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"Le fabricant d’espadrilles et sa fille" de Marcel Riant
"Le fabricant d’espadrilles et sa fille" de Marcel Riant

| Léon de la Nive 976 mots

"Le fabricant d’espadrilles et sa fille" de Marcel Riant

Marcel Riant vision de son tableau.jpg
"Le fabricant d’espadrilles et sa fille" de Marcel Riant ©
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Auteur : Marcel-Dominique Riant (1858-1928)
Titre : « Le fabricant d’espadrilles et sa fille »
Année : fin XIXème
Technique : Huile sur toile, signée 
Dimensions : 140 x 113 cm

La rubrique « BasKollection » est heureuse de retrouver ses lecteurs avec cette nouvelle chronique consacrée à un artiste méconnu et à un sujet très connu.
Nous remercions vivement le lecteur, ami fidèle de BasKulture et grand collectionneur d’art, qui a accepté de nous faire découvrir ce tableau.

Nous savons assez peu de choses au sujet de cet artiste.
La Galerie de Frise, à Paris, fondée en 2013 par Florent Piednoir, est spécialisée dans les tableaux et dessins des maitres français, du XVIIème au milieu du XXème siècle.
Elle a vendu le « Portrait d’un ornithologue », de Marcel-Dominique Riant, avec les renseignements suivants :

« Marcel Riant naît à Mendive, près de Saint-Jean-Pied-de-Port. L'ingénieur Pierre Riant, son père, y est directeur des forges (il deviendra conseiller municipal de Bayonne en 1885). Avec son frère jumeau Prudent-Esprit Riant, Marcel-Dominique suit entre 1870 et 1880 les cours d'Achille Zo à l'école Julien de dessin et de peinture de Bayonne. 
Puis il entre aux Beaux-Arts de Paris (avec d'autres peintres bayonnais comme Mège ou Mendilaharzu) et s'inscrit dans les ateliers de Cormon et bien sûr de son compatriote Léon Bonnat. 
Il commence à exposer dès 1886 au Salon des Artistes français, présentant ainsi une Veuve basquaise en 1891.

En dépit d'un niveau professionnel élevé - on n'en attend pas moins d'un élève de Bonnat ! -, Marcel-Dominique Riant, de même que son frère Prudent-Esprit, n'est pas cité dans le dictionnaire des peintres de Bénézit. 

Comme pour d'autres artistes qui en sont absents, la raison en est simple : le Bénézit a utilisé comme principale source le Dictionnaire des artistes de l'école française de Bellier et Auvray, qui s'arrête en 1882. Les rédacteurs du Bénézit se sont abstenus de pointer les artistes exposant par la suite dans les salons parisiens ou de province, d'où de nombreuses lacunes dans cet ouvrage considéré à tort comme une Bible. En revanche, les frères Riant bénéficient de notices détaillées dans l'excellent Répertoire des peintres et sculpteurs du Pays Basque de Gilbert Desport (Atlantica 2002) ».

Ce tableau mérite notre attention autant par sa facture que par son propos : même si l’espadrille fait aujourd’hui partie des symboles du pays basque, rares sont en effet les œuvres d’art, a fortiori anciennes, qui décrivent sa fabrication.

La scène s’équilibre autour de deux personnages, probablement un père et sa fille, mais le jeu des lumières conduit notre attention sur le sujet principal : « l’espadrille ». 
Celle qui est en train d’être assemblée, celles aussi qui l’ont déjà été et qui jonchent le sol, celles aussi que portent les artisans.
L’expression de ces derniers est paisible et la scène dégage une atmosphère tranquille, même si les regards et les expressions sont concentrés. Il s’agit d’un travail particulier et il y faut de l’expertise.

L’époque favorise encore l’artisanat, et la transmission du métier, du savoir, se fait à l’intérieur des familles. La tâche dévolue à la jeune femme est sans doute de coudre les tissus en lin sur la semelle de corde, une fois celle-ci assemblée.
Néanmoins, la manière dont elle observe le travail de son père traduit autant une volonté de l’assister que, peut-être, le désir de compléter son propre savoir-faire.

Le béret du fabricant d’espadrilles autant que la ville ou vit et travaille Marcel-Dominique Riant nous autorisent à situer cette œuvre au Pays Basque.

Les historiens avancent que l’espadrille arrive dès le XVIIème siècle à Mauléon-Licharre, même si les voisins béarnais en connaissent aussi les secrets et l’usage.
Le mot lui-même est issu de « espardille » et vient de l’occitan « espardi(l)hos » qui dérive de l’ancien provençal « espart », qui signifie « sandales de sparte ». 
Des fouilles archéologiques montreraient même que ces « chaussures » avec des semelles en corde étaient déjà utilisées il y a environ 4.000 ans, tandis que la forme plus moderne de l'espadrille remonterait au XIIIème siècle, quand les fantassins espagnols du roi d'Aragon portaient ce type de sandales.

Il faut cependant attendre le XVIIIème siècle pour que sa fabrication commence à se répandre dans le Pays Basque et le Béarn, et c’est au XIXème siècle que son véritable développement commence.
La révolution industrielle produit ses effets autant sur la production (des ouvriers tressent les semelles et assemblent les chaussures autour de Mauléon), tandis que la demande s’intensifie dans les mines du nord de la France ou d’Amérique du Sud.

Simple à produire, et composée de matériaux peu chers (jute, chanvre et lin), l’espadrille est à la portée de tous.

La main d’œuvre locale ne suffit pas, et des ouvrières sont recrutées dans la partie Sud du pays. Elles arrivent au printemps et repartent à l’automne, ce qui leur vaut le surnom «d’hirondelles».
Les « coups de grisou » qui surviennent dans les mines imposent de les humidifier, et la corde des espadrilles ne fait pas bon ménage avec l’eau. La semelle traditionnelle va être remplacée par des semelles en gomme.
Des débuts du XXème siècle jusqu’à nos jours, l’évolution va se poursuivre, avec des hauts et des bas, des concurrents asiatiques et des grands couturiers.

Déclinées selon les goûts du jour et agrémentées au besoin de rubans, d’éléments en cuir, de broderies, de tissus imprimés, de talons compensés ou semi compensés, de semelles en caoutchouc ou encore d’élastiques, les espadrille reviennent aujourd’hui à des formes de confection plus artisanales, et Mauléon en reste la capitale incontestée, avec environ 65% de la production française.

Par un retour de pendule, et après que cet artisanat ait souffert dans les années 1980 de la concurrence des fabriques situées en Asie, certaines entreprises du Pays Basque cherchent maintenant à exporter leur produits vers… l’Asie.

Pour mémoire, cette rubrique ne demande qu’à s’enrichir de vos suggestions (commentaires et propositions d’œuvres). 
Vous pouvez les adresser par email à Léon de la Nive :  leon.de.la.nive@gmail.com

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