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Des Hommes
Jean Lassalle et Jacques Coumet
Jean Lassalle et Jacques Coumet

| François-Xavier Esponde 1049 mots

Jean Lassalle et Jacques Coumet

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Jacques Coumet ©
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Jean Lassalle ©
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Vient le temps du souvenir sur ces deux hommes de la vie publique pyrénéenne.
L’un disparu, le deuxième au terme de vingt années de mandature législative.
Deux tempéraments pyrénéens atypiques, le Béarnais de Lourdios-Ichère, et le Basque d’Hasparren.

La ruralité, l’esprit cabotin en politique poussé parfois au paroxysme les unit. Ils aimaient atteindre la sensibilité vive de sujets qui réveillent les assis en place, les satisfaits en surface, les sachants en suffisance.

Le député de la quatrième circonscription, la plus étendue des Pyrénées Atlantiques, 219 communes du Béarn et du pays basque intérieur ne craignit de courir la campagne, sa terre de prédilection à la vitesse en plus. Connu pour sa conduite sportive, il ne rechignait de sillonner villages et faubourgs d’Oloron à Hasparren aux commandes de sa voiture pour être présent là où son mandat de député le demandait.

Basco-et-béarnais fut un défi pour ce jeune élu dès son premier mandat de maire de Lourdios-Ichère et de conseiller général des Pyrénées-Atlantiques, le benjamin de l’équipe. Ses origines de berger par sa parenté lui ont appris à transhumer par-delà les montagnes du Haut béarn, en Aragon-Navarre et en béarn du nord pyrénéen.

Un esprit personnel, indépendant pour certains et toujours libre. Habitué de la langue béarnaise, française, espagnole, basque par procuration, ne le prenez jamais en défaut de vous deviser par son regard introspectif.
Il vous observe droit dans les yeux, vous dévisage et vous contraint à parler droit devant sans fausse protection.
Il aime la franchise abrupte de coffrage de ceux qui se veulent authentiquement de ce pays des monts et vallées, de pacages et de sommets, berger dans l’âme, habitué au silence extérieur, au recueillement intérieur, à la vie paysanne sobre et dépouillée.

On l’imaginerait peu familier des salons feutrés du Palais Bourbon et des ministères parisiens où le sujet pyrénéen apporte du divertissement ou de l’embarras. Il n’aimait guère les conformités de circonstance, s’adresse à ses interlocuteurs sans ménagement, et livre ses messages sans les vouloir policer ou les rendre conformés aux entendements.

Droit devant, en direct et pour de vrai ! La mémoire collective se souvient encore de ses expositions à l’opinion publique au parlement, au cours de sa marche citoyenne à travers le pays, sur des milliers de kilomètres parcourus, il ne lui manquerait que le chemin de Santiago de Compostelle, dans son agenda pour parfaire encore le tracé d’un objecteur de dépassement inachevé de son parcours individuel.

Basco-béarnaise, la quatrième circonscription est le creuset des défis sociaux et sociétaux de l’isolement et de la dimension habituée de communautés humaines peu habitées en de multiples villages disséminés, privés de services publics de proximité.
Que cela lui soit, il se bat sans fin contre ces inégalités de fait et de terrain, auprès de ses administrés qui ne lui demandent son origine basque ou béarnaise sinon son efficacité pour servir les basques et pour les béarnais.

De mémoire passée, le choix du député de la 4ème fut le résultat d’adjonction de voix socialistes en Béarn, centristes au Pays Basque, gaullistes d’antan dans des cantons basques de l’intérieur.

Fédéralistes et associatifs avant la lettre, on se muta en relatifs des grandes idéologies nationalistes, française, basque, béarnaise pour élire ce député atypique acquis aux voix des Basques pour les Béarnais, des Béarnais pour les Basques. Ce qui en l’état pouvait être une gageure, et un défi possible dans la répartition équitable des tâches et des fonctions.

L’alliance acquise du centriste Lassalle et du gaulliste fervent Jacques Coumet fut une prouesse d’amitié personnelle et de persuasion partagée.

L’un l’autre surent que sans un pacte commun du centre élargi aux franges, la circonscription menaçait de passer à gauche ou à droite au grand défi des sympathisants de chaque camp, chahutés par des autonomistes locaux les plus réticents.
On se fit ami et compagnon “d’un chemin de marche partagé”, au regret des partis politiques eux mêmes, peu et pas disposés à ces alliances locales entre la droite, le centre et la gauche dans le département.

On dit en ce temps que le centriste arborait les couleurs d’une gauche modérée, le gaulliste celles d’une droite tempérée, et pour la gauche socialiste et radicale locale, celles enfin d’une entente raisonnée et peu formatée.

Jean Lassalle fut donc réélu plusieurs fois dans l’exercice convenu de ce qui semblait possible in situ et peu souhaitable au national au siège de ces trois tendances politiques peu familières de ces arrangements entre amis pyrénéens de vieille souche.

Basco-béarnaise, la quatrième demeurait une épine au pied des Béarnais de la capitale départementale et des Basques de la côte.

Indéfini, inachevé, incomplet, difficile à qualifier dans une ruralité, en recherche permanente de reconnaissance pour son cadre de vie, son tourisme et ses loisirs.
Privé de population autochtone renouvelée, havre de week-ends et de jubilations saisonnières, pour les locaux et les nationaux.

Les défis ne manquaient pas. Une démographie vieillissante, une jeunesse tentée par l’exode rural, une agriculture en perte de bras, une industrie portée par des aventuriers pionniers du numérique et des créations contemporaines..

Une terre de lait et de miel” diraient les biblistes du passé, riche de ses avantages mais privée de ses moyens les plus modernes de l’industrialisation, de la commercialisation et de la diffusion de l’information sans lesquels les prouesses des entrepreneurs sombrent dans le découragement.

Ces slogans du passé, vouloir vivre au pays version basco béarnaise, chasse - pêche et traditions, vert envers et contre tout, prenaient visage d’une ruralité qui n’a fait que s’accentuer du côté d’Oloron, Mauléon, Hasparren, Saint-Jean-Pied-de-Port, et dans ce chapelet de villages à l’infini qui couvre la circonscription, de ces communes qui se succèdent et se perdent dans des champs de maïs, des prairies de troupeaux de vaches, de moutons et de bétail couleur locale.

Parmi les six circonscriptions du département, la quatrième parvient avec le retrait de Jean Lassalle de la prochaine mandature au terme d’une histoire singulière. Le mariage partagé d’une union basco-béarnaise authentiquement locale. Elle préfigurait déjà une visée élective d’amplitude plus étendue que celle d’une portion départementale.

La quête d’unité d’un pays de basques et de béarnais que la langue distingue, les habitats singularisent, les traditions autochtones particularisent et qui par delà ces caractères spécifiques propres à cette terre redéfinissent les espaces publics et privés d’une vie ensemble partagée et commune pour leur propre avenir !

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