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Tradition
La Noël de notre enfance
La Noël de notre enfance

| François-Xavier Esponde 1211 mots

La Noël de notre enfance

Un autre temps que celui de la Noël de notre enfance après-guerre sans télévision, ni chauffage central ni électricité partagée en toutes les fermes de nos campagnes. Un état des lieux difficile à imaginer pour des enfants de même age aujourd'hui qui n'ont connu depuis leur naissance que portable, tv, ordinateur, et le numérique à tous les étages de leur habitation.
Noël était un temps particulièrement attendu par les enfants à qui on faisait miroiter la venue dans la noirceur de la nuit, les ténèbres de saison, du visiteur du soir en la personne de Jésus, Jesus haurra.

La légende du charbonnier viendra plus tard dans l’imaginaire des enfants peu ou prou initiés à ce personnage sombre de la nuit des rêves et des insomnies infantiles.
Tard dans la nuit ou si tôt le jour de Noël, il fallait attendre ce visiteur sans le voir, l'imaginer sans le comparer, le désirer sans le contraindre.
Mais encore Noêl était auréolé de services religieux à l'église du village, où souvenons nous, la messe de minuit précédée parfois par des messes préalables représentait l'apothéose de la Nativité de l'Enfant-roi venu en personne dans la maisonnée commune de l'église. Gaur sortu da jesus haurra, aingeruek, Oi eguberri gaua, se fredonnaient sans cesse bien avant puis pendant le temps de la nativité.

1 – frugalité de Noël

Nos églises n'étaient pas chauffées, ni de bois, ni de mazout, ni de gaz et la chaleur humaine faisant le partage calorifique de l'assemblée, on s'y blottissait dans nos habillements de saison. Bottes plastiques et pieds chaussés de laine, d'un peu d'herbe dans les talons, ou de la paille pour conforter la semelle.
Le passe montagne autour de la tête, ou le béret pour les jeunes gens, une écharpe traditionnelle tressée par nos anciennes, de ces accessoires utiles pour résister au froid et aux gerçures des doigts de main, de pied habituées de l'hiver.
Les gants de laine faisaient partie des protections du moment.

Quand viendrait la généralisation progressive du chauffage des salles communales et familiales, on regarderait avec amusement ces us et pratiques d'un autre temps qui fut le nôtre dans notre enfance. Il n'y en eut pas d'autre !

Sur les chemins menant à l'église dans la nuit de noël, on marchait sur la voie goudronnée dans les zones qui l'étaient, évitant les flaques d'eau ou enneigées, armés d'une lampe de poche version "pile wonder, ne s'use que si l'on s'en sert", comme rapporté par la publicité d’alors...

Les villageois les plus éloignés de l'église paroissiale faisaient pour certains plusieurs kilomètres à pied, chaussés de sabots et à l’aveuglette.
On en sourit aujourd'hui en regardant les téléphones mobile servant le cas échéant à cette fonction d’éclairage et saisis par toutes les images insolites du moment. A Noël elles ne manquaient pas mais on ne disposait de téléphone portable pour faire dans l'instant ces instantanés authentiques !

La célébration à l'église pouvait sembler prolongée pour un enfant car dès le lendemain de bonne heure, il fallait se joindre à la messe solennelle de noel si pour le cas on avait quelque attribution de service désigné par le curé ou ses dames dévotes à la tâche.
On était pressé de rentrer à la maison où attendait autour de la cheminée ardente, et du feu de bois de la nuit, le lait chaud et le chocolat avant la nuit bien engagée autour des trois heures déjà de Noël.

Les châtaignes grillées, le lait caillé noyé de confiture, le yaourt d’époque, les noix et noisettes, le vin chaud pour les adultes, ajoutaient au menu du soir un extra de circonstance.

L'âtre central de la cuisine, chauffage central d'époque, était bien le seul endroit bien chauffable du temps.
Quelques bouillottes ou des plaques de tuiles chauffées autour du feu servait de moyens rustiques pour réchauffer le lit glacial dans une chambre d'étage de la maison.

La qualité du bois avait son intérêt. Coupé dans les zones forestières de la ferme, rien ne se laissant perdre, on récupérait dans la saison sèche ou au début de l'automne les branches élaguées des arbres, platanes, chataigniers, noyers, chêne, dont la qualité était reconnaissable par son apport calorifique de la cuisine et entreposés un an avant pour l’hiver prochain dans les appentis de ferme.

2 - L'âtre de la cheminée avait de nombreuses fonctions.

Réchauffer les aliments humains et d'alimentation animale, préparer le bain des enfants et celui des adultes, pourvoir aux lessivages et entretiens domestiques les plus usuels, disposer en continu et du feu de cheminée en cours et de confection de fromages fermiers quotidiens qui trouvaient place en ce lieu après l'accomplissement des autres tâches.
Point de cuisinières ni au bois ni au gaz, ni au mazout dans ces années drastiques en énergie naturelle, mais abondamment pourvues en bois domestique dont on faisait chaque année une consommation élevée en hiver et le reste du temps.

Difficile de penser encore à présent quelques décennies après, que l'électricité souvent centrée à la cuisine et à quelques chambres essentielles avait mission d'éclairage et s'éteignait assez vite en soirée laissant peu d'autre distraction que d'écouter pour les parents un peu de radio et se fondre dans le sommeil sans délai.

L'heure du lever était toujours prompte pour tout un chacun.
Bien avant celle d'aujourd'hui où la généralisation de lumière de jour pour la nuit, a modifié le temps consacré de sommeil et réduit pour tous cette obscurité du temps de nuit changée avec l'électrification pour tous.

Noël de notre enfance était avant tout une séquence inopinée de la nuit dans le cours d'une journée ininterrompue avec les offices religieux à l'église.
On y trouvait déjà quelques éléments d'une crèche en plâtre, et de personnages en bois, rares et moins fréquents. De la cire d’abeille parfumée, de l’encens autour des mages, et cette senteur de cierge constante dans les églises maculées de la graisse de fumées ajoutées par le temps.
La tradition la plus courante des parents de Jésus, et des figurants de la dite crèche s’y trouvait.

La messe dite en latin, de dos aux fidèles avec un bref commentaire en basque du curé gratien Mailluquet dans mon cher village d'origine, donnait peu cours à l'improvisation. Le chantre reprenant les répons attendus par le curé, accompagné par Kayet, un mutilé de guerre de 1914 jouant de l'harmonium, on était de la fête avec les galeries paroissiales combles des villageois présents.
La liturgie dense de ce temps d'exception s'accomplissait selon les règles canoniques dans la régularité !

La visite réservée à la crèche pour les enfants du village ce soir et les jours du temps de la Nativité, avait un contenu de rituel obligé conduit par les dames catéchistes à la ferveur de ce moment liturgique, où elles avaient une place reconnue et appréciable.

Au lever pour tout enfant préalablement instruit des faveurs de cette nuit, la surprise était attendue. Des cadeaux sucrés, des vêtements chauds, des réglisses, des karembars et des chocolats Noblia de Cambo représentaient le nec plus ultra du jour si espéré.
Un assortiment de confections sucrées qu’un enfant associait à ce jésus prodigue en friandises !
Dans la frugalité d’une époque où les souvenirs de guerre étaient toujours présents faits de privations, de sobriétés et de partages ! Il y a 60 ans déjà !

Répondre à () :

Manex Barace | 10/12/2022 18:36

A Biarritz Saint-martin et dans nos familles, dans les années 60 c'était pratiquement identique, pour le culte, pour les cadeaux reçus (avec une orange à partager en deux avec mon frère en prime), pour le mode de vie....

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