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Portrait
Hendaye : faits de guerre et découvertes scientifiques, la famille Anatol en exergue
Hendaye : faits de guerre et découvertes scientifiques, la famille Anatol en exergue

| Baskulture / Alexandre de La Cerda 883 mots

Hendaye : faits de guerre et découvertes scientifiques, la famille Anatol en exergue

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Maritxu Anatol au sein de son "réseau" luzien ©
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Mercredi dernier, le maire d'Hendaye, Kotte Ecenaro, a inauguré à proximité du Pont Avenida une place qui porte le nom de Maritxu Anatol, membre du réseau "Comète" lors de la seconde guerre mondiale. La plaque a été apposée non loin de la maison de son mari, « le commerçant et sportif Eugenio Angoso ».

Rappelons qu’il y a 80 ans, le 13 juillet 1943, le groupe au sein duquel Maritxu Anatol œuvrait au profit du réseau de résistance "Comète" avait été arrêté par la Gestapo : trois de ses membres furent déportés en Allemagne – d’où ils revinrent, mal en point mais vivants – alors que Maritxu réussit à se sauver.

L'occasion de revenir sur la "forte" personnalité de cette Irundar (native d'Irun). L'Encyclopédie Auñamendi, le blog "Histoires de Hendaye" (le plus complet à cet égard) et diverses publications ont publié sa biographie, dont il ressort que Maritxu Anatol Aristegui était née le 24 janvier 1909 à Irun d'une famille aisée : son père Anatolio Anatol Chopérena, né à Lesaca mais de nationalité française, habitant à Behobie, tenait à Irun une Agence de transit en Douane dans laquelle notre "héroïne" exercera également ses talents. 
Un de ses frères était un grand sportif qui fut plusieurs fois international de football dans l'équipe de France tout en terminant ses études d'ingénieur, un autre frère entra dans les ordres. 
Quant au troisième, le chimiste et physicien Jesús María Anatol Arístegui (né le 27 septembre 1915 à Irun, décédé à Paris le 21 novembre 1980), d'abord mobilisé dans l'armée française, resté prisonnier des Allemands (malgré ses plusieurs tentatives d'évasion) de juin 1940 jusqu'en 1945, lorsque libéré par les Russes dans un camp près de l'Elbe, il put terminer ses études à Paris et en 1953, soutenir sa thèse de doctorat en sciences physiques, intégrer l'Institut Pasteur, puis rejoindre le groupe Roussel en tant que chef de laboratoire, diriger la Société Kuhlmann et en 1961, être nommé professeur à la Faculté des sciences de l'Université de Reims. Auteur de plus de 20 publications scientifiques, pour sa découverte de l'analgésique "Ergadyl" et d'autres produits pharmaceutiques, il reçut en novembre 1971 la Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur !

Mais revenons à l'odyssée de Maritxu Anatol Aristegui : 
- réputée comme "l'enfant turbulent de la famille, elle commence à travailler à l’Agence en Douanes de son père et, profitant de sa double nationalité (espagnole par le lieu de naissance - Irun - et française par ses parents), mais aussi de ses relations avec la maison Hirigoyen de Hendaye, elle officiera également du côté français de la frontière... Jusqu'à ce que le 20 juillet 1936, au moment du déclenchement de la guerre civile espagnole, elle aille vivre à Béhobie ou sa mère avait une maison dite "Kontxeshina" à quelques mètres de la Bidassoa et de la Douane Française, non loin du "Bar de la frontière".
- L'été 1940, les Allemands confisquent le rez-de-chaussée de la résidence familiale et une quinzaine de soldats s’installent dans la demeure, au second étage, alors que Maritxu vivait au troisième étage avec sa mère et sa soeur Karmentxu.
- L’occasion de s’engager dans l’action clandestine lui fut offerte à Saint-Jean-de-Luz où le propriétaire du café « le Prado » Léon Chardier, originaire de Hendaye, lui fit rencontrer Alejandro Elizalde Iribaren, qu’elle connaissait de vue, et qui lui proposa de travailler pour la résistance en recueillant des informations et en aidant au passage des fugitifs.
- C’est ainsi que Maritxu participera à certaines activités du réseau « Comète ». Elle s’occupait surtout du ravitaillement, ramenant œufs, légumes et tout ce qu’elle pouvait trouver dans les fermes et les magasins, se rendant clandestinement à Irun pour acheter des chaussures ou ce qui manquait aux aviateurs. Elle ratissait ausi les fermes d'Oyarzun et de Lesaca, allant même bien au-delà de la frontière, dans certains villages landais .
- Arrêtée à plusieurs reprises, incarcérée une fois chez « Pardo », à Hendaye, où les allemands avaient installé une prison, une autre fois à la « villa chagrin » de Bayonne, ainsi qu'à l'hôtel Edouard VII de Biarritz, les Allemands ne purent retenir contre elle que le délit de marché noir et elle fut chaque fois relâchée...

D'après le blog "Histoires de Hendaye", le « Réseau Comète », pour lequel elle travaillait, se méfiait de ses méthodes. Maritxu se débrouillait parfaitement dans le milieu de la contrebande, où proliféraient les indicateurs. Elle portait toujours un pistolet Star, que d’aucuns considéraient comme une imprudence. L’un des contrebandiers de son groupe fut accusé de fréquenter la Kommandantur de Bayonne. Elle le défendit, en affirmant que « maintenir des contacts avec les Allemands permettait d’obtenir des informations utiles sur les passages de la frontière ».

En 1945, Maritxu revint à Irun pour y diriger sa propre agence en douane et se marier dans les années 1960 au "commerçant et sportif Eugenio Angoso".
On cite encore l'anecdote d’un pilote qui lui avait demandé quelle place il occupait sur la liste des 113 aviateurs auxquels elle avait contribué à effectuer la traversée de la frontière d’Iparralde vers Hegoalde (du Nord vers le Sud). Elle lui répondit qu’il était le 68ème aviateur qu’elle avait aidé et, un an et demi plus tard, elle reçut un collier de 68 perles… Elle mourut le 27 août 1981, à l'âge de 88 ans.

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