 

 

 

 

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